La romancière britannique Bernardine Evaristo, lauréate du Booker Prize en 2019, vient de lancer “Black Britain : Writing Back” au sein du géant Penguin Random House. Son but : donner de la visibilité à des auteurs noirs du XXe siècle, dont elle estime qu’ils ont été injustement ignorés ou oubliés.
“Nous apprécions plus profondément la littérature quand nous comprenons sur quelles fondations vient écrire chaque nouvelle génération. Or le corpus de la littérature noire britannique a été à ce point absent de l’enseignement à l’école et à l’université, à ce point oublié par les adaptations sur le petit écran comme sur le grand, et à ce point négligé par la presse critique et l’analyse universitaire que c’est comme si chaque nouvelle parution surgissait du néant.”
C’est forte de cette conviction (exposée fin janvier dans The Guardian) d’une insuffisante mise en valeur des auteurs noirs au Royaume-Uni que la romancière britannique Bernardine Evaristo vient de lancer une nouvelle collection de livres. Logée chez l’éditeur Hamish Hamilton (une succursale du géant Penguin Random House) et intitulée “Black Britain : Writing Back”, celle-ci est entièrement consacrée la réédition d’“ouvrages oubliés ou difficiles à trouver, écrits par des auteurs noirs qui ont raconté la Grande-Bretagne noire et sa diaspora au fil du siècle qui vient de s’écouler”, rapportait quelques semaines plus tôt un autre article du Guardian.
Bernardine Evaristo a été récompensée en 2019 par le prestigieux Booker Prize – également attribué, cette année-là, à la Canadienne Margaret Atwood – pour son roman Fille, femme, autre (aux éditions Globe). Poétesse, écrivaine et critique littéraire, elle est également vice-présidente de la Royal Society of Litterature et professeure de création littéraire à l’université Brunel de Londres.
C’est donc en tant qu’auteure reconnue, mais aussi que lectrice avisée, qu’Evaristo a donné le coup d’envoi de sa collection le 4 février. Son projet, tel qu’elle le résume, consiste à “corriger les biais historiques de l’édition en Grande-Bretagne en mettant en circulation des trésors de productions littéraires perdues”.
Genres très variés
L’idée de redonner leur chance à des auteurs méconnus avait germé dans l’esprit d’Evaristo début 2020, au fil de conversations avec son éditeur. Puis les mobilisations consécutives à la mort de George Floyd aux États-Unis, ainsi que le regain d’intérêt constaté au Royaume-Uni pour des livres comme Le racisme est un problème de Blancs, de Reni Eddo Lodge, paru en 2017, ont convaincu Evaristo que monter une collection avait du sens :
Il y a eu une prise de conscience : il existe autour de nous une foule de récits, produits par une foule de communautés, qui méritent d’être lus.”
Les six titres choisis par Evaristo pour lancer “Black Britain” appartiennent à des genres très variés, de la fiction historique au drame psychologique, en passant par le thriller. Quatre d’entre eux ont été publiés dans les années 1990.
Le facteur marketing
C’est le cas du roman de Nicola Williams Without Prejudice (non traduit en français). L’auteure s’était inspirée pour l’écrire de sa carrière d’avocate. Elle raconte aujourd’hui son expérience avec le milieu de l’édition de l’époque : “Il y avait cette idée que l’écriture noire était une niche, que seuls les lecteurs noirs liraient des auteurs noirs. Et il y avait même des gens pour penser que les Noirs ne lisaient pas – que des histoires universelles puissent écrites par des auteurs noirs n’était pas concevable.”
Comme le souligne The Guardian, le déficit de visibilité des auteurs noirs dans la littérature britannique est dû à une multitude de facteurs, qu’il convient d’identifier et analyser. Pour Evaristo :
Le marketing en fait partie. Je ne sais pas si ces livres ont été bien accompagnés. Sans doute pas.”