‘Le dialogue’, devise des III Trobades Mediterrànies Albert Camus qui auront lieu à Sant Lluís (Minorque) les 19 et 20 juin

MINORQUE, 18 juin (de l’envoyée spéciale d’EUROPA PRESS, Laura Martínez) –

Le philosophe, anthropologue et sociologue français Edgar Morin a reçu, ce vendredi 18 juin, le Prix Albert Camus Mediterranis 2020 lors d’un gala organisé au Teatre Principal de Mahón, au cours duquel Morin a reconnu que ce prix « est le moyen » de retrouver le Prix ​​Nobel de littérature.

« J’ai un grand respect, une grande admiration et une grande adoration pour Camus (…). Tout cela est pour vous dire l’émotion de ce prix car en quelque sorte c’est la façon dont je dois renouer avec lui, rétablir ce contact perdu avec Camus », a assuré Morin, qu’en juillet prochain il aura 100 ans. Le lauréat revient dans ce prix à l’artiste libanaise Mona Hatoum, lauréate de la première édition.

Dans son discours, Morin a reconnu une « vraie émotion » à recevoir ce Prix car Albert Camus « Je l’ai rencontré, je ne l’ai pas connu et finalement je l’ai reconnu ». Ainsi, il a rappelé qu’il l’avait rencontré pendant l’occupation allemande, alors qu’il avait déjà publié « Le mythe de Sisyphe ».

« J’avais vu ses pièces, donc c’était quelqu’un qui était déjà apprécié en tant qu’écrivain et savait qu’il était dans un réseau de résistance, le réseau Combat, et j’étais dans un autre, et donc j’avais une grande estime pour lui. Et après la libération de Paris, nous nous sommes rencontrés plusieurs fois, toujours de manière très cordiale, car c’était une personne brillante et très ouverte », a-t-il déclaré.

« Cependant, il s’est avéré qu’à cette époque j’étais communiste et donc influencé par cette phrase de Hegel qui disait ‘que les grandes âmes et les grands cœurs n’étaient rien de plus que le tumulte de…’. Bref, je pensais que vous devait être pragmatique, que la fin justifiait les moyens, etc., et donc, quand Camus a pris cette position, si noble et si belle, je ne l’ai pas compris à l’époque. J’ai eu besoin de quelques années, quelques années, 3 ou 4 ans, pour comprendre la juste profondeur de Camus, même si aujourd’hui je dirais aussi que ‘les grandes âmes et les grands cœurs’ sont la chose la plus importante, ce sont les meilleurs au monde », a-t-il rappelé.

« Par conséquent, il y a eu ce premier point et je pense que Camus a été d’une moralité inflexible. Il a été un exemple (…) J’ai un grand respect, une grande admiration et une grande adoration pour Camus », a-t-il ajouté, pour insister sur le fait qu’il a été « un exemple et un modèle de pensée, mais aussi d’écriture ».

Edgar Morin a été membre de la Résistance française, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique et a reçu plus de trente honoris causa. La cérémonie a également récompensé le photographe algérien Abdo Shanan, Prix Incipiens de soutien à des projets de réflexion journalistique, qui récompense son travail ‘A Little Louder’, dans lequel il raconte la réalité des révoltes en Méditerranée centrées sur l’Algérie.

L’événement a été dirigé par l’actrice minorquine Laura Pons et a eu la participation de la journaliste Rosa María Calaf et la performance musicale de la chanteuse israélienne Noa, avec son inséparable Gil Dor. Il a également servi à inaugurer l’édition 2021 des Trobades Mediterrànies Albert Camus qui se déroulera à Sant Lluís (Minorque) les 19 et 20 juin.

La III édition des Trobades réunira plus de 20 intervenants de différentes disciplines, de différentes parties de la Méditerranée et parmi lesquels se trouveront des écrivains, des plasticiens, des musiciens, des danseurs, des penseurs et des experts.

Comme indiqué par l’organisation, l’édition de cette année élargit son contenu et les disciplines artistiques participantes, avec des contributions au dialogue méditerranéen d’intervenants de différentes régions de la région comme le Maroc, l’Algérie, Israël, la Palestine, la France ou l’Espagne.

Le thème central des débats sera « Le Dialogue » et il comportera la participation d’écrivains et de penseurs tels que Hourya Benthouami (Maroc), Najat El Hachmi (Espagne-Maroc), Josep María Esquirol (Espagne), Nathalie Handal (France -USA- Palestine), Nuccio Ordine (Italie), Carme Riera (Espagne) et Camille de Toledo (France).

L’affiche est complétée par des artistes tels que Germanine Acogny (Sénégal-France), Alejandro Castellote (Espagne), Jon Cazenave (Espagne), Aïda Colmenero (Espagne), Luis González Palma (Guatemala), Amie Mbye (Norvège/Gambie), Noa (Israël) et María Pagès (Espagne), ainsi que des scientifiques comme Alicia Sintes, experte en ondes gravitationnelles ; des journalistes comme Mustapha Benfodil (Algérie), Sophie Dufau (France) ou l’Espagnole Rosa Maria Calaf ; ou des experts comme Anne Prouteau, actuelle présidente de la Société des études camussiennes.

Les Trobades et leurs débats réguliers auront lieu dans l’emblématique salle Albert Camus Polivalent de Sant Lluís, à partir de 10h00. Le samedi 19 juin, il est également prévu que le public et les invités se rendront sur l’île de Lazareto pour profiter de la performance chorégraphique ‘El Quitador de Fears’, spécialement adaptée pour les Trobades. La performance sera confiée à Amie Mbye, danseuse et enseignante spécialisée en danses afro-modernes et urbaines, sous la direction d’Aïda Colmenero Dïaz, chorégraphe, danseuse et créatrice, entre autres, du projet Ella poema.

« La pandémie nous a laissé encore plus orphelins des certitudes, en même temps qu’elle nous a rendus plus conscients de la fragilité qui nous entoure. Cette somme, sans aucun doute, a accéléré notre envie de comprendre », affirment les organisateurs de la Trobades & Premis Mediterranis Albert Camus.

Pour cette raison, ils sont « convaincus que l’héritage d’Albert Camus peut nous aider dans cette recherche de réponses à certaines des questions qui nous hantent, c’est pourquoi nous nous sommes fixés une seule mission : être, de Minorque, des facilitateurs, de la lumière qui se projette dans la tempête, point de rencontre des voix critiques des deux rives de la Méditerranée ».

2021, « UNE ANNÉE DE RÉSILIENCE »

Dans la première édition, qui a eu lieu en 2017, la devise choisie était le retour sur l’île, le retour aux origines puisqu’Albert Camus est ainsi revenu sur l’île de sa grand-mère, Minorque, une île qu’il ne connaissait pas. Dans sa deuxième édition, les Trobades de 2019 s’articulaient autour du signe de Prométhée pour s’engager sur les chemins de la rébellion selon Camus, l’un de ses concepts clés, celui qui occupe une place centrale dans le triptyque qu’il entendait écrire et qui comprenait ‘ Le mythe de Sisyphe’ (absurde), ‘Le mythe de Prométhée’ (rébellion) et ‘Le mythe de Némésis’.

« Dans une année de résilience comme celle-ci pour tout projet qui cherche à rétablir les liens communautaires en temps de pandémie, nous souhaitons engager notre public et nos invités dans la réflexion autour de l’idée suivante de Camus : ‘Il n’y a pas de vie sans dialogue ‘ », soulignent-ils depuis l’organisation. Cette phrase fait partie de la conférence intitulée « Le témoin de la liberté », prononcée par Albert Camus dans la salle Pleyel à Paris, le 13 décembre 1948.

Cette édition des Trobades & Premis Mediterranis Albert Camus tentera donc d’ouvrir le dialogue et de maintenir la continuité avec les éditions précédentes, avec le même format de débat, dans un carrefour d’invités d’horizons multiples.

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