La chute de la start-up Greensill menace des piliers de l’économie mondiale

La chute de la start-up Greensill menace des piliers de l'économie mondiale

Des villes en Allemagne, le géant de l’acier britannique Gupta, celui de l’investissement japonais SoftBank, le Crédit Suisse… Tous perdent avec le dépôt de bilan ce lundi 8 mars de la start-up financière Greensill, qui se voyait comme l’Amazon du fonds de roulement.

Est-ce l’épilogue de l’affaire financière du moment ? Greensill, la fintech dans l’œil du cyclone depuis un peu moins d’une semaine, a déposé son bilan lundi 8 mars devant un tribunal britannique, alors que “les régulateurs ont saisi ses comptes et que le Crédit Suisse a gelé les fonds d’investissement essentiels aux opérations de la start-up”, résume le Wall Street Journal. Ce faisant, Greensill gagne du temps pour négocier sa reprise par le géant américain du capital-investissement Apollo Global Management.

“Coup dur”

Les mésaventures de Greensill, encore récemment valorisé 4 milliards de dollars (3,7 milliards d’euros), sont “un coup dur pour le géant de l’investissement japonais” SoftBank, qui avait placé 1,5 milliard de dollars (1,3 milliard d’euros) dans l’entreprise via son fonds Vision. Elles fragilisent aussi par ricochet le géant de l’acier britannique Sanjeev Gupta, le groupe bancaire Crédit Suisse ainsi que des municipalités allemandes.

La finance des factures

L’entreprise spécialiste de l’affacturage vantait son modèle directement concurrent des banques traditionnelles. Elle offrait une “avance de trésorerie à court terme aux entreprises pour allonger le temps dont elles disposent pour régler leurs factures”, explique le quotidien économique. Greensill payait les fournisseurs d’une entreprise plus tôt que prévu, mais un peu moins, tandis que l’entreprise réglait à Greensill la totalité de la facture.

Un modèle classique dans lequel “le fournisseur serait payé tôt, l’entreprise aurait plus de flexibilité sur ses liquidités et Greensill se retrouverait avec un petit bénéfice”. Sauf que Greensill a rajouté une dimension spéculative au modèle : “Au lieu de conserver sur son bilan les avances – généralement renouvelées tous les 60 ou 120 jours – comme une banque traditionnelle, Greensill a transformé la plupart d’entre elles en titres”, explique le Wall Street Journal.

Frénésie d’acquisitions

Le Crédit Suisse et la holding suisse GAM y ont vu “un moyen à faible risque d’obtenir des rendements plus élevés que ceux qui pourraient être obtenus dans des comptes bancaires ou des fonds monétaires” et ont proposé des fonds d’investissement dédiés à leurs clients.

Créée en 2011 par l’Australien vivant au Royaume-Uni Lex Greensill, la société se distinguait par sa “frénésie d’acquisitions” dans la fintech au cours des dix-huit derniers mois. Elle avait le vent en poupe, et ses affaires se développaient “rapidement”, rappelle le quotidien de Wall Street. Elle était ainsi passée de 600 employés en 2019 à 1 000 en 2020.

Tout s’est écroulé quand un des assureurs de Greensill a décidé de retirer sa garantie de protection sur une partie des prêts. Le Crédit Suisse a réagi en empêchant les investisseurs de “transférer de l’argent dans ou hors du fonds à 10 milliards de dollars” des prêts Greensill. GAM a emboîté le pas le lendemain, avec son fonds de 800 millions de dollars. Et les deux “ont dit qu’ils allaient liquider les fonds” en question.

La crème des entreprises

Aujourd’hui, le Crédit Suisse et GAM pourraient “subir des pertes si les clients de Greensill ne sont pas en mesure de rembourser leurs prêts de financement d’affacturage”. Plus de 50 % des emprunteurs du fonds du Crédit Suisse sont situés aux États-Unis et comptent “la crème des grandes entreprises et des agences gouvernementales”, selon le Wall Street Journal.

Parmi les autres grands perdants figurent des municipalités allemandes, qui avaient placé leur argent dans une “petite banque” que possédait Greensill à Brême, attirées par des “taux d’intérêt légèrement plus élevés”. La BaFin, le régulateur financier allemand, a suspendu la Greensill Bank le 3 mars et nommé un représentant pour en “superviser les opérations quotidiennes”. D’après les premiers décomptes, quelque 700 millions d’euros de dépôts, sur un total de 3,6 milliards d’euros, “n’étaient pas couverts par la garantie dépôt”.

“Sous le choc”

Que se passera-t-il pour ces villes, alors qu’en Allemagne les mairies n’ont pas droit à la garantie des dépôts en cas de faillite bancaire – en France, le FGDR, fonds de garantie des dépôts et de résolution, indemnise les clients d’une banque déclarée en faillite jusqu’à 100 000 euros ? “Nous sommes sous le choc”, dit le maire de Bad Dürrheim, ville thermale de la Forêt-Noire qui a 2 millions d’euros à la Greensill Bank. Trois autres villes ont déclaré des “pertes de 6 à 38 millions d’euros chacune”.

Enfin, “le magnat de l’acier britannique Sanjeev Gupta a également été pris au piège des problèmes de Greensill”. Le Wall Street Journal explique que son groupe GFG Alliance s’est “fortement appuyé sur Greensill pour le financement” de nombreuses opérations “dans une douzaine de pays” – en France, il détient les aciéries d’Ascorval et d’Hayange. Le montant des prêts en cours géré par Greensill pour GFG Alliance s’établit à 5 milliards de dollars (4,2 milliards d’euros). Un porte-parole de GFG Alliance assure cependant que le groupe “continue de fonctionner normalement”.

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