Emmanuel Macron, virologue en chef

Emmanuel Macron, virologue en chef

Alors que la France et l’Allemagne s’opposent sur la stratégie à suivre contre les variants du Covid-19, le chef d’État français est dépeint par certains de ses proches en professeur omniscient prêt à défier les scientifiques, observe le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung. 

La France et l’Allemagne n’ont plus la même stratégie dans la lutte contre les variants sud-africain, brésilien et britannique. C’est particulièrement évident en Moselle, un département lorrain de plus d’un million d’habitants voisin de la Sarre et de la Rhénanie-Palatinat, que l’institut Robert-Koch a classé comme zone de circulation des variants.

Plus de 80 % des contaminations y sont dues à des variants, mais le gouvernement français se refuse fermement à prendre des mesures plus strictes, par exemple à fermer écoles et commerces. “Nous ne fermerons pas”, déclare Macron d’après le Journal du dimanche. Depuis la fin janvier, le président se targue de s’être émancipé des recommandations de son conseil scientifique, qui prône un confinement. Les différences relatives à la lutte contre l’infection entre Paris et Berlin se heurtent à la frontière lorraine.

Les victimes sont les Français qui vivent dans le triangle frontalier avec l’Allemagne et le Luxembourg. Ils sont 16 000 à aller travailler en Allemagne tous les jours. À partir de mardi [2 mars], ils devront produire à chaque passage de la frontière un test négatif de moins de quarante-huit heures. Contrairement à l’année dernière, la frontière reste ouverte et ne sera pas le lieu de contrôles permanents. La police fédérale contrôlera les véhicules portant une plaque d’immatriculation française dans la zone frontalière. Les transports publics de proximité en direction de l’Allemagne sont complètement interrompus. “Le quotidien des frontaliers deviendra obligatoirement plus compliqué”, déplore Clément Beaune, le secrétaire d’État français aux Affaires européennes.

Macron a imposé sa stratégie

Une réunion de crise du Comité franco-allemand de coopération transfrontalière devait réfléchir lundi soir à des allègements pour les travailleurs frontaliers. Cet organisme avait été prévu par le traité d’Aix-la-Chapelle du 22 janvier 2019, par lequel la France et l’Allemagne se promettaient d’éliminer les obstacles bureaucratiques dans la zone frontalière. Or la pandémie est arrivée et la frontière a refait son apparition : entre mars et juin 2020, les policiers allemands ont contrôlé les personnes venant de France et la frontière a été fermée pendant des semaines.

Le président Macron a décidé fin janvier de s’opposer au catastrophisme des virologues, c’est du moins ce que racontent les conseillers de l’Élysée. Alors que tout le monde s’attendait à ce qu’il annonce un nouveau confinement à la télévision en raison de l’augmentation du nombre de contaminations, il a dépêché Jean Castex, son Premier ministre, devant les caméras. “Nous pouvons encore nous donner une chance d’éviter un nouveau confinement”, a déclaré celui-ci. Macron a imposé sa stratégie à ses compatriotes : “J’ai confiance en nous.” Depuis, il essaie le couvre-feu et les restrictions locales. C’est un pari audacieux, comme le montre le nombre élevé de contaminations dans vingt départements.

À Dunkerque, dans le Nord, et à Nice, sur la Côte d’Azur, les unités de soins intensifs ont presque atteint leurs capacités. Les contaminations augmentent également en Île-de-France. D’après les calculs des professeurs de médecine Philippe Amouyel et Luc Dauchet de l’Institut Pasteur de Lille, la France risque de se retrouver avec 50 000 contaminations quotidiennes à la mi-mars. Pourtant, Macron appelle encore à la patience. “Il faut encore tenir quatre à six semaines”, a-t-il répondu à un jeune d’un quartier sensible de Seine-Saint-Denis qui se plaignait que le couvre-feu à 18 heures était dur.

Macron apparaît comme un professeur omniscient dans la presse française : il a lu et analysé toutes les nouvelles publications sur la pandémie avant son conseil scientifique. “Il engloutit toutes les études sur le Covid-19”, déclare avec admiration Richard Ferrand, le président de l’Assemblée nationale. “Macron a tellement lu sur la pandémie qu’il peut défier les scientifiques”, confie un conseiller du ministère de la Santé à la radio. Tout le monde n’est cependant pas ravi que le chef de l’État n’écoute plus les médecins. “C’est comme à la cour du Roi-Soleil : on s’incline devant la sagesse du président pour lui plaire”, déplore le docteur Jérôme Marty, qui préside une association de médecins.

Les élus locaux n’apprécient pas cette nouvelle orientation non plus. François Grosdidier, le maire LR de Metz, demande un confinement strict depuis le début du mois de février. C’est cependant un non sans équivoque qui lui vient à intervalles réguliers de l’Élysée, à 300 kilomètres de là. Le président a certes envoyé son ministre de la Santé, Olivier Véran, dans la capitale administrative de la région Grand-Est, mais il n’a annoncé que 30 000 doses de vaccin supplémentaires pour le département. Trois cents soixante classes de Moselle ont dû fermer avant le début des vacances pour cause de Covid, mais les cours devraient reprendre normalement après les vacances, le 8 mars. Avec son offre de cours en présentiel, Macron a trouvé un argument de vente unique dans la gestion de la crise en Europe, un argument qu’il compte bien utiliser lors des prochaines élections.

Michaela Wiegel

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