Vaccination : la France a mis le turbo, mais “à la française”

Vaccination : la France a mis le turbo, mais “à la française”

Les Français ont fortement accéléré le rythme des vaccinations et, pour la première fois, l’Hexagone progresse plus vite que l’Allemagne, constate ce quotidien berlinois, qui explique cette performance par deux facteurs : la détermination et le non-respect des règles.

Pour qui se méfie de ses impressions trop optimistes, il suffit de regarder les courbes. “Depuis la fin de la semaine dernière, les Français ont mis le turbo” sur la vaccination, constate à Berlin Die Welt.

L’Hexagone a utilisé 585 000 doses de vaccin le week-end du 6 mars, vendredi inclus. Cinq fois plus que la semaine précédente pour la journée de samedi, dix fois plus dans le cas de dimanche. “Après des débuts difficiles, la France a pour la première fois vacciné davantage de citoyens que l’Allemagne”, admet le quotidien conservateur.

Il était temps, explique le journal. Depuis des semaines, les chiffres des nouvelles contaminations dues au Covid-19 stagnent sur un haut plateau. Dans les grandes villes, le couvre-feu de 18 heures semble certes endiguer une augmentation rapide, mais le pays est engagé dans une course contre la montre. Si de nombreux ministres se sont affichés, ce week-end, dans des centres de vaccination fraîchement créés, il n’y a pas de hasard, observe le quotidien.

Les règles sont parfois là pour être allègrement ignorées

Comment expliquer cette accélération subite ? Le secret, explique Die Welt, réside dans le fait que, dans de nombreux endroits, les autorités ont fermé les yeux devant des questions d’éligibilité. Alors que la priorité est officiellement donnée aux plus de 75 ans et aux plus de 50 ans souffrant d’une comorbidité, la rumeur selon laquelle “toutes les personnes de plus de 50 ans pouvaient simplement aller tenter leur chance dans les hôpitaux publics” a enflé vendredi à Paris, raconte la journaliste.

Résultat : elle n’a pas eu à regarder plus loin que son cercle proche pour voir que – de la copine de plus de 50 ans sans comorbidité au voisin de moins de 50 ans en très bonne santé – obtenir une première injection du vaccin AstraZeneca était chose facile.

“Il semblerait que, si la France a pu augmenter le tempo, c’est parce que l’on a fait fi de certaines règles et que l’on a vacciné ceux qui le souhaitaient. Lorsque l’on pose la question à des responsables hospitaliers, la réponse officielle est qu’il devait s’agir d’erreurs. C’était un week-end de vaccination en mode turbo, mais à la française.”

L’ouverture des pharmacies, un procédé antisocial

“En France, les règles sont parfois là pour être allègrement ignorées. On peut appeler ça du pragmatisme.” Car en matière de vaccination contre le Covid-19, la France reste le pays le plus sceptique du monde. Concernant le produit qui inspire le moins de confiance, celui d’AstraZeneca, seulement 24 % des doses avaient été utilisées à la fin de février. Mais l’étrange lenteur de l’administration des vaccins concernait aussi les autres laboratoires.

“La principale raison de cet écart entre le nombre de doses reçues et celui de doses administrées est que les membres du personnel soignant – qui ont le droit de se faire vacciner – sont encore très réticents.” Là encore, c’est la méfiance envers AstraZeneca qui freine la progression, au point que le gouvernement songe à rendre la vaccination obligatoire pour le personnel de santé.

Pendant ce temps, la prochaine polémique est déjà en train d’enfler, rapporte Die Welt : l’ouverture de la vaccination dans les pharmacies permet certes de vacciner encore plus vite. Mais, au fond, elle risque de saboter le système de priorisation, déclenchant la fureur des médecins généralistes : face aux doses de vaccins qui partent dans les pharmacies, ces derniers doivent annuler leurs rendez-vous déjà pris pour la vaccination. Aussi, ils incriminent le fait qu’un pharmacien étant incapable de déterminer si, oui ou non, un client fait partie de la population prioritaire, c’est désormais le principe du “premier arrivé, premier servi” qui régnera. Un “procédé antisocial”, déplorent les uns, tandis que d’autres brandissent la menace d’une “grève de la vaccination”.

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