Le parquet français a requis la réclusion à perpétuité pour quatre des principaux accusés des attentats djihadistes qui ont fait le 13 novembre 2015 la mort de 130 personnes à Paris et Saint-Denis. Parmi eux se trouve Salah Abdeslam, le seul survivant des commandos qui ont mené l’attaque. Avec la demande du parquet, le procès – qui a commencé il y a neuf mois – tire à sa fin. Le verdict tombera le 29 juin.
Après six ans et demi depuis les pires attentats perpétrés à Paris et sa périphérie depuis la Seconde Guerre mondiale, le macro-procès contre les accusés touche à sa fin.
En raison de « l’immense gravité des faits », le parquet a requis ce vendredi 10 juin la réclusion à perpétuité sans possibilité de sursis à l’issue de la dite « période de sécurité » pour Salah Abdeslam, le Belge naturalisé français de 32 ans de D’origine marocaine qui le 13 novembre 2015 a ensanglanté les terrasses des bars de Paris et la salle de concert du Bataclan, causant la mort de 130 personnes et faisant 350 blessés.
Camille Hennetier, l’un des représentants du ministère public a souligné que « malgré ses propos, ses larmes, Salah Abdeslam est resté fidèle à son idéologie jusqu’au bout » et n’a jamais exprimé « le moindre remords », a expliqué Hennetier qui a reconnu que le verdict de ce procès « ne pansera pas les blessures ni ne ressuscitera les morts, mais il assurera aux victimes que la justice et la loi ont le dernier mot ».
Les procureurs de l’accusation considèrent qu’Abdeslam était un co-auteur des attentats et non un simple complice. « Je tiens à présenter mes condoléances et mes excuses à toutes les victimes », a déclaré Abdeslam en larmes lors du dernier jour d’interrogatoire à la mi-avril. « Je vous demande seulement aujourd’hui de me haïr avec modération » et de « me pardonner », a-t-il dit.
Abdeslam a été arrêté en Belgique le 18 mars 2016, quatre jours avant les attentats djihadistes qui ont fait 32 morts et 340 blessés dans le métro et l’aéroport de Bruxelles, au moment où l’Europe faisait face à une série d’attentats et alors qu’en parallèle, des milliers de Syriens arrivés sur le continent fuyant la guerre.
Après les allégations présentées par le Parquet ce vendredi, le tour sera donné à la défense à partir du lundi 13 juin et le 29 de ce mois sera connu le verdict sur cet attentat, classé insolite en raison de sa durée, ses plus de 2 500 parties civiles, sa charge émotionnelle et l’émoi qu’elle a généré en France et dans le monde.
Les autres pour lesquels le Parquet demande également la réclusion à perpétuité
La réclusion à perpétuité – assortie d’une peine obligatoire de 22 ans – a également été requise pour Mohamed Abrini, surnommé « l’homme au chapeau » pour les images captées par les caméras de sécurité lors des attentats de mars 2016 à Bruxelles.
Abrini, 36 ans et complice de l’organisation, aurait renoncé à faire exploser ses explosifs dans la nuit du 13 novembre 2015 et serait rentré en Belgique.
Par ailleurs, le Parquet national antiterroriste (Pnat) a requis la réclusion à perpétuité contre deux anciens hauts responsables de l’Etat islamique autoproclamé présumés morts combattant dans les rangs islamistes en Syrie et en Irak. Une autre dizaine de présumés impliqués font face à des requêtes pour une peine allant de 5 à 30 ans de prison.
Désormais, les différentes défenses des 20 accusés commenceront lundi prochain à présenter leurs derniers arguments et leurs demandes de sanction.
Cette peine de réclusion à perpétuité, la plus sévère du Code pénal, rend minimale la possibilité d’obtenir un aménagement de peine. Très peu d’occasions ont-elles été décrétées depuis sa création en 1994, pour les personnes reconnues coupables d’avoir tué des enfants, après les avoir violés ou torturés.
« On avance (…), les avocats de la défense vont ramer », estime Dominique Kielemoes, partie civile de l’association 13onze15 pic.twitter.com/CaybWX0xDK
— Aude Abback-Mazoué (@audemazoue) 10 juin 2022
Abdeslam « sans remords »
« Je n’ai tué personne directement. J’ai peut-être tué indirectement », a déclaré Abdeslam en avril, faisant référence aux trois kamikazes qu’il a amenés au Stade de France à Saint-Denis, l’une des scènes des attentats sanglants.
Nicolas Le Bris, un autre des trois procureurs intervenus ce vendredi, a répondu à ces déclarations d’Abdeslam faites il y a deux mois : « Ne soyons pas naïfs, il a parlé, mais il ne nous a rien dit sur ce soir, il n’a rien précisé. nous concernant les faits », a-t-il souligné.
Le Bris est convaincu que l’intention d’Abdeslam était de faire exploser la ceinture d’explosifs qu’il portait sur son corps et il a abandonné l’appareil car il ne fonctionnait pas. Abdeslam avait déclaré avoir sauvé des vies en n’activant pas sa ceinture dans un bar, ce que le terroriste affirmait avoir décidé « pour l’humanité ».
A partir de mercredi de cette semaine, les trois représentants du Pnat, Hennetier, Le Bris et Nicolas Braconnay, se sont relayés pendant près de quinze heures dans un long récit à trois voix, analysant les détails de la logistique des attentats, de la genèse des les motivations meurtrières aux attaques finales.
« Ceux qui ont commis ces crimes ne sont que de vulgaires terroristes, des criminels », a ajouté Le Bris ce vendredi en racontant les attentats devant le Stade de France, sur les terrasses parisiennes et au Bataclan.
Quelque 397 récits de souffrance
Ces lieux ont-ils été choisis au hasard ? L’avocat Le Bris en doute. Ils recherchent des « terrasses bondées » situées aux coins de rue qui offrent « un grand angle de feu » et plusieurs « voies d’évacuation ».
France 24 en français recueille sur son site ce que Le Bris a dit ce vendredi. « Toutes les personnes qui s’y trouvaient au moment de l’arrivée des djihadistes doivent être considérées comme des otages de ces derniers.
Pour Sarah, dont le frère a été tué au Carillon, « les combs des réquisitions sont justifiées mais pas assez fortes à l’encontre de certains accusés. » pic.twitter.com/J1CNVVKVfw
— Aude Abback-Mazoué (@audemazoue) 10 juin 2022
Reprenant les témoignages de « souffrance » des victimes, l’avocat avoue « avoir pris de plein fouet » les 397 récits de victimes venues témoigner, mêlant rescapés et proches du défunt. « Avant d’entendre ces histoires, mes collègues et moi n’étions pas conscients de toutes ces douleurs. » Bref, « des vies brisées ».
Ce macro-procès, qui a débuté en septembre 2021, arrive au terme de ses sessions. Ce vendredi était le numéro 137.
Avec AFP, EFE et France 24 en français