GameStop, la bataille boursière des apprentis traders contre Wall Street

GameStop, la bataille boursière des apprentis traders contre Wall Street

Mobilisés via les réseaux sociaux, des petits investisseurs ont fait plier des fonds spéculatifs autour de l’action du distributeur de jeux vidéo américain. En mauvaise santé financière, GameStop voit pourtant le cours de son action s’envoler.

C’est une “bataille à la David contre Goliath”, selon The Guardian, un “conte” extravagant qui illustre des “profonds changements” sur les marchés boursiers. Pour le Financial Times, une nouvelle “armée de spéculateurs” joue de la “frénésie du marché” au rouleau compresseur. Le tout autour d’un enjeu qui paraît improbable, GameStop, distributeur de jeux vidéo américain qui n’a rien d’un géant de la technologie, mais dont l’action a bondi à 300 dollars mercredi 27 janvier, contre 19 dollars à la fin 2020.

Depuis un forum sur Reddit, des investisseurs amateurs et gamers ont fait plier les vieux briscards des fonds spéculatifs, “retournant à leur profit les armes des produits financiers dérivés”, résume le quotidien de la finance. “L‘improbable voyage de GameStop sur la Lune est unique à la fois par sa vitesse et par les soupçons de harcèlement [des gestionnaires de fonds] et de piratage qui l’ont accompagné”, souligne Wired, faisant référence à la campagne sur les réseaux sociaux qui a fait pression sur les investisseurs de Wall Street.

Gladiateurs

Ce “match de gladiateurs”, écrit le Wall Street Journal est “le dernier signe en date que les opérations frénétiques des investisseurs individuels conduisent à des fluctuations démesurées des marchés boursiers”.

Rien ne prédisposait pourtant GameStop à devenir “l’une des actions les plus en vue du moment”, explique The Guardian. Comme d’autres détaillants, la pandémie l’a durement impacté, le boom des ventes en ligne ayant mis à mal son modèle économique. “La chaîne de jeux vidéo perd de l’argent et prévoit de fermer 450 magasins dans le monde”. Quand, en avril 2020, l’entreprise née il y a 37 ans et qui possède en France la chaîne Micromania-Zing a annoncé ces “fermetures massives”, son action ne valait plus que 3,25 dollars.

Gains à la journée

Son cours a commencé “à monter en flèche quand de petits investisseurs ont acheté des actions bon marché à l’aide de l’application de trading Robinhood”, la considérant “comme une opportunité d’achat idéale”. Ces jeunes investisseurs placent des paris à la journée en espérant des gains rapides.

Mais “Wall Street a vu tout autre chose”, une opportunité de vendre des actions à découvert. Ce pari “consiste à ‘emprunter’ les actions d’une entreprise et à les vendre dans l’intention de les racheter moins cher lorsque le cours de l’action baisse”, explique le quotidien britannique.

Guerre d’usure

“Beaucoup de fortunes de Wall Street se sont faites ainsi, mais si le prix ne baisse pas, les pertes peuvent être énormes.” Et la bataille est “devenue une guerre d’usure entre une nouvelle génération d’investisseurs et des acteurs plus établis et diversifiés” sur les marchés boursiers.

La compétition a été “alimentée par des investisseurs s’encourageant mutuellement sur les réseaux sociaux à acheter des actions et des options associées aux actions GameStop”, rapporte le Wall Street Journal. Ce qui a conduit “les gestionnaires de fonds à abandonner leurs paris sur la chute de l’action”, et le titre à être poussé “encore plus haut”.

Il y a trois mois, des membres de la communauté WallStreetBets sur le forum Reddit, qui regroupe deux millions de membres, ont décidé de contrer les investissements du fonds spéculatif Melvin Capital Management, qui avait parié sur la baisse du cours. Parce qu’ils soutenaient GameStop et voulaient en remontrer à Wall Street. Aujourd’hui, les apprentis spéculateurs se réjouissent en ligne d’avoir fait plier Melvin, dont le Wall Street Journal rapporte qu’il aurait subi 30 % de pertes depuis le début de l’année.

Au-delà de la bataille autour de GameStop, ce sont les “effets d’entraînement” qu’il faudra surveiller, estime le Financial Times. La “frénésie des petits porteurs a migré des grands noms tels qu’Apple, Google et Tesla, populaires l’été dernier, vers des coins plus reculés du marché boursier, où l’impact est plus puissant”.

S’il est trop tôt pour dire comment la “saga GameStop” s’achèvera, personne n’en sortira indemne, estime de son côté The Guardian. “Investir, ce n’est pas seulement acheter une action”, met en garde Erika Safran du cabinet de conseil Safran Wealth Advisors. Qui ajoute :

Je pense que certains en tireront des enseignements et que tous les autres y verront une bonne histoire.”

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