Des usines automobiles arrêtées, la sortie de consoles et de smartphones reportée, la production d’imprimantes menacée… La rupture de stocks des semi-conducteurs a des conséquences concrètes sur les chaînes d’approvisionnement.
La pénurie mondiale de puces, ces microcomposants électroniques qui sont utilisés un peu partout dans l’industrie, de la voiture aux objets connectés, atteint “un stade critique”, alerte The Guardian. Des chaînes automobiles sont arrêtées, des lancements de produits grand public sont reportés… et la crise pourrait bien rejaillir sur les consommateurs.
L’alerte remonte à quelques mois, quand la reprise inattendue de la demande (notamment chinoise) a provoqué une hausse subite des commandes par l’industrie automobile, provoquant une première rupture de la chaîne d’approvisionnement. À cela s’ajoute le “boom des ventes de téléviseurs et d’ordinateurs, le lancement de nouvelles consoles de jeux et de téléphones compatibles avec la 5G”, explique le quotidien britannique. Même le tout-puissant Apple, “plus gros acheteur mondial de semi-conducteurs, qui y consacre 58 milliards de dollars par an, a été contraint de reporter le lancement de son iPhone 12”.
L’automobile à l’arrêt
L’américain Ford vient d’annoncer que “ses bénéfices pourraient subir une baisse allant jusqu’à 2,5 milliards de dollars cette année en raison de la pénurie de puces, tandis que Nissan ralentit la production de ses usines au Mexique et aux États-Unis”. La semaine dernière, Toyota et Honda ont mis en pause leurs usines en Amérique du Nord.
Sony a annoncé le mois dernier que les objectifs de vente de sa nouvelle PS5 ne seraient pas atteints pour la même raison, tandis que Microsoft estime que les retards d’approvisionnement pourraient durer jusqu’au deuxième semestre au moins. Le coréen Samsung, pourtant le deuxième producteur mondial de puces, pourrait être obligé de retarder la commercialisation de son smartphone haut de gamme.
Un incendie après la tempête
Et l’incendie, vendredi 19 mars, d’une usine de puces à Hitachinaka, au nord-ouest de Tokyo, ne va rien arranger. “L’incendie de Renesas ne pouvait arriver à un pire moment”, explique Nikkei Asia. Déjà, l’industrie automobile “se démenait pour faire face aux conséquences de la tempête hivernale au Texas qui a interrompu la production de NXP Semiconductors et d’Infineon Technologies, respectivement numéro un et numéro trois mondial des puces automobiles”. Le numéro deux est précisément le japonais Renesas, qui fabrique environ 20 % des microcontrôleurs et fournit des entreprises comme Toyota et Nissan.
Un responsable de l’entreprise a annoncé dimanche que la production serait interrompue pendant un mois et qu’il faudrait “peut-être plus de trois mois pour que les chaînes d’approvisionnement reviennent à la normale”.
Vulnérabilité logistique
Pour le Wall Street Journal, c’est le grand “désordre mondial” dans les chaînes d’approvisionnement. La crise des puces, à laquelle s’est greffée la vague de froid polaire au Texas, montre “à quel point les chaînes d’approvisionnement sont vulnérables” dans la phase actuelle de sortie fragile de la pandémie.
La crise n’est pas près de trouver une issue, estime The Guardian. Ces “cerveaux au cœur de chaque appareil électronique” ne sont pas simples à produire et “la mise en service d’usines complexes de production de semi-conducteurs peut prendre jusqu’à deux ans”. Conséquence : les prix flambent.
Comme le constate Nikkei Asia dans cet autre article, “les prix des Dram [les puces à mémoire dynamique] ont augmenté de 60 % depuis le début de cette année pour atteindre leur plus haut niveau depuis mars 2019”. Les puces achetées sur le marché au comptant, essentiellement par des petits fabricants de cartes mémoire et des utilisateurs de petits lots de Dram, représentent environ 10 % du marché mondial. Leurs prix sont sensibles à l’équilibre entre l’offre et la demande. Si rien ne change, se plaint un courtier de semi-conducteurs au site japonais, “la production d’imprimantes deviendra impossible”.
Sans rééquilibrage, résume un analyste dans The Guardian, la crise va “se répercuter sur les consommateurs”.
Attendez-vous à ce que les voitures coûtent plus cher, à ce que les téléphones coûtent plus cher. L’iPhone de cette année ne sera pas meilleur marché que l’an dernier.”