“The Crown” : Netflix a-t-il raison de nous prévenir que la boulimie de Diana est montrée à l’écran ?

“The Crown” : Netflix a-t-il raison de nous prévenir que la boulimie de Diana est montrée à l'écran ?

Dans la saison 4 de The Crown, les épisodes qui mettent en scène les troubles alimentaires de la princesse sont précédés d’un avertissement. Certains y voient un excès de précaution. La journaliste britannique Charlotte Cripps, elle, y voit une marque de prévenance. Ses arguments.

Plusieurs épisodes de la nouvelle saison de The Crown mettent en scène les troubles du comportement alimentaire (TCA) dont a souffert lady Diana à son arrivée au sein de la famille royale britannique. On voit par exemple la jeune femme, interprétée par Emma Corrin, descendre la nuit dans les cuisines de Buckingham Palace, en proie à une crise de boulimie, avant d’aller se faire vomir au-dessus des toilettes de son appartement privé.

En prélude de ces épisodes, Netflix a choisi de faire figurer ce que l’on appelle en anglais un trigger warning. L’expression, parfois décriée comme relevant de la cancel culture (“culture du bannissement”), désigne des avertissements adressés au public. En l’occurrence, ils signalent qu’un TCA est mis en scène dans l’épisode à venir et que certaines scènes pourraient choquer. Un site Internet est indiqué, que peuvent consulter les personnes atteintes de troubles similaires et qui voudraient de l’aide.

Des mises en garde de plus en plus fréquentes

Charlotte Cripps, journaliste à The Independent, compte parmi ceux qui approuvent ce dispositif. Elle a elle-même souffert brièvement de boulimie dans sa jeunesse et commente :

Même si je ne souffre pas de stress post-traumatique –  un cas de figure dans lequel les ‘trigger warnings’ sont essentiels –, j’ai apprécié d’être mise en garde. Il est indispensable que les téléspectateurs soient avertis, pour éviter que des traumatismes passés ne reviennent les submerger sans préavis.”

La journaliste britannique relève toutefois que les mises en garde ont tendance à se multiplier. Elle en cite plusieurs exemples. Netflix qui ajoute un avertissement en introduction à tous les épisodes de sa série 13 Reasons Why après que la première saison, explorant le pourquoi du suicide d’une lycéenne, a été accusée de répandre des idées noires parmi son public adolescent. Le service de streaming BritBox qui prévient que certains épisodes de Doctor Who, filmés en 1977, sont racistes. Un épisode de la série américaine Grey’s Anatomy qui signale que des scènes montrant des “viols” ou des “agressions sexuelles” vont suivre, quand est mise en scène une victime de viol au corps tuméfié.

Un sujet controversé

De plus en plus, des campagnes sont lancées sur les réseaux sociaux et des associations montent au créneau pour réclamer des trigger warnings, poursuit la journaliste. Des militantes féministes ont ainsi réclamé de Netflix, en juillet, qu’il avertisse les téléspectateurs que le film polonais 365 jours promouvait la culture du viol. Plus récemment, la plateforme a également été épinglée pour la façon dont Ratched, une série qui se déroule dans un hôpital psychiatrique après la Seconde Guerre mondiale, mettait en scène pédophilie, torture et thérapies de conversion à l’attention des homosexuels.

La journaliste de The Independent concède que le sujet est controversé. “Certains critiques affichent leur dédain. Ils font valoir qu’il n’y a pas de trigger warnings dans la vraie vie, et que la culture de l’évitement est le plus grand obstacle au rétablissement de ceux qui ont survécu à un traumatisme”, écrit-elle. D’autres “disent que les trigger warnings augmentent notre stress car ils nous placent sans cesse en état d’alerte”, poursuit-elle. Mais pour elle, le plus important est de laisser chacun décider s’il veut ou non “revivre son traumatisme” par fiction interposée :

Je ne me suis certes pas pétrifiée dans mon canapé et je n’ai pas eu de crise de panique quand j’ai regardé ‘The Crown’, mais c’est parce que j’étais dans le bon état d’esprit. J’avais eu la chance d’être préparée à ce que j’allais voir.”

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