Une cuisine pas comme les autres : dans la fabrique des cosmétiques maison

Près de la place de la République, à Paris, les ateliers de la souris verte offrent de véritables cours de préparation de cosmétiques, à la main et à partir de produits naturels et autorisés en bio. Exploration d’une « cuisine » particulière.

« C’est comme en cuisine ! J’achète tout, et je fais moi même ! » Marie-Hélène utilise déjà des cosmétiques bio, mais cette quinquagénaire est devenue « encore plus exigeante ». Elle a décidé de fabriquer elle-même ses cosmétiques. Ce vendredi soir, aux ateliers de la souris verte, à Paris, elle apprend à réaliser elle-même son déodorant, son gel douche ou son shampoing. « Je veux maîtriser le produit initial, savoir ce que je mets dedans », explique-t-elle.

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Marie-Hélène, concentrée sur la fabrication de sa crème de douche

Aujourd’hui, Marie-Hélène fabrique sa propre crème de douche. Sous les conseils de Marie Bousquet, la formatrice qui anime les ateliers, elle choisit un mélange d’huiles de noyaux d’abricot et d’avocat dans lequel elle fait fondre un émulsifiant à feu doux, pour lier l’huile et l’eau. Puis, en dehors du feu, elle ajoute un tensioactif – une base lavante – en fouettant énergiquement. « C’est comme une mayonnaise ! » s’exclame-t-elle, en faisant sourire Marie Bousquet qui lui conseille un mélange d’huiles essentielles pour parfumer son produit. Puis, un peu d’eau, du gélifiant, un conservateur, et c’est fini, le tout en moins d’une heure.

Depuis cinq ans, Marie Bousquet accueille dans ses ateliers des clients aux profils très variés : certains sont des « convertis à la cause », très sensibles aux enjeux du développement durable, d’autres sont des vegans qui ont du mal à trouver des produits sans matières animales ou des personnes qui font de nombreuses réactions allergiques. « L’idée, c’est que chacun aille vers l’autonomie », explique la jeune femme. Formée en herboristerie et en aromathérapie, elle propose des « recettes simples » avec seulement « une demi-douzaine d’ingrédients.» Le but est aussi d’informer pour permettre aux gens de faire des « choix de consommation éclairés ». Ses clients apprennent la composition d’un produit, les conditions d’hygiène à respecter, les étapes de réalisation et la façon dont les composants agissent sur le corps. A la fin, ils repartent avec le cosmétique qu’ils ont réalisé.

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Avant : les ingrédients

Eviter les substances supposées toxiques

Si Marie-Hélène est là ce soir, c’est grâce à un cadeau offert par sa fille, qui connaissait son intérêt pour les cosmétiques bio. Voilà bien longtemps qu’elle s’est convertie et qu’elle scrute les étiquettes. Mais même une habituée comme elle se fait parfois avoir : « Et pourtant dieu sait si je suis sensibilisée au sujet ! » « J’ai acheté une crème pour les mains sur un site que je croyais bio à 100%, raconte-t-elle. J’étais persuadée que c’était bon, et puis par habitude j’ai regardé la composition, et je me suis dit ‘c’est quoi ce truc ?!’ Il y avait des parabens… » En apprenant à faire ses cosmétiques elle-même, elle espère « arriver à faire un produit plus sain », avec des ingrédients qu’elle « maîtrise un peu ».

Et elle n’est pas la seule. Ils sont nombreux à avoir perdu confiance en l’industrie cosmétique, échaudés par les alertes lancées depuis plusieurs années contre les parabens, ces conservateurs suspectés de perturber le système endocrinien, certains allergènes comme le méthylisothiazolinone (MIT), ou les sulfates supposés irritants… L’UFC Que Choisir a récemment listé 185 produits dans lesquels ils ont retrouvé des traces de composants supposés toxiques pour le corps et l’environnement.

Face à ces inquiétudes, des enseignes spécialisées fleurissent. Le succès d’Aroma Zone, qui propose à la vente des produits (huiles végétales, hydrolats, bases lavantes, conservateurs utilisés en bio, huiles essentielles…) permettant de réaliser ses propres cosmétiques, en atteste. Leur unique boutique parisienne située rue de l’école de médecine ne désemplit pas, au point que les fondatrices de la marque cherchent activement un nouvel emplacement pour en ouvrir une seconde.

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Après : crème de douche bio et« maison »

Des produits « 3 à 15 fois moins chers »

D’autant que la réalisation des cosmétiques est plutôt simple et rapide. « Les produits se conservent trois mois maximum », explique Marie Bousquet, donc « cela revient à fabriquer ses produits 4 fois par an, ce qui n’est pas si demandeur en termes de temps. » Comme matériel, il suffit d’un petit récipient gradué, d’un mini-fouet et de quoi faire un bain marie. Sans oublier un peu d’alcool pour désinfecter les outils. « Moi j’ai pris une balance de précision » explique Marie-Hélène, pour peser à 0,1 gramme près. « C’est un investissement de départ, mais qui est amorti dans la durée. »

Car le coût est aussi un argument de taille. « Je trouve les produits que l’on trouve dans le commerce assez chers, surtout quand on cherche des cosmétiques bio et sans tous ces parabens, phénoxyéthanol… » estime Marie-Hélène. « Les produits sont 3 à 15 fois moins cher que ceux que l’on trouve sur le marché à qualité égale », renchérit Marie Bousquet. C’est d’ailleurs cela qui l’a poussée à réaliser ses premiers cosmétiques « maison » lorsqu’elle était étudiante : « Parfois, quand on achète un produit, le produit lui-même ne représente que 5% du coût auquel on l’achète. Le reste, c’est le packaging, le marketing, le salaire de l’actrice qui fait la pub à la télévision… »

Réduire le gaspillage

Ce sont également des raisons environnementales qui mènent les clients à pousser la porte de ses ateliers. « On suit les recommandations du label allemand BDIH, qui a une démarche très rigoureuse, explique Marie Bousquet. Les produits finis ne sont pas certifiés bio, mais les matières premières actives sont issues de l’agriculture biologique, le tensioactif est d’origine végétale et autorisé en bio, les émulsifiants et les conservateurs aussi. » Les déchets sont également réduits, les composants permettant de réaliser plusieurs produits et les contenants pouvant être réutilisés. « Et ça réduit le gaspillage ! » s’enthousiasme Marie-Hélène. En ne fabriquant que ce que l’on utilise, on n’accumule plus des bouteilles de cosmétiques sur les étagères, qui parfois partent à la poubelle.

Enfin, les ateliers permettent de personnaliser les cosmétiques en fonction de la nature de sa peau, de ses cheveux, de ses goûts en matière de parfums… « C’est le luxe de pouvoir fabriquer les produits qu’on veut et au moment où on en a besoin et envie. » s’enthousiasme Marie Bousquet. Ce soir, Marie-Hélène repart avec ses cosmétiques sur mesure sous le bras, fière d’elle. Déjà prête à revenir. La prochaine étape ? Fabriquer ses propres crèmes hydratantes !

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Typologie des huiles essentielles 

Chloé Fiancette 

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