Viols sur mineurs : le tout début d’un long combat

Viols sur mineurs : le tout début d’un long combat

Jour après jour, les chiffres prennent des visages et des noms. Après l’affaire Kouchner-Duhamel, ce sont désormais les dossiers Berry et Pulvar qui s’étalent sur la place publique, observe le quotidien belge Le Soir, qui prévient : cette prise de conscience collective n’est qu’une première étape.

Ce n’est plus seulement une secousse. C’est un tremblement de terre. Plus seulement des témoignages qui se répandent. C’est un geyser qui jaillit des profondeurs des mémoires meurtries.

Dans la foulée du livre de Camille Kouchner, la France prend de plein fouet la violence et l’ampleur des crimes sexuels pédophiles. Jusque-là, ce n’étaient que des statistiques. Mais jour après jour, les chiffres prennent des visages et des noms. Après l’affaire Kouchner-Duhamel, ce sont désormais les dossiers Berry et Pulvar qui s’étalent sur la place publique. Avec eux, les chiffres que l’on voulait croire biaisés tant ils paraissaient énormes deviennent soudain affreusement crédibles : une personne sur dix subit des agressions sexuelles pendant son enfance.

Comme l’a révélé avec force l’ancienne journaliste Audrey Pulvar sur France Inter ce lundi, la “libération” de la parole est un mot mal choisi. Il n’y a ni “joie” ni “légèreté” quand, après des années de fardeau, on se déleste d’un poids si lourd qu’il a déjà détruit de si longues années de vie.

L’ampleur du phénomène oblige à réagir. En France comme ailleurs. Il n’est souvent pas bon de légiférer sous l’émotion d’une affaire particulière. La répulsion qu’inspire un fait divers, si atroce soit-il, est mauvaise conseillère. Ce n’est pas le cas cette fois. Car il ne s’agit pas d’une affaire. Mais d’un fléau déjà ancien que l’actualité exhume. Le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, a annoncé l’établissement prochain d’un âge de consentement pour les relations sexuelles. En dessous de 15 ans, tout acte de pénétration par un majeur sera considéré comme un viol. Ce seuil pourrait être fixé à 18 ans dans les cas d’inceste.

En Belgique, avant 14 ans, toute relation sexuelle est un viol présumé. Mais en France, un âge du consentement était réclamé de longue date par les associations de défense des victimes. C’est un acquis, même si la prescription restera fixée à trente ans. Mais ce n’est pas suffisant.

Ce qu’il faut, ce n’est pas seulement écouter les victimes et leur permettre d’obtenir réparation. Comme le dit avec force Audrey Pulvar, ce qu’il faut, c’est que cela n’arrive plus. “Qu’on ne viole plus !” La députée Clémentine Autain, elle-même victime d’abus, ne dit pas autre chose : “Il manque maintenant l’accompagnement politique.”

Les viols ne concernent pas que la justice. Ils sont l’affaire de l’ensemble de la société. Il s’agit de prévention. De formation dans les écoles. De climat ambiant. De moyens pour les policiers. Et d’aide aux associations qui les accompagnent.

Le séisme qui secoue la France n’est pas un aboutissement. À toute chose traumatisme est bon et celui-ci aura produit un déclic salutaire. Mais nous n’en sommes qu’au début et le combat, multiforme, durera des années.

Joëlle Meskens

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