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Une exposition sur la prostitution, vue par une prostituée

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« Splendeur et Misère » – tel est le nom de l’exposition qui vient de se terminer au Musée d’Orsay. Elle a attiré plus de 135.000 visiteurs avec sa promesse de nous retracer la façon dont les artistes français et étrangers ont été inspirés par la prostitution au 19ème siècle. J’ai pu visiter la galerie avec Samantha, une femme transgenre de 41 ans travaillant au Bois de Boulogne comme prostituée depuis plus de 25 ans.

Une lumière rouge tamisée flotte dans les salles quand on entre dans l’exposition. Les murs sont recouverts de satin brillant, et des cadres de couleur d’or présentent les œuvres de Manet, Degas et autres peintres impressionnistes reconnus. La première toile représente une scène au Moulin Rouge en 1895. Toulouse-Lautrec nous plonge dans un monde au sein duquel les filles portent des corsets bien lacés et des robes extravagantes. Les hommes rodent autour d’elles en queue-de-pie et chapeau.

« Cette scène vous fait-elle penser à votre travail ? ». Samantha fait signe que non de la tête. « Pas du tout. Ici on voit  le haut de gamme de la prostitution, celle qui avait lieu dans les maisons célèbres. Les filles gagnaient très bien leur vie. Pour moi c’était pareil au début, j’ai porté des chaussures Chanel, des sacs Gucci. Chaque week-end, on faisait des heures de shopping, j’achetais tout ce que je voulais». Son visage rayonne de joie quand elle raconte cela.

Devant « Olympia » de Monet, une œuvre qui représente une belle fille allongée nue, Samantha commence à nous expliquer son parcours atypique. «Je suis née homme et devenue femme. Mais je l’ai toujours su. A partir de l’adolescence j’ai porté des vêtements de fille et les talons de ma mère. Un jour j’ai vu un reportage sur les drag-queens à la télé et je me suis dit : il faut que je fasse ça ! C’est ainsi que la prostitution est devenue une source financière pour me faire opérer. Maintenant je suis aussi ravissante qu’elle. » Elle montre le tableau et rit.

On avance et Samantha s’arrête devant un dessin représentant une scène différente des précédentes. Nous regardons une fille dans la rue, il pleut. Son regard est vide et sinistre. « Ça, c’est l’autre extrême, la prostitution en masse. On les appelle les marcheuses. Elles travaillaient en extérieur et à la chaine. Elles avaient 40 à 50 clients par jours. Heureusement, aujourd’hui, tout est beaucoup plus propre. Il y a des contrôles de santé gratuits et bien sûr les préservatifs. Mais ce n’est plus la vie de château, on gagne peu.»

Samantha ressent une certaine empathie quand elle contemple son reflet d’antan dans ce tableau. Est-elle sincèrement contente dans son travail ? « Je me suis toujours dit : quand je voudrais arrêter, j’arrêterais. Mais jusqu’à maintenant, ça va. Evidemment il y a des parties qui ne me plaisent pas, comme dans tous les métiers. J’ai déjà connu des hommes violents qui m’ont attaquée, ça fait peur. Mais la plupart du temps, j’aime bien, surtout les liens qu’on crée avec les clients. Je suis devenue conseillère matrimoniale pour quelques-uns. » Elle rit à nouveau en sortant de l’exposition. Avec Samantha, le sens du titre « Splendeur et Misère » est devenu évident.

Tessa Clara Walther

 

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