Transfuge des Républicains aux positions conservatrices, le ministre de l’Intérieur est un élément essentiel pour porter à terme certaines réformes lancées par le président de la République. Néanmoins, selon Politico, l’ambition de Darmanin pourrait constituer un véritable danger pour Macron.
Il est l’arme à double tranchant du président de la République, à manier avec précaution. Gérald Darmanin a investi les bureaux de la place Beauvau au début de juillet 2020, dans le cadre du remaniement post-confinement qui a porté Jean Castex à Matignon. Ce poste, l’homme le voulait fermement. “Pour l’avoir il a même explicitement menacé Macron de faire campagne contre lui”, indique Politico, qui tire cette information de témoignages anonymes internes à l’exécutif.
C’est que, de l’avis du site d’information européen, l’ancien maire de Tourcoing est du genre ambitieux, voire très ambitieux. Ainsi, selon le média bruxellois, à l’instar d’un certain Nicolas Sarkozy avant lui, Darmanin voit dans le poste de “premier flic de France” un tremplin vers un rôle encore plus important.
Mais si telle est la situation, pourquoi Emmanuel Macron a-t-il accepté de permettre à Gérald Darmanin de prendre du galon, en risquant qu’il devienne un redoutable rival à l’avenir ?
À en croire Politico, le lien entre le président et son ministre de l’Intérieur est gagnant-gagnant, puisque l’ancien député des Républicains “est un atout majeur pour consolider la partie de droite de l’électorat de Macron”.
En effet, dans les mois à venir, “Darmanin sera en première ligne pour défendre le projet de loi de Macron contre le radicalisme islamiste, ainsi que celui sur le projet de loi sur la sécurité globale”, poursuit le site d’information. En quelque sorte, le président de la République entend donc se servir de l’ancien maire de Tourcoing pour créer un consensus à droite, mais aussi pour que celui-ci attire sur lui les critiques qui viendront. Un costume que Darmanin accepte d’endosser dans l’espoir de devenir un jour le leader des conservateurs.
Macron est-il encore le “champion libéral” de l’Europe ?
Mais, selon Politico, ce jeu n’est pas sans risques pour Macron, qui subit déjà les conséquences de sa stratégie. “Le style décomplexé de Darmanin et sa ligne dure sur la sécurité et la laïcité ont rendu certains membres de la majorité de Macron furieux et ont attiré une attention internationale indésirable sur la France, analyse le média. Voilà qui a nui à l’image soigneusement élaborée du président, qui se voit en champion libéral de l’Europe.”
Le pari Darmanin est donc hautement risqué pour le président de la République, détaille le site d’information, qui résume le problème en ces mots :
Macron, qui a fait campagne sur des valeurs socialement progressistes, parie maintenant une partie de son avenir politique en misant sur quelqu’un qui a soutenu une nouvelle mesure d’interdiction du voile pour les jeunes filles, qui a critiqué les allées des supermarchés consacrées à la nourriture halal et casher, et qui se disait par le passé opposé au mariage gay.”
“Sois proche de tes amis et encore plus de tes ennemis”
Mais au-delà du calcul politique, Politico se questionne également au sujet de la loyauté de Darmanin vis-à-vis de son président. “Macron est en train de s’aliéner son électorat de gauche en pariant sur quelqu’un qui n’a toujours soutenu qu’une seule et unique personne dans sa carrière : lui-même”, prévient un membre de LREM sous couvert d’anonymat.
Mais, évidemment, le président de la République n’est pas si naïf et il ne fait probablement qu’appliquer le vieil adage “sois proche de tes amis, et encore plus proche de tes ennemis”. “Le bureau de la place Beauvau n’est qu’à quelque pas du palais de l’Élysée”, conclut Politico.