Après qu’Emmanuel Macron se soit officiellement présenté comme candidat à sa réélection, France 24 fait le bilan de son quinquennat dans une série en quatre épisodes. Le premier est consacré à la politique étrangère du chef de l’Etat, qui a tenté pendant cinq ans de jouer le rôle de médiateur, la plupart du temps sans succès…


Les élections présidentielles françaises auront lieu les 10 et 24 avril 2022. Qui succèdera à Emmanuel Macron à l'Elysée ?  Pour suivre les candidats et comprendre les grands enjeux de l'élection, suivez notre couverture.
Les élections présidentielles françaises auront lieu les 10 et 24 avril 2022. Qui succèdera à Emmanuel Macron à l’Elysée ? Pour suivre les candidats et comprendre les grands enjeux de l’élection, suivez notre couverture. ©France 24

Jusqu’à la fin de sa présidence, Emmanuel Macron aura tenté de jouer le rôle qu’il s’attribuait depuis 2017, celui de principal médiateur. Dernière tentative en date : le président de la République aurait tenté, par tous les moyens diplomatiques, d’empêcher la Russie d’envahir l’Ukraine.

Il s’est rendu à Moscou le 7 février pour prôner une désescalade avec son homologue russe, Vladimir Poutine, et pensait même avoir atteint son objectif en annonçant une possible rencontre entre Poutine et le président des États-Unis, Joe Biden. Un peu plus de deux semaines plus tard, Poutine a reconnu les deux républiques séparatistes du Donbass avant d’ordonner une invasion militaire de leur pays voisin.

Un échec diplomatique pour Emmanuel Macron, quelques jours seulement après une autre défaite internationale : l’annonce le 17 février du retrait des troupes françaises du Mali, où la France avait été impliquée dans la lutte antijihadiste dans l’ensemble du Sahel.

Si ces deux revers ne disent pas tout de l’action diplomatique menée par le président français depuis cinq ans, symbolisent l’impuissance de la France sur la scène internationale. Pourtant, Emmanuel Macron a travaillé dur. Il a essayé de saisir toutes les opportunités pour que la France joue un rôle majeur, en s’appuyant sur sa relation personnelle avec les grandes puissances mondiales.




DOSSIER - Le président français Emmanuel Macron et le président russe Vladimir Poutine donnent une conférence de presse après un sommet sur l'Ukraine à l'Elysée à Paris le 9 décembre 2019.

DOSSIER – Le président français Emmanuel Macron et le président russe Vladimir Poutine donnent une conférence de presse après un sommet sur l’Ukraine à l’Elysée à Paris le 9 décembre 2019.
© AFP/Charles Platiau

C’est le cas de sa relation avec Vladimir Poutine, reçu en grande pompe à Versailles le 29 mai 2017, deux semaines seulement après l’arrivée de Macron à l’Elysée. Depuis le début de son quinquennat, le chef de l’Etat français s’est efforcé de créer un lien avec le président russe. Il l’a d’ailleurs reçu en août 2019 au fort de Brégançon, précisant qu' »une Russie qui nous tourne le dos n’est pas dans notre intérêt ».

Mais alors que le président français a tout fait pour séduire son homologue, Vladimir Poutine n’a pas manqué l’occasion de critiquer son hôte interrogé sur les arrestations des manifestants à Moscou : « Nous ne voulons pas d’une situation comme celle des ‘Gilets jaunes’ à Moscou. , » il a répondu.

Le dirigeant français a utilisé une stratégie similaire avec l’ancien président américain Donald Trump. Ce dernier a également été reçu en beauté les 13 et 14 juillet 2017 : les couples Trump et Macron ont dîné au restaurant de la tour Eiffel et Donald Trump a été l’invité d’honneur de la France pour le défilé du 14 juillet.

Les médias parlent alors de « bromance » : Donald Trump couvre le président français de flatteries et Emmanuel Macron se montre très affectueux lorsque l’hôte de la Maison Blanche le reçoit en avril 2018. Mais une fois de plus, malgré son jeu de séduction, Emmanuel Macron ne parvient pas à convaincre Trump. de changer d’avis sur le fait que les États-Unis quittent l’accord de Paris sur le climat et ni sur l’accord sur le nucléaire iranien.


Archive : Le président de la France, Emmanuel Macron, reçoit son homologue américain, Donald Trump, à Biarritz.  24 août 2019.
Archive : Le président de la France, Emmanuel Macron, reçoit son homologue américain, Donald Trump, à Biarritz. 24 août 2019. Neil Hall / EFE

Macron était conscient du déclin relatif de la France sur la scène internationale, mais au début de son mandat, il voulait aussi profiter de la disparition du Royaume-Uni, trop occupé par le Brexit, et de l’isolement de son allié américain.

Le président français assume alors le rôle de leader du multilatéralisme. C’était l’époque du « Make Our Planet Green Again » en juin 2017, des discours véhéments à l’Assemblée générale de l’ONU, du sommet One Planet à Paris en décembre 2017 ou du sommet du G7 à Biarritz en août 2019.

L’OTAN est en état de « mort cérébrale »

Outre l’Ukraine ou l’Iran, Emmanuel Macron a également été médiateur en Libye et au Liban, qu’il s’agisse de traduire en justice le prince héritier saoudien, Mohammed Bin Salman, pour la mort du journaliste Jamal Khashoggi en 2018. Il l’a rencontré. à Djeddah en décembre 2021 et a pris le risque diplomatique en déclarant que « le dialogue avec l’Arabie saoudite est une nécessité ».

Ce type d’initiative était une autre marque de fabrique du président français, toujours à l’affût d’un éventuel mouvement au niveau international ou d’une nouvelle confrontation avec un chef d’État illibéral. Ainsi, en 2018, les tensions se sont accrues avec Viktor Orban, le dirigeant hongrois qui affirmait ne pas vouloir « d’Union européenne sous direction française », alors qu’Emmanuel Macron l’avait qualifié de nationaliste.

En août 2019, Jair Bolsonaro s’est moqué de l’apparition de Brigitte Macron après avoir été accusé par le dirigeant français de « mentir » sur ses engagements environnementaux. Et à l’automne 2020, Recep Tayyip Erdogan s’interrogeait sur la « santé mentale » d’Emmanuel Macron après des échanges houleux sur la laïcité et la liberté d’expression suite à l’assassinat du professeur français Samuel Paty.

Mais Macron était aussi capable d’irriter ses propres alliés. Comme lorsqu’il déclarait dans une interview à l’hebdomadaire britannique « The Economist » en novembre 2019, que l’OTAN était en état de « mort cérébrale », provoquant de vives réactions dans les capitales nord-américaines et européennes.

Les relations avec Joe Biden ont également été très tendues lors de la crise des sous-marins australiens. Alors que la France espérait prendre un nouveau départ avec Washington après l’élection du successeur de Donald Trump fin 2020, c’est l’inverse qui s’est produit. En septembre 2021, les Australiens rompaient le « contrat du siècle » entre Paris et Canberra pour la vente de douze sous-marins pour un montant de 56 milliards d’euros, au profit d’une nouvelle alliance avec le Royaume-Uni et les Etats-Unis.

Archive : Pacte AUKUS : la France reste indignée par l’annulation du contrat de sous-marin


L’attitude des Américains est condamnée par la diplomatie française et l’ambassadeur de France à Washington est retiré. Une première dans les relations entre ces deux alliés historiques. Une conversation téléphonique entre les deux dirigeants et une rencontre à Rome fin octobre ont été nécessaires pour faire la paix. Mais l’épisode sous-marin a laissé des traces et de nombreux observateurs le considèrent comme une « humiliation » pour la France.

Le bilan est plus positif en Afrique, où Emmanuel Macron a hérité de son prédécesseur, François Hollande, la lutte contre le djihadisme au Sahel. Malgré l’annonce récente du retrait des troupes françaises du Mali et les résultats mitigés de l’opération Barkhane, le président français a également connu des succès, notamment en faisant participer d’autres pays européens à la force spéciale Takuba.

Mais c’est surtout dans ses autres initiatives diplomatiques qu’Emmanuel Macron a marqué des points sur le continent africain. Il avait d’abord la volonté de s’adresser à la jeunesse et aux pays considérés comme hors de la sphère d’influence française. Le président français s’est rendu au Nigeria en juillet 2018 et s’est adressé à la société civile au Shrine, un club légendaire de Lagos fondé par la légende de l’afrobeat Fela Kuti.

Une ambition européenne déçue

Macron s’est également fait remarquer en Afrique par sa politique de la mémoire. Lors d’un discours historique à Kigali, en mai 2021, il a reconnu « les responsabilités » de la France dans le génocide des Tutsi au Rwanda, en 1994. Le discours a été rendu possible grâce aux conclusions du rapport présenté par l’historien Vincent Duclert, qui – à la demande d’Emmanuel Macron – a travaillé pendant deux ans sur le rôle de la France au Rwanda.

Autre reportage lié à la mémoire : celui de la guerre d’Algérie. En juillet 2020, Macron confie à l’historien Benjamin Stora une mission sur la mémoire de la colonisation et de la guerre algérienne. Après la présentation du document, le président facilite la déclassification des archives de guerre d’Algérie en mars 2021 et demande « pardon » aux harkis en septembre de la même année, reconnaissant leur « unicité dans l’histoire de France » et annonçant une reconnaissance et facture de réparation.


Mais les plus grandes ambitions d’Emmanuel Macron en matière de politique étrangère étaient liées à l’Europe. Arrivé à l’Elysée, il rebaptise le ministère des Affaires étrangères « ministère de l’Europe et des Affaires étrangères », précisant sa priorité pour le Vieux Continent. Le président français a prononcé des discours remarqués à la Sorbonne en septembre 2017 et à Aix-la-Chapelle, en Allemagne, en mai 2018, affirmant sa volonté d’« autonomie stratégique » pour l’Union européenne. Emmanuel Macron rêvait d’une Europe avec un budget commun pour la zone euro, avec plus de convergence fiscale et sociale et, surtout, avec une défense commune.

Cependant, son projet rencontra beaucoup de résistance. A Aix-la-Chapelle, il a tenté d’obtenir le soutien d’Angela Merkel, sans succès. C’est finalement la crise sanitaire du Covid-19 en 2020 qui a permis à Emmanuel Macron d’avancer, à travers un plan de relance européen massif et une mutualisation de la dette.

Les derniers mois de son quinquennat doivent permettre au président français de poursuivre ses efforts, grâce à la présidence française du Conseil de l’Union européenne.

Emmanuel Macron a notamment prévu de faire avancer la politique de défense commune. « Nous devons passer d’une Europe qui coopère à l’intérieur de ses propres frontières à une Europe puissante dans le monde, pleinement souveraine, libre de ses décisions et maîtresse de son destin », a-t-il déclaré en décembre 2021.

Trois mois plus tard, la crise ukrainienne a une nouvelle fois changé les règles du jeu. L’Allemagne vient d’annoncer vouloir augmenter ses dépenses militaires, ce qui pourrait faire avancer le projet européen de défense. Mais en même temps, l’invasion russe pourrait également remettre l’OTAN sur le devant de la scène. Pour l’instant, il est impossible de tirer des conclusions. Il faudra attendre les prochains mois pour savoir si cette guerre aura été un tremplin ou un nouveau revers dans les ambitions internationales d’Emmanuel Macron.

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