Michel Barnier, futur atout ou rival d’Emmanuel Macron ?

Michel Barnier, futur atout ou rival d’Emmanuel Macron ?

Le négociateur en chef de l’UE pour le Brexit apparaît aux yeux du Temps comme “l’Européen de l’année”. Et le président français pourrait chercher à en profiter. “À moins que l’intéressé ne nourrisse d’autres ambitions”, écrit le quotidien suisse.

Regardez bien une photo des deux hommes. Côte à côte, Michel Barnier et Emmanuel Macron pourraient presque passer pour un père et son fils. Deux silhouettes sportives et altières, l’un né en 1951, l’autre en 1977. Deux fortes convictions européennes, forgée pour Barnier sous la présidence Giscard des années 1970, et pour Macron dans la tempête des années 2000, lorsque la planète financière mondiale faillit chavirer et l’Union européenne basculer dans l’abîme grec.

La différence est par contre politique, et elle est de taille : Michel Barnier, né à La Tronche (Isère), ancien élève de l’École supérieure de commerce de Paris et député de Savoie à 27 ans, est toujours resté fidèle à sa famille gaulliste découverte durant son adolescence, avec ce qu’il faut de prudence pour ne pas brusquer le reste de la droite et éviter de se faire des ennemis dans le camp conservateur. Emmanuel Macron, enfant de Picardie débarqué dans le grand jeu du pouvoir français sans attache locale après son passage par l’ENA et un détour par la finance, a pour sa part terrassé les partis, en conquérant. Habile suivisme d’un côté. Audacieux opportunisme de l’autre.

Parler de ces deux personnalités alors que les interminables négociations sur le Brexit semblent sur le point de s’achever revient à poser une question simple : comment la France peut-elle tirer profit, en 2021, du parcours sans faute de ce diplomate opiniâtre que fut Barnier, nommé négociateur en chef communautaire le 27 juillet 2016, un mois après le référendum britannique du 23 juin ?

“Le grand mérite de l’unité sauvegardée”

Imaginez – comme cela paraît de plus en plus possible à l’heure d’écrire ces lignes – que le Premier ministre Boris Johnson finisse par apposer sa signature au bas d’un accord commercial qui stabilise la future relation commerciale entre son île et le Vieux Continent. Bien sûr, le diable se nichera dans les détails. Bien sûr, experts et juristes passeront le document au crible pour y déceler telle ou telle concession “dommageable” pour l’une ou l’autre partie.

N’empêche : un Brexit achevé avec un accord, après des mois de chaos politico-diplomatique et de surenchère populiste, serait une incontestable victoire pour l’Union européenne. Laquelle, en trois ans, n’a jamais affiché sur ce sujet le visage de la division. À Michel Barnier donc, le grand mérite de l’unité sauvegardée. Y compris si, in extremis, ledit accord lui échappait.

Interrogeons-nous maintenant sur l’avenir d’une France qui, en 2021, va devoir retrouver ses esprits après la frénésie de dépenses publiques occasionnées par la pandémie de Covid-19, avant que la course à la présidentielle d’avril-mai 2022 ne commence à s’imposer. N’aura-t-elle pas besoin, cette France, d’une personnalité capable de panser ses plaies et de scander, au-dessus du volcan de la crise sociale, le refrain de l’unité ?

Un carburant à popularité

Qui pour incarner, après le départ d’Angela Merkel en septembre 2021, le cap européen d’une France qui assumera, au premier semestre 2022, la présidence tournante de 27 États membres de l’Union ? Qui, enfin, peut jouer le rôle de pont entre la droite modérée, le centre gauche et les Verts, au sein desquels un grand nombre est plus compatible qu’il ne le prétend avec l’économie de marché ? Qui, surtout, pour inspirer la confiance grâce à son expérience ? Suivez mon regard. Michel Barnier aura pile 70 ans le 9 janvier prochain. L’auréole étoilée d’un éventuel succès sur le Brexit lui collera à la peau. Dans cette République pétrie d’histoire et toujours vent debout face à la “perfide Albion”, avoir résisté aux assauts britanniques est un carburant à popularité.

Reste la question : que veut celui qui, en 2019, attendait sans doute le coup de fil de l’Élysée susceptible de le pousser vers la présidence de la Commission européenne ? Michel Barnier, comme on le dit beaucoup, sort-il essoré de cette “machine à laver” diplomatique que furent les négociations du Brexit ? Se verrait-il au contraire, lui, skieur savoyard amateur de slaloms et de pistes cabossées, reconstruire tout schuss une droite aujourd’hui en lambeaux où les couteaux ne manqueront pas de sortir ?

Ses atouts de terrain sont réels. Des Jeux olympiques d’hier réussis à Albertville en 1992. Un passage remarqué, entre 1993 et 1995, au ministère de l’Écologie avant de s’occuper des Affaires européennes, puis de l’Agriculture et des Affaires étrangères. Avec, dans sa corbeille, deux postes de commissaire européen à la politique régionale (1999-2004) et au marché unique (2010-2014). Emmanuel Macron a intérêt à ne pas laisser trop cogiter cet animal politique là. Car avec ses lauriers gagnés sur le champ de bataille avec Londres, “Barnier l’Européen” pourrait bien devenir le Français à suivre en 2021.

Richard Werly

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