Un avocat florentin en est persuadé : la justice italienne pourrait être en mesure d’annuler les peines d’exil et de mort prononcées à l’encontre de l’auteur de La Divine comédie au XIVe siècle. En cette année du 700e anniversaire de sa mort, il a invité un descendant du poète à participer à une fausse audience de révision.
Dans le civil, Sperello di Serego Alighieri est un astrophysicien, membre de l’observatoire d’Acetri, à Florence. Mais il est aussi un descendant de dix-neuvième génération de Dante, ce qui lui confère certaines responsabilités vis-à-vis de son très lointain et très prestigieux aïeul. Tel est en tout cas l’avis d’un avocat florentin, l’honorable Alessandro Traversi, qui a invité le scientifique à représenter les intérêts de son ancêtre lors de l’examen d’une fausse requête en révision du procès de Dante.
Organisée à l’occasion du 700e anniversaire de la mort du poète, la fausse audience prendra la forme d’un congrès qui doit se tenir le 21 mai prochain, selon les informations du Corriere della Sera. Elle réunira “des hauts magistrats, des juristes, des historiens et des linguistes qui auront pour mission de vérifier tous les aspects techniques possibles” d’une éventuelle demande officielle de révision. Ce faisant, les experts du XXIe siècle rouvriront “le cold case le plus célèbre de l’histoire”, s’amuse le Corriere.
L’affaire a piqué la curiosité du quotidien britannique The Guardian, lequel précise que les condamnations visant Dante sont au nombre de deux : une première peine d’exil pour “concussion”, prononcée en 1301, alors que le poète se trouvait à Rome dans le cadre de ses fonctions politiques dans la ville de Florence ; et une condamnation au bûcher prononcée par contumace en mars 1302. Florence était alors déchirée par une guerre de factions qui opposait les blancs (réunis autour de la famille Cerchi et opposés à l’ingérence du pape dans l’administration de la ville) aux noirs (affiliés aux Donati).
Ainsi que le souligne le Corriere, Traversi est loin d’être un hurluberlu. Professeur de procédure pénale à l’université de Florence, il dirige “l’un des cabinets d’avocats les plus réputés” de la ville. S’appuyant sur trois articles du Code de procédure pénale italien, il est persuadé que la perspective d’une annulation de la peine de Dante n’a rien d’une utopie. Selon les termes du Corriere della Sera, “toute peine devenue exécutoire est susceptible de révision dans le cas où émergent des preuves nouvelles allant dans le sens de l’innocence du condamné”.
Un descendant du magistrat devrait aussi assister à l’audience
Comme l’explique Alessandro Traversi, les experts réunis en mai se demanderont “si ces peines ont été prononcées dans le cadre d’une procédure judiciaire régulière, ou si, au contraire, elles étaient le fruit empoisonné d’une instrumentalisation politique de la justice afin d’abattre un adversaire”.
Outre l’astrophysicien Sperello di Serego Alighieri, devrait aussi être présent lors de l’événement de mai Antoine de Gabrielli, un descendant du podestat (comme on appelait au Moyen Âge le plus haut magistrat des villes italiennes) qui a prononcé la condamnation à mort de Dante.