À partir de 2024, pour pouvoir bénéficier des faramineux contrats promis par Mohammed ben Salmane en Arabie Saoudite, les entreprises internationales devront y avoir leur siège régional. La presse saoudienne ne cache pas le but implicite de l’annonce : remplir les bureaux du Kafd, le nouveau quartier d’affaires en construction à Riyad.
“Le centre financier, pierre angulaire de l’ambition économique mondiale pour Riyad”, titre en première page, ce mardi 16 février, Al-Riyadh, le grand journal de la capitale saoudienne, avec en fond l’aube qui se lève sur le King Abdullah Financial District, ou Kafd. Ce quartier des affaires, lancé en 2011 et toujours en construction à Riyad, doit être “le fer de lance pour placer la ville parmi des dix premières de l’économie mondiale”, selon le journal.
Et pour assurer le succès de l’opération, une nouvelle mesure s’étale sur le même aplat de couleur : “Avoir leur siège régional dans le royaume, condition pour les entreprises étrangères qui veulent signer des contrats.”
En effet, à partir de 2024, “il n’y aura plus de contrats gouvernementaux avec des [entreprises] qui n’ont pas transféré au royaume saoudien leur siège régional pour le Moyen-Orient”, titre le quotidien Okaz, qui se félicite d’une “‘saoudisation’ des affaires des entreprises étrangères”. Cela “créera des dizaines de milliers d’emplois”, assurera “le transfert de compétences aux jeunes Saoudiens” et “renforcera l’économie” et la compétitivité du pays.
Comme pour atténuer quelque peu cette annonce, le ministre des Finances, Mohamed Al-Jadaan, précise que “les entreprises qui refusent de s’y plier pourront toujours travailler avec les entreprises privées du pays”, note le journal économique saoudien Al-Eqtisadiah.
Mais compte tenu de la faiblesse relative du secteur privé, cela est une maigre consolation. Car le levier de Riyad, ce sont d’évidence les énormes moyens financiers des “agences, institutions et fonds détenus par le gouvernement”, qui sont les “entités les plus puissantes du pays”, souligne le Financial Times. À savoir la compagnie pétrolière Aramco, le fonds d’investissement étatique, riche de 400 milliards de dollars, ainsi que les ministères.
“La mesure sera difficile à appliquer”, explique le journal, qui cite une source anonyme. D’autant que le terme de “siège régional” est moins précis qu’il n’y paraît. Mais ces annonces constituent “probablement une tactique qui consiste à faire peur aux entreprises” pour qu’elles prennent les devants.
Malgré les mauvais souvenirs de l’affaire Khashoggi, journaliste sauvagement assassiné dans le consulat saoudien d’Istanbul, et malgré les méthodes expéditives employées contre des hommes d’affaires saoudiens accusés de corruption, détenus sans procès et délestés de leurs avoirs, les milliards de dollars de dépenses promises par Mohammed ben Salmane font leur effet.
Fin janvier, les autorités ont déjà annoncé que “vingt-quatre multinationales se sont engagées à installer leur siège régional à Riyad”. De même, “Google, Alibaba et Amazon ont renforcé leur présence dans le pays”, rappelait déjà le Financial Times.
Cette nouvelle mesure sonne le début d’une “compétition sous stéroïdes” entre les six pétromonarchies du Golfe, souligne pour sa part l’agence américaine Bloomberg. “C’est surtout un défi direct lancé à Dubaï”, aux Émirats arabes unis, qui restent la destination préférée des investisseurs pour implanter leurs bureaux dans le Golfe :
Le clinquant émirat Dubaï conserve une série d’avantages par rapport aux Saoudiens. [Mais] les émirats suivent de près le desserrement des contraintes sociales entrepris par Mohammed ben Salmane. En réponse, ils vont déjà plus loin pour renforcer leur attractivité aux yeux des entreprises étrangères et des expatriés en décriminalisant la cohabitation entre couples non mariés, […] et en allégeant les contraintes pour avoir le droit de consommer de l’alcool.”