Pékin proclame sa victoire sur la pauvreté

Pékin proclame sa victoire sur la pauvreté

Le président Xi Jinping a longuement vanté les mérites du Parti communiste lors de son discours prononcé à la conférence nationale sur la lutte contre la pauvreté, qui s’est tenue le 25 février à Pékin. Mais d’autres sources relativisent ses propos : difficile de parler de sortie de la pauvreté avec un seuil fixé par la Chine si bas.

Dans la grisaille du climat mondial de lutte contre la pandémie de Covid-19, la Chine semblerait être une source de bonnes nouvelles. Le 25 février, sur son compte officiel du réseau social chinois WeChat, le Renmin Ribao (“Le Quotidien du peuple”) a 9 publications sur 14 consacrées au même sujet : la sortie de la pauvreté.

Lors de la conférence nationale de synthèse et de récompenses sur la sortie de la pauvreté, Xi Jinping a déclaré “solennellement” que la Chine avait remporté une victoire totale dans sa guerre contre la pauvreté, rapporte Renmin Ribao. Selon le président chinois, les 98,9 millions de ruraux pauvres sont sortis de la pauvreté conformément aux normes en cours. Cela concerne tous les comtés et les villages classés “pauvres” : 832 comtés, 128 000 villages. “La pauvreté régionale globale a été résolue et la mission ardue d’éliminer la pauvreté absolue a été remplie. Un autre miracle humain a été accompli”, s’est félicité Xi Jinping, comme le relate l’organe du Parti communiste.

Les “phrases d’or” du président Xi

En octobre 2015, soit trois ans après son arrivée au pouvoir suprême, Xi Jinping s’était donné pour objectif de sortir les ruraux pauvres de la misère à l’horizon 2020.

Cinq ans plus tard, les annonces du président chinois sont considérées comme la démonstration d’une réalisation majeure. Après le discours de Xi, Renmin Ribao a publié dans la foulée une dizaine de “phrases d’or” du président, comme : “Aucun autre pays n’a pu sortir plusieurs millions de personnes de la pauvreté en si peu de temps. Ce résultat appartient à la Chine, et aussi au monde. C’est la contribution de la force chinoise à la construction d’une communauté de destin pour l’humanité [concept cher à Xi Jinping, inscrit dans la Constitution chinoise en 2018]”. Ou encore :

Le Parti communiste chinois dispose d’immenses capacités de leadership, d’organisation et d’exécution.”

Dans une troisième publication de Renmin Ribao, le quotidien expose en dix affiches les chiffres qui prouvent la réussite de cette bataille laborieuse contre la pauvreté. Par exemple : “Les revenus annuels moyens de la population pauvre étaient de 2 982 yuans [392 euros] par habitant en 2015, ils ont été relevés à 10 740 yuans [1 413 euros] en 2020.” Plus loin : “L’investissement cumulé des fonds consacrés à la lutte contre la pauvreté est de près de 1700 milliards de yuans.”

Certains relativisent cette victoire proclamée

Réagissant à l’ambiance générale de fanfaronnade dans les médias officiels, un article daté du 30 septembre 2020 de l’hebdomadaire Zhongguo Xinwen Zhoukan a souligné que “le seuil de la pauvreté est assez bas” en Chine par rapport aux normes de la Banque mondiale, et que “la norme actuelle du seuil de pauvreté absolue dans le pays n’est que légèrement supérieure à la norme du seuil de pauvreté extrême [vivre avec moins de 1,9 dollar par jour]”.

Le seuil chinois actuel a été annoncé en novembre 2011 par le Premier ministre de l’époque, Wen Jiabao. Il concerne les personnes qui vivent avec moins de 2 300 yuans (302 euros) de revenu net annuel.

Pour le politologue chinois Wu Qiang, qui l’explique à la BBC en version chinoise, Pékin célèbre aujourd’hui en grande pompe la sortie de la pauvreté et impute la pauvreté aux brimades dont la Chine a souffert depuis l’ère semi-coloniale et semi-féodale. Mais en réalité “l’existence d’un grand nombre de pauvres en Chine est due aux erreurs et à la radicalité du Parti communiste après son arrivée au pouvoir en 1949, notamment [les trois armes magiques] proposées par le Comité central du parti en 1958 : la ligne générale de construction socialiste, le Grand Bond en avant et la Commune du peuple, et enfin la Révolution culturelle”.

Zhang Zhulin

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