Pourquoi les routes françaises sont tellement plus agréables que les britanniques

Pourquoi les routes françaises sont tellement plus agréables que les britanniques

Elles sont agréablement vides, moins mortelles qu’avant, et on y rencontre de la civilité tout en étant traité en adulte : cet endroit d’exception identifié par ce journaliste britannique n’est autre qu’une route hexagonale. Voici pourquoi conduire en France est devenu un régal.

Conduire en France, c’est du gâteau. Des millions de Français, pour certains assez ignares, y arrivent, c’est dire. Un grand nombre de Britanniques, de passage, s’en sortent aussi. Je m’en sors moi-même. Il suffit pour l’essentiel de se rappeler qu’il faut rouler à droite, de respecter les limitations de vitesse et de ne pas se bourrer la gueule.

La France souffre moins des embouteillages, sans doute parce qu’elle est deux fois plus grande que le Royaume-Uni pour une population à peu près équivalente – et, s’il vous plaît, je n’ai pas écrit “ignore les embouteillages”, j’ai dit “en souffre moins”. Et la civilité au volant y a fait des progrès spectaculaires. Cela fait longtemps que je n’ai pas été aussi scandaleusement maltraité en France que je l’ai été à Morecambe au début de 2019 alors que j’hésitais à un carrefour.

La mortalité routière y a plongé aussi : elle est passée de 18 000 victimes en 1972 – un record – à 3 239 l’année dernière, alors même que la circulation a été multipliée par trois. D’accord, cela fait encore deux fois plus qu’au Royaume-Uni, mais vous risquez de mourir sur les routes françaises six fois moins aujourd’hui qu’il y a quarante-neuf ans : ça mérite au moins une étoile. Voire deux.

Prenez l’A75, c’est à se demander où est passé le reste de l’humanité

Soyons rassurés. Éthylotests, radars et verbalisations immédiates ont calmé les ardeurs des plus enragés des chauffards français. Une fois que vous maîtrisez le Code de la route, la conduite est vraiment un régal. Pour commencer, les routes françaises sont désertes comparé au réseau britannique. En zone rurale, en matière de circulation, c’est un vrai retour aux années 1950. Sur les grands axes, les embouteillages sont moins fréquents. Prenez donc l’A75 à travers le Massif central : c’est à se demander où est passé le reste de l’humanité !

Les péages ? Si l’A75 en est dépourvue (hormis le passage du viaduc de Millau), la plupart des autoroutes françaises sont à péage. De Calais à Nice, comptez ainsi 100 livres [environ 110 euros]. Les Français, qui ne paient plus de vignette, n’y trouvent pas trop à redire, et au fond les autres non plus. Ce n’est certes pas un plaisir, mais au moins cela nous prépare-t-il à cet avenir sombre dans lequel la voiture deviendra un luxe. Mais je vous en conjure, je vous en supplie, pensez à préparer vos moyens de paiement avant d’arriver au péage. Si vous découvrez au dernier moment que votre carte bancaire se trouve tout au fond d’un sac sur la banquette arrière (ou pire, dans le coffre), c’est là que le risque de trouver la mort sur les routes françaises est le plus grand – en particulier si je suis derrière vous.

Les Français traitent les usagers de la route en adultes

Les autoroutes françaises, et plus généralement le réseau routier de l’Hexagone, ne pâtissent pas de boulimie informative, contrairement au bitume et aux bords de route britanniques, encombrés d’instructions, de recommandations et d’injonctions au point qu’on croirait conduire sur une grille de mots croisés force 7. Les Français traitent les usagers de la route en adultes : il y a moins de signalisation, et il n’est pas jugé utile d’installer une barrière de sécurité au moindre ravin vertigineux. Débrouillez-vous, bon sang. C’est libérateur. Les stations-service françaises ont aussi le bon goût de ne pas avoir été totalement englouties par les fast-foods – et celui, aussi, de posséder les toilettes publiques les plus propres du pays (ce qui, il est vrai, n’a rien d’un exploit en France).

Hors du réseau autoroutier, la priorité à droite règne encore en maître – l’automobiliste débouchant sur votre droite, même d’une route secondaire ou d’une toute petite rue, a la priorité. J’ai longtemps trouvé ça totalement insensé, comme bien d’autres coutumes continentales (la culotte de cuir bavaroise – mais pourquoi ?). Aujourd’hui j’y vois un tranquillisant imbattable tant en matière de coût que d’efficacité. Vous roulez à toute allure sur un axe important, et voilà qu’une petite Citroën déboule d’une petite rue et vous emboutit l’aile droite : l’autre conducteur est dans son droit, vous êtes en tort, vous payez la facture. Résultat : vous ralentissez.

Et n’oubliez pas le grand-père combattant !

Parmi les autres périls routiers, signalons les patrouilles de police en planque, dont la présence vous est parfois signalée par des appels de phares d’automobilistes arrivant en sens inverse – illégal, mais bien aimable. Si la police vous arrête, lâchez, l’air de rien, que vous êtes dans la région parce que votre grand-père s’est battu ici pendant la guerre – efficacité testée.

Vous apercevrez aussi peut-être, dans des zones isolées, des femmes légèrement vêtues postées au bord de la route à fumer cigarette sur cigarette. Si j’étais vous, en vacances en famille, je ne m’arrêterais pas. En règle générale, d’ailleurs, je ne m’arrêterais pas.

Anthony Peregrine

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