Alors que le réchauffement climatique s’accélère, le spectre de la sécheresse hante les vertes terres agricoles françaises. Même maintenant, avant le début de l’été là-bas, 15 départements administratifs ont dû restreindre l’utilisation de l’eau car les agriculteurs avertissent que la situation actuelle aura un impact négatif sur leurs rendements agricoles.

Peu en France parlent de cette catastrophe imminente, mais tous les signes d’une sécheresse record sont là.

« Aucune région n’a été épargnée. On voit la terre craquer tous les jours. Hier, j’étais chez un agriculteur du Puy-de-Dôme, dans le centre de la France; il arrosait le blé. Si ça continue comme ça, les agriculteurs qui peuvent irriguer leurs cultures pourront faire face, mais le reste devra faire face à une réduction drastique de leurs rendements », a déclaré à l’AFP Christiane Lambert, directrice du plus grand syndicat agricole de France, la FNSEA.

Depuis l’automne dernier, nous avons assisté à des « énormes sécheresses » en Espagne et au Portugal, et le même phénomène s’est propagé au sud de la France, selon Lambert. Mais « ce qui est inhabituel en cette saison, c’est que la sécheresse touche les régions au nord de la Loire », le fleuve qui sépare le sud et le nord de la France.

Les réservoirs d’eau n’ont pas pu être remplis

Le ministère français de l’Agriculture est bien conscient de la crise. « Les cultures d’hiver telles que le blé et l’orge, qui poussent actuellement (avant d’être cultivées plus avant), commencent à connaître des conditions qui affecteront les rendements », a déclaré un porte-parole.

Le temps chaud et sec de ces dernières semaines en France pourrait également affecter les cultures de printemps, comme le maïs, le tournesol et la betterave, ainsi que le fourrage nécessaire à l’alimentation du bétail.

Les flux énergétiques français pourraient également être affectés. « De plus, la sécheresse a un impact négatif sur la production d’énergie, car les centrales nucléaires ont besoin de beaucoup d’eau pour refroidir les réacteurs. »

La hausse des températures de ce mois d’avril -malgré qu’il ait neigé en France le premier jour du mois- a provoqué une baisse des précipitations de 25% par rapport à la normale.

Cette canicule est « remarquable par sa précocité, par sa durée et par son étendue géographique », a précisé l’Office français de la météorologie.

Ces conditions, combinées aux précipitations exceptionnellement faibles de l’hiver dernier, ont produit la sécheresse actuelle : le déficit de précipitations pendant deux saisons successives signifie que « les nappes phréatiques n’ont pas pu être remplies », a déclaré Haziza.

« Alors très vite, nous nous sommes retrouvés dans une situation critique, avant même que l’été ne commence. » Pour Haziza, qui étudie la distribution et la circulation de l’eau sur la planète, les raisons de la rareté actuelle sont claires.

« Le manque de pluie est directement causé par le changement climatique, cela ne fait aucun doute », a-t-il déclaré. « La sécheresse est l’une des premières conséquences que l’on peut constater. Dans l’état actuel des choses, ce phénomène se produit de plus en plus tôt et s’étend chaque année. »

En effet, c’est la première fois que la France subit ce que les météorologues appellent une « sécheresse éclair », un phénomène souvent vécu par les pays les plus chauds et les plus arides, dans lequel les sols et les cultures s’assèchent en seulement cinq jours.

La situation est hors de contrôle

La sécheresse a particulièrement touché certaines régions, notamment le sud-est de la France, l’est du pays et la région Poitou-Charentes à l’ouest.

« Les réservoirs d’eau dans certaines régions sont facilement remplis, tandis que d’autres ne le sont pas », explique Haziza. « Mais maintenant, même des régions qui pensaient qu’elles n’auraient pas de sécheresse, comme le nord de la France – sans parler de grandes parties du nord de l’Europe, dont la Belgique – commencent à en ressentir les effets. »

En imposant des restrictions à ces 15 départements, l’exécutif français gère la crise, mais est encore loin de s’attaquer à sa cause.

Les mesures varient selon les départements : de l’interdiction d’arroser les jardins ou les champs à certaines heures à l’interdiction totale d’utiliser l’eau pour laver la voiture.

Suite à des discussions avec les compagnies des eaux françaises et les représentants des agriculteurs, le ministère de l’Agriculture a annoncé que la troisième révolution agricole, un fonds lancé en avril pour aider les agriculteurs à faire face au changement climatique, doublera pour atteindre 40 millions d’euros.

Le gouvernement français a également annoncé fin avril que les compagnies des eaux pourraient dépenser 100 millions d’euros supplémentaires pour aider les agriculteurs à s’adapter au changement climatique ou à créer de nouveaux réservoirs.

La France a mieux réagi que la plupart des pays développés à la menace du changement climatique, en amorçant la transition des combustibles fossiles vers l’énergie nucléaire dans les années 1970. Le président Emmanuel Macron a récemment réitéré son soutien à l’énergie nucléaire.

Pourtant, les mesures destinées à faire face à la sécheresse actuelle sont pâles par rapport aux forces du changement climatique qui la conduisent. Selon Haziza, la France doit modifier son modèle agricole à long terme, ce qui inclut un changement de son paradigme actuel axé sur la production, qui alimente le problème de la sécheresse en entraînant la déforestation.

« L’ensemble du système est hors de contrôle », a-t-il déclaré. « Nous nous heurtons de front au changement climatique. »

*Adapté de sa version originale française

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