Ces voleurs qui tiennent en haleine le milieu américain de l’édition

Ces voleurs qui tiennent en haleine le milieu américain de l’édition

L’énigme dure depuis trois ans déjà : qui sont le ou les voleurs qui multiplient les tentatives d’hameçonnage pour se procurer des manuscrits inédits ? Et que font-ils des textes dont ils arrivent à s’emparer ?

Des grands noms de la littérature, comme Margaret Atwood, Ian McEwan ou encore Jo Nesbo, en ont été victimes. Des célébrités du cinéma également, comme l’acteur Ethan Hawke. Mais aussi, ce qui est plus étrange, des écrivains débutants, des auteurs de nouvelles ou de romans expérimentaux. Tous ont été approchés par courriel par des inconnus qui, en se faisant passer pour quelqu’un de leur entourage, ont voulu faire main basse sur leurs manuscrits inédits, raconte The New York Times. Et, à ce jour, le mystère le plus entier entoure ces escroqueries. Le monde de l’édition se perd en spéculations, poursuit le quotidien :

On ne sait pas qui sont le ou les voleurs, ni même le bénéfice qu’ils peuvent tirer de tels agissements.”

Des escrocs très bien introduits

Les premières tentatives de vol remontent à plus de trois ans. “Des auteurs, des agents et des éditeurs ont été pris pour cible en Suède, à Taïwan, en Israël ou encore en Italie. Et cette année, le nombre d’e-mails [frauduleux] a explosé aux États-Unis”, relate The New York Times. Seule certitude : le ou les voleurs sont très bien implantés dans le monde de l’édition. Ils connaissent sur le bout des doigts le circuit que doit suivre un manuscrit avant publication, ils disposent d’informations sur des projets encore confidentiels. Ils savent aussi qui publie qui, qui représente qui, qui est en pourparlers avec qui. Et ils connaissent le jargon du milieu, par exemple ce “ms” qui remplace le mot “manuscrit” dans certains échanges.

La démarche est toujours la même, nous apprend le quotidien new-yorkais. Des courriels sont envoyés, ressemblant à s’y méprendre à ceux que pourrait écrire tel agent écrivant à l’un des auteurs qu’il représente, ou tel éditeur consultant un dénicheur de talents. Le principal indice de la supercherie se trouve dans le nom de domaine utilisé, légèrement transformé : penguinrandomhouse.com devient par exemple penguinrandornhouse.com, une altération qui n’apparaît que lorsque le destinataire du message clique sur “Répondre”.

La rançon de l’exclusivité ?

“Mais pourquoi diable vouloir voler des manuscrits inédits ?” interroge The New York Times. Car, ici, le mystère s’épaissit en effet. “Aucun des manuscrits [ainsi subtilisés] ne semble avoir été mis en vente au marché noir, ni avoir circulé sur le dark web, ni même avoir fait l’objet de demandes de rançons.” Alors que les adaptations de romans se multiplient à la télévision et au cinéma, une hypothèse parmi les plus plausibles est que certains, à Hollywood, seraient prêts à payer pour des informations exclusives : “Dans ce cas de figure, un manuscrit non édité pourrait avoir de la valeur”, reconnaît le journal.

Reste que l’expérience est désagréable pour ceux qui en sont les victimes. James Hannaham, l’auteur de Delicious Foods, traduit en français aux éditions Globe, s’est fait voler le manuscrit de Re-Entry, un roman qui suit la sortie de prison d’une femme transgenre. Interrogé par The New York Times, il témoigne :

C’est comme un viol. Je ne veux pas que quiconque sache ce que valent mes premiers jets.”

A lire également