Louis Soris, président des Jeunes Républicains de Paris, s’inscrit en faux vis-à-vis des manifestants contre la loi El Khomri et le mouvement de la Nuit debout, tout en s’estimant déçu par le projet de loi actuel. Entretien.
Le projet de loi sur la réforme du Code du travail a fédéré contre lui la plus grande contestation du quinquennat de François Hollande. Le mouvement citoyen de la Nuit debout, qui en est issu, rassemble tous les déçus de la gauche, hors des partis et des syndicats. Louis Soris, président des Jeunes Républicains de Paris, appelle les manifestants à rentrer chez eux, et le gouvernement à ne pas écouter un mouvement qui ne représente pas les jeunes selon lui.
Monomania : Les manifestants réclament le retrait sans condition du texte de la ministre El Khomri. Que leur répondez-vous ?
Louis Soris : Nous sommes face à une minorité qui prône l’immobilisme et qui ne représente pas l’ensemble des Français. François Hollande l’accepte et ne fait pas avancer le pays. Aujourd’hui, le président n’est plus en mesure de gouverner. Entre les frondeurs et les Républicains, il n’a plus de majorité parlementaire.
Vous souteniez la loi travail dans sa première version ? Pourquoi ?
Le plafonnement des indemnités prud’homales permettait aux entrepreneurs et aux chefs d’entreprise d’avoir une visibilité lorsque cela se passait mal avec un employé. Le texte proposait aussi la mise en place d’accords d’entreprise majoritaires et référendaires, et l’entrée en vigueur d’un moratoire sur le compte pénibilité. Mais la loi a été vidée de sa substance pour quelques milliers d’étudiants de l’Unef, des syndicalistes de la CFDT et de la CGT qui ont manifesté dans la rue.
Pensez-vous que Les Républicains doivent voter le texte dans sa forme actuelle ?
Un certain nombre de parlementaires estimaient que Les Républicains pouvaient voter le texte dans sa forme initiale. J’étais également sur cette ligne. Maintenant, avec les reculs du gouvernement, il n’y a plus rien à voter.
« L’UNEF aura une lourde responsabilité dans l’aggravation de la situation sur le front du chômage »
Depuis le 31 mars, la mobilisation est croissante et suscite la curiosité du monde entier : dimanche soir, 80 000 personnes ont suivi en direct vidéo l’assemblée générale de la Nuit debout sur l’application mobile Périscope. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
C’est risible parce que toutes ces personnes rassemblées place de la République considèrent qu’elles représentent l’ensemble de la jeunesse française. Or, celle-ci est soit en cours, soit au travail, pas en train de flâner en prenant le soleil avec des discours hédonistes. J’entendais à la télévision une jeune manifestante dire qu’il fallait que des représentants de la Nuit debout soient élus à l’Assemblée nationale. Il y a des élections législatives en 2017, nous sommes dans un pays libre, ils n’ont qu’à fonder un parti et se présenter !
Si vous étiez face à un manifestant opposé à la loi Travail, que lui diriez-vous ?
Si nous restons dans le statu quo, nous n’avancerons pas. On a 26 % de chômage chez les jeunes, ce qui n’est absolument pas acceptable. Toutes les économies voisines redémarrent et la France reste ancrée dans le conservatisme. Je pense que l’UNEF aura une lourde responsabilité dans l’aggravation de la situation sur le front du chômage.
Les revendications sont plus larges que la loi Travail. La plupart des manifestants de la Nuit debout ne se reconnaissent pas dans les institutions de la Ve République ni dans la classe politique. Qu’en pensez-vous ?
Je comprends que la jeunesse soit complètement déçue par François Hollande. Elle a voté pour un candidat à l’élection qui disait « mon ennemi, c’est le monde de la finance ». Nous avons appris depuis que son trésorier de campagne avait été cité dans l’affaire des Panama Papers, ces comptes offshores. Plus généralement, cela fait des années que, de droite comme de gauche, les gouvernements n’ont pas eu les réponses aux crises successives. Aujourd’hui, la jeunesse de France ne se sent pas représentée parce que la classe politique ne nous ressemble pas. Et elle a totalement échoué, sur le code du travail notamment. Il faudra réformer et considérer que tout ne peut pas reposer entièrement sur le salariat.
Justement, une partie des manifestants de la Nuit debout veulent mettre fin au salariat…
Et que veulent-ils mettre à la place ?
L’auto-gestion, la mutualisation…
Je ne pense pas qu’il faille aller dans cette direction. Le salariat domine toutes les sphères de la société. Si vous voulez obtenir un prêt pour l’achat d’une voiture ou d’un appartement, vous devez présenter à votre banquier un CDI, sinon vous n’avez rien. Par conséquent, il faut adapter l’ensemble de la société à une nouvelle ère qui n’est plus celle du salariat ultra-dominant mais une ère dans laquelle il peut y avoir d’autres modèles, mais dans laquelle le salariat restera majoritaire.
Propos recueillis par Raphaël Georgy