France 24 fait le point sur le quinquennat d’Emmanuel Macron dans une série en quatre épisodes. Après la politique étrangère et l’économie, passons à la sphère sociale, où la priorité aux coupes dans les dépenses sociales a été entravée par les crises des « Gilets jaunes » et du Covid-19.
La volonté d’Emmanuel Macron de réduire les dépenses sociales ne s’est pas fait attendre. Depuis l’été 2017, quelques semaines après son élection, le président de la République a choisi de faire des coupes budgétaires qui ont touché la population modeste : une coupe de 5 euros par mois dans l’aide personnalisée au logement (APL, pour son sigle en français ) et une réduction massive des contrats aidés.
C’étaient des mesures impopulaires, mais elles répondaient à une cohérence budgétaire dans laquelle Emmanuel Macron a mis un effort particulier au début de son quinquennat : selon le chef de l’Etat, il était indispensable de réduire les dépenses sociales pour augmenter le pouvoir d’achat des Français et favoriser les entreprises baisser les impôts et les cotisations sociales, toujours dans le respect des règles budgétaires européennes –qui imposent un déficit public inférieur à 3%–.
Ces décisions ont eu de solides partisans au sein du gouvernement : le Premier ministre Édouard Philippe, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire et le ministre de l’Intérieur, et avant les Comptes publics, Gérald Darmanin, tous conservateurs.
Les premières mesures économiques d’Emmanuel Macron, ajoutées aux suppression de l’impôt sur la fortune (ISF) ou l’instauration d’un impôt forfaitaire de 30 % sur les plus-values (le « flat-tax »), ont rapidement coûté au chef de l’Etat le surnom de « président des riches ».
Ce nom s’est renforcé au fur et à mesure que Macron persistait dans sa décision de vouloir renouveler en profondeur le modèle social français. « Nous dépensons des sommes folles pour l’aide sociale, mais les gens sont toujours pauvres. Nous n’avons pas pu le réparer. Les personnes nées pauvres restent pauvres. Celui qui tombe dans la pauvreté reste pauvre. (…) Les gens doivent être tenus pour responsables », a-t-il déclaré dans une vidéo publiée le 12 juin 2018, dans laquelle on le voit s’adresser à ses conseillers.
Le Président ? Toujours exigeant. Pas encore satisfait du discours qu’il prononcera demain au congrès de la Mutualité, il nous précise donc le brief ! Au boulot ! pic.twitter.com/2mjy1JmOVv
— Sibeth Ndiaye (@SibethNdiaye) 12 juin 2018
Trois mois plus tard, le gouvernement a présenté un « plan pauvreté » de 8,5 milliards d’euros pour les quatre prochaines années. Le projet visait à réformer de fond en comble le système d’aide français, afin « d’éradiquer l’extrême pauvreté » en une génération.
étaient anticipés petits déjeuners gratuits dans certaines écoles, 1 euro les déjeuners dans les cafétérias de certaines municipalités, places en crèches pour enfants de familles défavorisées, un service public d’insertion et un nouveau revenu universel d’activité (RUA) qui a fusionné plusieurs subventions sociales. Les objectifs étaient ambitieux, mais peu à peu ils ont été abandonnés. Au lieu de cela, la réduction des dépenses dans d’autres secteurs est restée une priorité.
« Il n’y a pas d’argent magique »
En effet, le programme d’Emmanuel Macron avait prévu 25 milliards d’euros d’économies, dont 15 milliards dans la santé. Comme conséquence, le budget des hôpitaux publics n’a pas répondu efficacement aux besoins du secteur, notamment en raison de la baisse des tarifs hospitaliers – qui constituent la base de calcul des ressources allouées –. Selon le magazine ‘Alternatives économiques’, ces taux ont baissé de 7% entre 2008 et 2019. Cette situation a contraint les personnels de santé à travailler de plus en plus au maximum.
En avril 2018, un ouvrier du secteur a demandé à Emmanuel Macron plus de moyens, ce à quoi le président a répondu : « Il n’y a pas d’argent magique ». La priorité absolue du président était d’honorer les engagements budgétaires de la France envers Bruxelles. Et les résultats l’ont prouvé. Le déficit public de la France est passé de 2,8 % du PIB en 2017 à 2,3 % du PIB en 2018.
Cependant, l’augmentation de la taxe sur les carburants intervenue quelques mois plus tard et la hausse du mouvement social des « gilets jaunes » en novembre 2018, ils ont perturbé leurs plans. Au départ, l’exécutif n’a pas pris les protestations aussi au sérieux, elles se sont alors radicalisées et ont forcé en quelques semaines Emmanuel Macron à dévier de la voie qu’il avait prévue.
Pour calmer la révolte, le chef de l’Etat a proposé un grand débat national dans les premiers mois de 2019 pour regrouper les désaccords des Français. Il a également pris des mesures importantes pour améliorer le pouvoir d’achat, telles qu’une réduction de 5 milliards d’euros de l’impôt sur le revenu, une augmentation de 100 euros de la prime d’activité pour les travailleurs à faible revenu et une augmentation des allocations de retraite minimum. . De son côté, la hausse de la taxe sur les carburants a été purement et simplement annulée. Au total, 17 milliards d’euros ont été ajoutés aux comptes publics.
Une fois la crise passée, le gouvernement a repris ses réformes dans un souci d’économie, quitte à s’aliéner les syndicats du pays. La situation s’est aggravée dans les hôpitaux et a provoqué une importante mobilisation des personnels de santé tout au long de l’année 2019.
Enfin, en novembre de la même année, l’Administration débloque 1,5 milliard d’euros pour le secteur, étalés sur trois ans, promet des primes aux infirmiers et aides-soignants, et prend en charge un tiers de la dette hospitalière. Mais les personnels de santé n’ont pas été impressionnés par ce «plan d’urgence»: plus de 1 000 médecins hospitaliers, dont 600 chefs de service, ont démissionné de leurs fonctions administratives en janvier 2020 en signe de protestation.
Parallèlement, la réforme de l’assurance-chômage, adoptée en 2019, a durci les conditions d’accès aux allocations et réduit leur montant. L’alternance entre contrats courts et périodes d’inactivité serait pénalisée. Et bien qu’Emmanuel Macron ait promis lors de sa campagne que les indépendants et les salariés qui décideraient de démissionner auraient accès à une indemnité de départ, les conditions requises pour en bénéficier rendaient le dispositif très contraignant.
Le gouvernement a expliqué que l’ouverture du système à un trop grand nombre de personnes aurait entraîné des coûts excessifs. Certes, étant donné que l’objectif du candidat Macron était d’économiser 10 milliards d’euros sur l’assurance-chômage.
Finalement, Fin 2019, le Gouvernement s’est penché sur la réforme des retraites, dont l’objectif était aussi de contribuer à l’épargne. La réforme visait à introduire un nouveau système universel de points indexés sur l’inflation et à fixer l’âge de la retraite à 64 ans, repoussant ainsi de deux ans l’âge auquel les retraités français pouvaient percevoir une retraite à taux plein, mais maintenant l’âge légal de la retraite à 62 ans. La décision n’a pas été bien accueillie.
Fin 2019 et début 2020, des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue pour protester contre le projet de loi pendant des semaines. À tel point que la mobilisation contre la réforme des retraites est devenue la grève la plus longue de l’histoire de la société nationale des chemins de fer publics (SNCF) et la RATP, puisque l’objectif des salariés était de sauver leurs régimes spéciaux de retraite. Finalement, la réforme a été approuvée sans vote le 29 février 2020, grâce à l’article 49-3 de la Constitution française.
« Coûte que coûte »
Mais après les ‘Gilets jaunes’, un autre événement inattendu a bouleversé les ambitions budgétaires d’Emmanuel Macron. La pandémie de Covid-19, apparue en Chine fin 2019, a atteint l’Europe et la France début 2020. La fin du quinquennat a été perturbée par la crise sanitaire et économique.
En mars, le chef de l’Etat a suspendu la réforme des retraites et reporté la mise en œuvre complète de la réforme de l’assurance-chômage. Il a notamment mis en place la politique du « quoi qu’il en coûte » pour aider les hôpitaux publics, sauver les entreprises, les emplois et relancer l’activité économique, qui a subi une récession de 8 %, la pire depuis la Seconde Guerre mondiale.
L' »argent magique », refusé aux travailleurs du secteur de la santé et de bien d’autres secteurs, a commencé à couler à torrents.
Le budget de la santé a augmenté de 9,4 % en 2020 et de 7,4 % en 2021, tandis que le « Ségur de la Santé », organisé à l’été 2020, a entraîné une augmentation de 9 000 millions d’euros des salaires des personnels de la santé. Au total, les mesures d’urgence adoptées en 2020 et 2021 ont coûté 133,5 milliards d’euros, selon le Trésor français. Le déficit s’est élevé à 9,2 % du PIB et la dette publique s’est envolée à plus de 115 % en 2020. L’orthodoxie budgétaire qui prévalait au début du quinquennat avait été largement dépassée.
Pourtant, à l’approche de l’élection présidentielle de 2022, Emmanuel Macron a été contraint de donner de sérieuses garanties à son électorat de droite. La réforme de l’assurance-chômage est pleinement entrée en vigueur à l’automne 2021. Et durant les derniers mois de son quinquennat, le mot d’ordre est devenu responsabilité.
« Nous voulons continuer à redéfinir notre contrat social, en faisant passer les devoirs avant les droits, du respect de l’autorité aux prestations sociales », a déclaré le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal dans un entretien au journal « Le Parisien » le 29 janvier.
Cette philosophie a été confirmée le 17 mars, lors de la présentation du programme du président-candidat Emmanuel Macron : en cas de réélection, il entend assujettir le versement du revenu de solidarité active (RSA, pour son sigle en français) à « l’obligation de consacrer entre 15 et 20 heures par semaine à une activité permettant une réinsertion dans la vie active, soit par une formation professionnelle, soit par un emploi à temps partiel.
Quant à la réforme des retraites reportée, le président a abandonné le complexe remaniement précédemment prévu au profit d’un autre, non moins controversé : le relèvement de l’âge légal de la retraite en France à 65 ans.
Cet article a été adapté de son original français