Sur fond de pandémie, la crise démographique au Japon s’accélère

Sur fond de pandémie, la crise démographique au Japon s’accélère

À l’heure où l’archipel traverse la troisième vague de l’épidémie de Covid-19, le nombre d’enfants nés en 2020 montrera très probablement une baisse importante par rapport à l’année précédente. Ce qui risque d’accélérer encore la crise démographique du pays, s’inquiète le journal Nihon Keizai Shimbun.

Depuis l’éclatement de la crise sanitaire au printemps dernier, les indicateurs socio-économiques ne cessent de s’assombrir au Japon : 885 entreprises en faillite et presque 2 millions de personnes en situation de chômage. Le nombre de suicides s’est quant à lui établi à 2 158 en octobre au niveau national, soit 600 cas de plus que pendant l’année 2019.

Ce climat d’angoisse collective commence à peser sur la démographie du Japon, pays qui souffrait déjà d’une chute de population importante avant la crise, révèle le quotidien économique Nihon Keizai Shimbun.

À l’hôpital d’Aiwa, situé dans la ville de Kawagoe, au nord de Tokyo, le nombre de femmes enceintes qui se sont inscrites à la maternité entre avril et novembre 2020 a baissé de 5 % par rapport à la même période de l’année 2019. Chose encore plus marquante, les patientes ayant prévu d’accoucher dans l’établissement entre janvier et février 2021 sont de 20 % moins nombreuses qu’en 2020. “C’est probablement à cause de la crise sanitaire”, glisse un responsable de l’hôpital, cité dans l’article, qui affirme n’avoir jamais vu une telle chute avant.

L’angoisse collective pèse sur le nombre de naissances

Les statistiques officielles confirment cette tendance. Selon le ministère de la Santé, le nombre de personnes ayant entamé la démarche administrative en vue d’un accouchement entre les mois de janvier et d’octobre 2020 a baissé de 5 % par rapport à l’année précédente. “La chute est surtout nette pour la période ayant suivi le premier état d’urgence [7 avril-25 mai], où les chiffres ont enregistré un score de -17,6 %”, note le journaliste. “Dans les circonstances actuelles, les perspectives d’avenir sont incertaines. L’angoisse collective et les soucis économiques pèsent sur la psychologie des gens, qui hésitent à avoir des enfants”, analyse Haruhiko Sago, vice-président d’un hôpital tokyoïte qui a lui aussi vu le nombre d’accouchements décliner dans son établissement.

Tout naturellement, cette tendance accélère la chute démographique du pays. Selon une estimation faite par l’Institut de recherche du Japon (JRI), le nombre de naissances risque de stagner à 840 000 au niveau national pour l’année 2020, enregistrant une baisse de 160 000 par rapport à l’année 2016. Pire encore, ce chiffre pourrait même chuter à 790 000 en 2021, soit en dessous de la barre symbolique des 800 000 naissances, un seuil qu’une estimation de l’Institut national des études démographiques avait prévu en 2017 mais pour dans douze ans.

“Le cercle vicieux risque de s’aggraver”

À ce rythme, la population du pays, actuellement de 126 millions, pourrait même descendre en dessous des 100 millions en 2049, selon l’analyse de Takuya Hoshino, économiste à l’institut de recherche Daiichi Seimei Keizai. Comprenez, c’est comme si deux villes de la taille de Tokyo disparaissaient en l’espace de trente ans… “Après la crise, il faut mettre en œuvre des mesures pour aider les Japonais à faire des enfants”, avance l’économiste. Pour le journaliste de Nihon Keizai Shimbun, ces mesures vont forcément passer par la réforme de la sécurité sociale, souvent critiquée pour être désavantageuse pour les jeunes générations. “Depuis 2018, le gouvernement promeut un système bénéfique aussi pour la population active, laquelle soutenait jusqu’ici les seniors par ses cotisations. Or, si le nombre de jeunes diminue plus vite que les estimations, les effets de ces mesures seront vite effacés. Plus les charges financières sur les jeunes – la baisse d’allocation de retraite, l’augmentation des frais médicaux – seront importantes, moins ils feront d’enfants pour des raisons économiques. Le cercle vicieux risque de s’aggraver”, s’inquiète le journaliste.

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