Trop de “surcharge non verbale” : d’après des chercheurs de l’université Stanford, les vidéoconférences à répétition augmentent le stress du télétravailleur, qui supporte mal de voir autant de visages en gros plan… À commencer par le sien.
Des chercheurs de l’université Stanford, dans la Silicon Valley, ont confirmé ce que des millions de télétravailleurs savaient déjà : la “fatigue Zoom” provoque un stress plus important que les réunions dans la vie réelle en raison de la “surcharge non verbale” des appels vidéo sans fin.
Selon une étude menée par Jeremy Bailenson, professeur de communication et directeur fondateur du Virtual Human Interaction Lab de Stanford [laboratoire de l’interaction humaine virtuelle], “la fréquence trop élevée de regards droit dans les yeux en gros plan” et “une tendance accrue à s’autoévaluer en regardant la vignette de sa propre vidéo” font partie des causes de ce sentiment de fatigue lié aux réunions sur [la plateforme de vidéoconférence] Zoom. Jeremy Bailenson écrit :
Les utilisateurs de Zoom contemplent des reflets d’eux-mêmes à une fréquence et pendant une durée jamais observées auparavant dans l’histoire des médias, et sans doute dans l’histoire des êtres humains.”
Certains de ces problèmes pourraient être résolus par des “modifications mineures” de l’interface utilisateur de Zoom, suggère-t-il, comme masquer automatiquement la fenêtre “selfie” qui renvoie son image à l’internaute quelques secondes après le début d’un appel. Il conseille également aux utilisateurs d’apporter eux-mêmes quelques modifications toutes simples, en diminuant notamment la taille de la fenêtre vidéo afin que les autres visages ne semblent pas si proches.
Et il faudrait surtout que davantage de réunions soient menées par téléphone plutôt qu’en vidéoconférence, ajoute-t-il.
Plus de stress pour les femmes
Sa publication, sortie le 23 février dans la revue Technology, Mind, and Behavior, est présentée par l’université Stanford comme le “premier article évalué par des pairs qui décortique de façon systématique la fatigue liée à Zoom d’un point de vue psychologique”. Elle est accompagnée d’une autre étude, pas encore évaluée par des pairs, qui utilise une “échelle d’épuisement et de fatigue liés à Zoom” pour mesurer les conséquences de son usage. En s’appuyant sur un questionnaire rempli par des milliers de personnes, Jeremy Bailenson estime que de “sérieux arguments théoriques laissent penser” que les femmes sont plus perturbées que les hommes par le fait de se voir en vidéo toute la journée.
Plusieurs millions de membres de professions intellectuelles dans le monde ont passé la plus grande partie de l’année dans des chambres d’amis ou des bureaux à domicile, la pandémie et ses confinements en série ayant forcé les entreprises à fermer leurs bureaux. Par conséquent, les applications telles que Zoom, Microsoft Teams ou Google Meet ont connu un véritable boom. Le cours de l’action de Zoom a presque quadruplé au cours de l’année dernière, et la société affiche désormais une capitalisation boursière de plus de 100 milliards de dollars [83 milliards d’euros].
Pour Jeremy Bailenson, Zoom est “génial” et “marche super bien”, mais il est aussi devenu le “punching-ball” des employés de bureau exaspérés. “On ne contrôle pas grand-chose dans nos vies, mais on peut s’énerver contre Zoom”, explique-t-il au Financial Times.
L’universitaire reconnaît volontiers que ces problèmes ne sont rien comparés aux traumatismes quotidiens vécus par le personnel médical dans les hôpitaux surchargés. Et même dans les pays développés, des millions de personnes n’ont pas une connexion Internet suffisamment bonne et plein de gens n’ont pas les moyens d’acheter le matériel nécessaire pour passer des appels vidéo.
Il n’en reste pas moins que l’étude menée à Stanford souligne le poids psychologique que fait peser sur nous l’obligation de nous asseoir devant une caméra et de fixer un écran rempli de visages – dont le nôtre. Il note :
Sur Zoom, des comportements réservés d’habitude aux relations intimes (se fixer longuement du regard ou voir le visage de l’autre de près) sont brusquement devenus la norme pour échanger avec de simples connaissances, des collègues ou même des étrangers.”
Jeremy Bailenson a essayé d’informer Zoom de ses découvertes ; il “attend toujours qu’une réunion soit programmée”.