L’Allemagne déconseille le vaccin britannique aux plus de 65 ans. L’Afrique du Sud veut se débarrasser de son stock. Mais l’Organisation mondiale de la santé le recommande pour “tous les groupes d’âge”. Pour Le Temps, l’institution pense d’abord aux pays en développement.
AstraZeneca, qui a développé un vaccin contre le Covid-19 conjointement avec l’université d’Oxford, a annoncé jeudi un doublement de son bénéfice en 2020 à 3,2 milliards de dollars [2,6 milliards d’euros]. Son action a pourtant évolué à la baisse, clôturant à 72,4 livres [82,5 euros] à la Bourse de Londres. Sur une année, elle a perdu près de 4 livres, non sans avoir touché un sommet de 93,2 livres le 21 juillet 2020. Autant dire que des doutes sur l’efficacité de son vaccin contre le Covid-19 exprimés ces dernières semaines assombrissent quelque peu ses perspectives.
L’année n’a pas bien commencé pour AstraZeneca. L’Allemagne puis d’autres pays européens ont annoncé que son vaccin n’était pas indiqué pour les personnes de plus de 65 ans, le groupe – 20 % de la population européenne – le plus à risque face au Covid-19. Puis, le week-end dernier, l’Afrique du Sud a annulé sa campagne de vaccination avec le produit d’AstraZeneca. Jeudi, Pretoria est allé plus loin en se disant prêt à se débarrasser de son stock. Un million de doses ont déjà été livrées et 500 000 autres sont attendues d’ici à la fin du mois.
C’est dans ce contexte d’incertitudes que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) est venue à la rescousse d’AstraZeneca mercredi. Le président du Groupe stratégique consultatif d’experts, Alejandro Cravioto, a affirmé que le vaccin de l’entreprise anglo-suédoise pouvait être administré à tout le monde, y compris aux plus de 65 ans et dans tous les pays. “Nous le recommandons en priorité aux travailleurs au contact des malades et à tous les groupes d’âge”, a encore confirmé l’OMS dans un communiqué.
Cette déclaration a semé la confusion. Luc Otten, médecin et biologiste qui suit les développements autour de la pandémie de près et blogueur au Temps sur le thème de la santé, affirme que l’OMS s’appuie sur l’homologation de l’Agence européenne des médicaments pour donner à son tour le feu vert à son utilisation dans les pays en développement. “Elle leur permet ainsi d’accéder aux vaccins, notamment par le biais de Covax, le mécanisme mis en place pour financer l’achat de vaccins à l’intention de pays pauvres.” Et d’ajouter :
Dans ces pays, la proportion de la population au-dessus de 65 ans est cinq fois plus faible qu’en Europe.”
“Vaccin de seconde zone”
“Le vaccin donne quand même des résultats pour le variant classique ; il n’est donc pas absurde de l’utiliser sur les travailleurs du front, par exemple, insiste le médecin biologiste. Il est aussi moins cher par rapport aux doses de Pfizer ou de Moderna, plus facile à fabriquer et à distribuer.” Toujours est-il que, selon lui, le vaccin d’AstraZeneca pourrait bien disparaître de l’offre vaccinale dans un ou deux ans. “En ce moment, il n’y a que des vaccins AstraZeneca qui sont disponibles ; il faut donc les utiliser même s’ils apparaissent comme des vaccins de seconde zone quant à leur efficacité”, poursuit-il.
Luc Otten va plus loin. “L’OMS enlève une épine du pied de Covax, qui a commandé le plus grand nombre de doses d’AstraZeneca [350 millions à ce stade], dit-il. Sans ce vaccin, ce mécanisme international serait en difficulté et ne pourrait pas atteindre son objectif, qui est de fournir 2 milliards de vaccins aux pays en voie de développement en 2021.”