Ridwan Maulana, défenseur indonésien des alphabets anciens sur Instagram

Ridwan Maulana, défenseur indonésien des alphabets anciens sur Instagram

Chaque lundi, Courrier international vous invite à découvrir une influenceuse ou un influenceur. Cette semaine : Ridwan Maulana. Le jeune Indonésien collecte, numérise et diffuse sur les réseaux sociaux des dizaines d’alphabets en voie de disparition à travers les 17 000 îles de son pays.
 

Quand j’étais lycéen, j’ai appris le syllabaire sundanais [langue parlée à Java-Ouest], parce que c’est la région dont je suis originaire”, raconte Ridwan Maulana au journal Koran Tempo. La curiosité de cet étudiant en langue anglaise pour les centaines d’alphabets de l’archipel indonésien n’a ensuite fait que grandir. Sa passion est même devenue une obsession : donner une nouvelle vie sur les réseaux sociaux à ces écritures hors d’âge, afin de participer à la préservation du patrimoine linguistique de son pays.

Le ministère indonésien de l’Éducation et de la Culture a officiellement identifié 718 langues vernaculaires, ce qui place l’Indonésie au deuxième rang mondial derrière la Papouasie-Nouvelle-Guinée (820 langues). Plus d’une dizaine d’entre elles sont menacées d’extinction.

Du manuscrit à l’appareil numérique

Ridwan s’est donc lancé dans la conversion de ces alphabets anciens sous forme numérique en utilisant le système Unicode – un standard international permettant l’harmonisation du traitement de texte à travers différents supports. Pour que ces caractères soient lisibles sur des appareils numériques, il les a “superposés” aux codes des lettres latines :

Ces polices peuvent désormais être utilisées dans des applications d’écriture ou d’édition graphique, des photos et des vidéos sur les téléphones portables et les ordinateurs.”

Son premier projet de numérisation a été celui de l’alphabet bima, langue parlée à Sumbawa, une des petites îles de la Sonde. Il a obtenu des images de cette écriture d’un lettré local, Syukri Abubakar. Selon Ridwan, la conversion technique des caractères tirés de manuscrits anciens en polices numériques est en fait assez simple. “Le plus difficile, c’est le processus de recherche et de documentation.”

Jeune érudit, textes antiques

Tout en effectuant la numérisation de ces syllabaires, ce jeune érudit de 22 ans réalise une cartographie de leurs origines. Il y a ceux dérivés du pallava, une écriture du sud-est de l’Inde utilisée entre le IIIe et le Xe siècle de notre ère et qui s’est répandue sous diverses formes en Asie du Sud-Est, mais aussi des alphabets de la famille des langues austronésiennes, et d’autres plus archaïques d’origine inconnue.

À ce jour, Ridwan a converti en polices numériques 36 syllabaires qui peuvent être téléchargés gratuitement sur son blog Writingtradition. Ses recherches plus complètes sont décrites dans un livre, Aksara-aksara di Nusantara (“Alphabets de l’archipel indonésien”, non traduit), qu’il a publié en autoédition. Et depuis l’année dernière, il utilise son compte Instagram pour capter l’attention des jeunes Indonésiens. On peut y lire des explications, comme : “Le syllabaire kerinci est utilisé depuis le XIVe siècle pour écrire la langue kerinci [parlée par 300 000 locuteurs dans les montagnes de la province de Jambi, sur l’île de Sumatra] sur des bambous, des cornes, des écorces et des feuilles de palmiers.”

Aujourd’hui il est encore utilisé sur les panneaux routiers, les enseignes des administrations et les gadgets touristiques locaux.”

Autofinancement complet

“Sur ce compte, Ridwan partage principalement du contenu éducatif sur les syllabaires traditionnels sous une forme graphique facile à comprendre. Il cite aussi souvent des paroles de sagesse écrites en caractères anciens, accompagnées de leur traduction en indonésien, salue Koran Tempo. À l’occasion, il fait la promotion de produits dérivés tels que des T-shirts et des agendas avec des dessins utilisant ces scripts.”

Il mène ce projet ambitieux sans aucun soutien financier extérieur, purement de sa propre initiative. Ses followers, de plus en plus nombreux, sont sa seule gratification.”

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