À l’étude depuis un demi-siècle, le nouvel aéroport de Lisbonne est de nouveau retoqué

À l’étude depuis un demi-siècle, le nouvel aéroport de Lisbonne est de nouveau retoqué

Le groupe français Vinci devait se charger de construire une nouvelle structure sur la rive sud du Tage pour désengorger l’actuel aéroport. Finalement, le projet va une fois de plus être réévalué, au vu de la chute du trafic aérien et des inquiétudes autour de l’impact environnemental du chantier.

Il semblait enfin avoir pris son envol, mais voilà que le projet d’un nouvel aéroport à Lisbonne est à nouveau cloué au sol. Le énième rebondissement d’un “feuilleton interminable”, commentait Público dans son éditorial du 3 mars. Face à la chute du trafic aérien provoquée par la pandémie (moins 70 % en 2020 à Lisbonne) et aux inquiétudes environnementales des élus locaux, le gouvernement d’Antonio Costa a décidé cette semaine de réévaluer le projet.

Sa construction à Montijo, sur la rive sud de l’estuaire du Tage, avait pourtant été confiée au groupe de BTP français Vinci, qui s’était engagé à investir plus d’un milliard d’euros pour doubler d’ici à 2022 la capacité aéroportuaire de la capitale portugaise, à 50 millions de passagers par an.

Il n’en sera rien. Le rétropédalage gouvernemental prête aujourd’hui à sourire à l’aune des déclarations, il y a un an, du Premier ministre socialiste qui jurait, solennel, qu’il n’y aurait désormais plus de plan B au projet de Montijo. “Repartir de zéro [représenterait] un coût énorme pour l’économie du pays. C’est pourquoi chacun doit agir de manière responsable”, déclarait Costa.

“L’objet de discussion depuis cinquante-deux ans”

C’est peu dire que ce projet d’un second aéroport à Lisbonne pour désengorger l’actuel, qui était saturé avant l’arrivée du Covid-19, est un serpent de mer. Aussi fait-il “l’objet de discussions depuis cinquante-deux ans”, rappelle le directeur de Público, Manuel Carvalho, qui déplore ce nouveau revirement :

L’histoire sans fin est de retour à la case départ, ou presque. Des milliers de pages d’études, des centaines d’heures de discussions, des millions d’euros investis dans des rapports, pour n’en garder finalement que le souvenir. Parfois, le pays aime se montrer inutile avec volupté et sans regrets.”

Juste avant la décision de l’exécutif, le régulateur du secteur aéronautique avait retoqué le projet de Vinci en raison de l’avis défavorable émis par deux des communes concernées, Moita et Seixal, dont les maires évoquaient notamment des inquiétudes liées à l’environnement. Une autre hypothèse, abandonnée en 2010 alors que le Portugal sombrait dans la crise de la dette, refait surface : celle de construire l’aéroport sur un champ de tir situé à Alcochete, toujours sur la rive sud du Tage, à la sortie du pont Vasco de Gama.

“Arrogance” envers les petites communes

Observador rapporte par ailleurs que le gouvernement envisage désormais de modifier la législation pour ôter aux municipalités leur droit de veto. Le Parti social-démocrate (PSD), le principal parti de droite et d’opposition, l’encourage en ce sens. Une “arrogance” dénoncée par Henrique Raposo, éditorialiste d’Expresso :

Ce sont des épisodes comme ceux-ci qui alimentent le ressentiment populaire et populiste des périphéries, mais aussi la verve revanchiste de Chega [le parti d’extrême droite d’André Ventura] […]. Il ne faut pas s’étonner, ensuite, de sa montée en puissance.”

Le directeur du site Eco, Pedro Sousa Carvalho, met au jour de son côté ce qu’il considère comme une manœuvre politique. Pour lui, l’exécutif socialiste “bluffe” :

Afin de sortir de l’impasse, le gouvernement fait semblant de remettre l’option Alcochete sur la table, le PSD fait semblant de le croire, le Parti communiste (qui détient les mairies de Seixal et de Moita) fait semblant de ne pas comprendre. Au bout du compte, la loi sera modifiée et l’on reviendra à l’option Montijo.”

Il n’y a de toute façon plus urgence, conclut-il, puisque selon l’Association internationale du transport aérien, le secteur ne devrait se relever de la crise déclenchée par la pandémie qu’à l’horizon 2025 ou 2026.

Vincent Barros

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