Len Pennie, la poétesse qui défend la langue écossaise

Len Pennie, la poétesse qui défend la langue écossaise

Chaque lundi, Courrier international vous invite à découvrir une influenceuse ou un influenceur. Cette semaine : Len Pennie. L’étudiante fait partager son goût pour les particularités de l’anglais d’Écosse à travers la poésie. Ce qui lui vaut des critiques peu amènes mais aussi des soutiens de poids.

Ce n’est pas une tout autre langue, mais on est loin de l’anglais d’Oxford. Len Pennie est une amoureuse du parler si spécifique de l’Écosse, passion qu’elle partage sur son compte Twitter à travers des explications et la définition d’une expression (le “mot écossais du jour”) et, surtout, à travers la composition de poèmes qu’elle publie et récite devant la caméra.

Un accent, des rimes et un brin de folie

Elle a commencé à faire sensation à l’automne dernier, relate The Times, avec “I’m no Havin’ Children” (“Je n’aurai pas d’enfants”). Contrairement à ce que le titre laisse penser, il ne s’agit pas de refuser la maternité : elle affirme plutôt qu’elle n’aura pas des children anglais mais des weans, des petits bien écossais. “J’vais avoir des petits, à la tête bien pleine d’une langue antique et fière.”

Depuis, détaille le quotidien, “des dizaines de milliers d’utilisateurs se sont bousculés sur son fil pour voir cette étudiante de 21 ans de la localité de Fife [juste au nord d’Édimbourg] réciter des chansonnettes et des rimes avec son accent caractéristique”. Elle connaît un regain de popularité en ce début d’année lorsqu’elle remet au goût du jour une tradition du cru, des poèmes composés pour les “Daft Days” [“Jours des fous”], explique le journal local Fife Today : “Rendue célèbre à l’origine par Robert Ferguson, poète du XVIIIe siècle qui écrivait en langue scots [une langue germanique, proche de l’anglais, parlée dans le nord du Royaume-Uni], l’expression décrit la liesse, les festivités et les réjouissances durant les douze jours qui séparent Noël du 5 janvier.” L’opération était menée en partenariat avec une campagne de promotion locale des supermarchés Lidl.

Remous sur les réseaux

Cette passion des mots remonte loin, raconte The Scotsman, puisque Len Pennie “parle scots depuis le moment où elle a été capable de s’exprimer. La jeune poétesse, qui étudie l’espagnol à l’université St Andrews, a grandi avec ses frères et sœurs, ses parents et grands-parents, tous sous le même toit et parlant souvent la langue locale.”

Elle explique au quotidien écossais que les nombreux partages et commentaires lui ont fait chaud au cœur. Mais dans le même temps, que les critiques, les moqueries et même les injures se sont aussi accumulées :

J’ai été choquée de m’apercevoir que la plupart des auteurs de propos haineux sont des Écossais qui disent ‘le scots, c’est juste de l’anglais mal orthographié’ ou ‘tu fais passer les Écossais pour des abrutis, c’est bidon, comme identité écossaise’.”

Pas l’héroïne des indépendantistes

Le problème central, analyse Len Pennie, est la charge politique que certains voudraient attribuer au scots (qu’elle revendique d’ailleurs comme une langue et non un dialecte). La poétesse s’attriste que toute utilisation de ce langage soit perçue comme signe d’indépendantisme et de nationalisme. Pourtant, comme elle le défend dans les pages du Scotsman, “les gens l’apprécient pour des raisons culturelles, sentimentales, patrimoniales. On le parle depuis des générations”. Elle n’a rien d’un William Wallace, précise-t-elle, faisant référence au héros de la résistance écossaise face aux Anglais, au XIVe siècle.

La vague de harcèlement en ligne la plus violente est venue après les tweets d’un ancien député britannique du Labour, George Galloway, rapporte The Times. Ce dernier a lancé à son encontre, moqueur, “Nationalisme écossais : l’avenir”, puis “Qu’est-ce qui ne tourne pas rond, chez vous ?” Len Pennie peut néanmoins compter sur le soutien d’autres personnalités publiques sur le réseau social, comme l’acteur gallois Michael Sheen ou l’écrivain anglais Neil Gaiman. Encore que la jeune poétesse n’a besoin de personne pour se défendre. N’étant pas du genre à se laisser marcher sur les pieds, elle a noté la quantité d’insultes sexistes balancées à sa figure et y répond par la satire ou par une cinglante réplique, bien écossaise, “shut the mooth and open the lugs” :

C’est tellement démoralisant d’être une fille par ici, certains d’entre vous feraient mieux de la fermer et d’ouvrir leurs oreilles.”

Hugo Florent

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