Pour sa gestion de la pandémie, la France obtient un 5/10

Pour sa gestion de la pandémie, la France obtient un 5/10

Comment la France s’est-elle tirée de la crise sanitaire, en comparaison des pays du même type ? Macron a-t-il su mener sa “guerre contre le Covid” ? Où la France a-t-elle commis des erreurs ? Qu’a-t-elle fait de bien ? Douze mois après le premier confinement, un observateur britannique établit un bulletin de notes.

Il y a douze mois, le président Emmanuel Macron déclarait la guerre au Covid-19. Plusieurs mots sont aussitôt entrés dans notre quotidien : confinement*, attestation*, télétravail*, gestes barrières*.

Au moment où Macron faisait son discours télévisé, qui allait plonger le pays dans le confinement, la France dénombrait 148 décès dus au virus. On recensait 6 633 cas confirmés.

Un an plus tard, le bilan est de 90 762 morts, et il continue à augmenter, d’environ 300 par jour. On a signalé plus de 4 millions de cas. Le pays a été confiné deux fois et a vécu pendant une année entière sous divers niveaux de couvre-feu. Des confinements sont imposés le week-end dans le Nord et le grand Sud. La région parisienne pourrait être de nouveau confinée totalement ou seulement le week-end. Des éléments essentiels du mode de vie* français ont disparu. Vous vous souvenez des bises*, des poignées de main, des restaurants, des cinémas, des théâtres, des bars ?

Le monde entier a subi des perturbations et dû consentir à des sacrifices. Comment la France s’en est-elle tirée en comparaison de pays du même type ? Macron et la France ont-ils su mener leur “guerre contre le Covid” ? Où la France a-t-elle commis des erreurs ? Qu’a-t-elle fait de bien ? Qu’est-ce que cette pandémie nous a enseigné sur les forces et les faiblesses d’un pays qui s’enorgueillit de son service public (qui lui coûte une fortune) ?

Je vais diviser l’année écoulée en quatre parties.

Première partie : le premier confinement, de mars à mai. Score 5/10

Quand il s’est agi des tests et des masques, la France a fait preuve d’une lenteur coupable (et son gouvernement ne s’est pas toujours révélé d’une grande honnêteté dans ses déclarations). Les autorités ont dit (et répété) qu’elles devaient se ranger à l’avis des scientifiques. Lequel changeait tout le temps.

L’administration, elle, s’est montrée rigoureuse et capable quand il a fallu mettre en place un système de travail à temps partiel assisté par l’État. Le modèle français a été largement copié, en particulier en Grande-Bretagne.

Dans l’ensemble, le confinement a été respecté – et il a été efficace. Le nombre de décès est resté faible par rapport à d’autres pays. Le système de santé a absorbé le choc.

Deuxième partie : un été optimiste, de juin à septembre. Score 5/10

Nous avons cru que c’était fini. Nous savons désormais que ce n’était pas le cas. Le pays s’est relâché trop tôt. Le gouvernement a cédé à la complaisance. Résultat, nous avons eu droit à la…

Troisième partie : un deuxième confinement, de fin octobre à mi-décembre. Score 7/10

Les autorités (qui continuent à suivre les recommandations des scientifiques) imposent rapidement un deuxième confinement – moins exhaustif que le premier, cependant. Les écoles restent ouvertes. Grâce à cette mesure, pendant une période, en décembre et janvier, la France affiche les meilleurs chiffres de la pandémie en Europe.

Quatrième partie : variants, couvre-feux et lancement de la campagne de vaccination, de janvier à mars 2021. Score 3/10

Pendant six semaines, voire plus, la campagne française de vaccination a été une honte. Elle vient enfin de prendre son essor. Mais pourquoi a-t-il fallu tant de temps ? Les problèmes liés à la chaîne logistique de l’Union européenne n’expliquent pas tout. Pendant des semaines, la France n’a utilisé que la moitié des doses qu’elle a reçues.

À la fin du mois de janvier, Macron s’est vanté de ne pas suivre les recommandations des spécialistes sur ce dossier. Il avait été averti que le variant britannique du Covid risquait de déclencher une explosion de cas en mars ou en avril. Quoi qu’il en soit, il a fait fi des pressions en faveur d’un troisième confinement*. Au lieu de cela, nous nous sommes retrouvés avec un couvre-feu à 18 heures et des confinements locaux le week-end.

Des semaines durant, on a pu croire que le président avait vu juste. Aujourd’hui, le nombre de cas, y compris graves, croissant rapidement, il semblerait bien qu’il ait commis une erreur. Nous ne tarderons pas à le savoir.

Moyenne sur l’année : 5/10. Peut mieux faire.

Par rapport aux grands pays industrialisés avec lesquels il est a priori raisonnable de la comparer, la France a un bilan qui se situe en milieu de tableau. Sachant qu’elle consacre chaque année une si grande quantité de ses ressources aux services publics (54 % en temps normal, 62,8 % l’an dernier), il n’y a pas de quoi pavoiser.

En termes de décès, la France s’en est mieux sortie que la Grande-Bretagne, l’Italie, l’Espagne, la Belgique ou les Pays-Bas. En termes de système de santé et de soutien économique, elle a fait mieux que les États-Unis. Son programme de vaccination – le 17e du monde jusqu’à la semaine dernière – a été une calamité enrobée de mystère.

Une administration plus efficace que sa réputation

On a coutume, pour expliquer les piètres prestations de la France dans le domaine des vaccins, des masques et des tests, de dire que l’administration du pays est d’une extrême lourdeur, lente à réagir aux nouveaux défis. Et pourtant, le système de soutien économique aux personnes et aux entreprises a été créé du jour au lendemain et mis en place avec efficacité. Ce qui fait que la France, pour l’instant, a été moins durement touchée sur le plan économique que la Grande-Bretagne.

La batterie d’attestations*, ces autorisations à remplir soi-même pour pouvoir faire ses courses ou se promener, est typiquement française. Et malgré tout, ça a fonctionné, en France.

Il y a selon moi autre chose que la France a su faire (avis que certains ne partageront peut-être pas), et c’est d’avoir permis aux écoles de rester ouvertes après la fin du premier confinement en mai. Cela a nécessité d’énormes efforts, et une prise de risque de la part du corps enseignant, parfois décrié dans le pays. Ses représentants méritent d’être salués plus qu’ils ne l’ont été.

Quelques explications pour le fiasco des vaccins

Oui, mais il y a les vaccins… Comment la France, le pays qui a inventé le vaccin, a-t-elle pu se tromper à ce point, et aussi longtemps ?

En partie parce que le gouvernement, je pense, a été poussé à tort à adopter une approche poussive, méthodique par les sondages, qui, à la fin de l’année dernière, montraient que quatre Français seulement sur dix étaient prêts à se faire vacciner contre le virus à l’origine de la pire pandémie depuis un siècle.

En partie parce que le président Macron a dérivé, je crois.

Peut-être que sa propre expérience du Covid-19, à Noël, l’a affecté plus durement qu’on ne nous l’a dit. Peut-être a-t-il été exaspéré par le fiasco (jusqu’à présent) des programmes nationaux de développement de vaccins. Tout comme le Premier ministre Jean Castex et le ministre de la Santé Olivier Véran, il ne s’est rendu que trop tard à l’évidence. Le pays avait besoin de bonnes nouvelles. Il avait besoin de croire que cette histoire sans fin en aurait quand même une un jour.

La réussite d’un programme de vaccination national aurait constitué la nouvelle espérée. Il aurait fallu nommer quelqu’un à la tête de ce programme, avec pour mission de contraindre tous les intérêts et sources d’idées concurrents – médecins, pharmacies, centres de vaccination, administration de la santé publique, conseils municipaux – à avancer dans la même direction.

Les manquements du programme européen de distribution des vaccins ont rendu impossible un succès insolent comme celui de la Grande-Bretagne. Malgré tout, on aurait pu faire bien plus, et c’est d’ailleurs ce qui se passe maintenant. La semaine dernière — avant que se fassent jour les inquiétudes au sujet d’AstraZeneca –, plus de 1,6 million de doses ont été livrées à la France, par rapport à 5,7 millions au cours des dix semaines précédentes. Les soucis liés aux effets secondaires du vaccin d’AstraZeneca – s’ils sont exagérés et temporaires – risquent de nouveau de ralentir le programme.

Le risque d’une très longue guerre

Alors que la première année de la guerre contre le Covid prend fin, la France se retrouve emportée dans une course effrayante entre un programme de vaccination qui accélère, mais reste fragile, et une épidémie galopante, qui menace une fois de plus Paris, ainsi que des régions dans le Sud et le Nord.

Le programme de vaccination a déjà considérablement réduit les décès dans les rangs des personnes très âgées. S’il est possible d’endiguer le nombre de cas graves et de morts jusqu’à ce que l’effet des vaccins soit constatable, Macron pourra peut-être faire oublier sa curieuse double décision de la fin janvier : d’abord, ignorer les problèmes de la campagne de vaccination, et ensuite, refuser un troisième confinement.

Mais si le nombre de morts et de cas échappe à tout contrôle et qu’un troisième confinement tardif devient inévitable – au moment même où la Grande-Bretagne se déconfine progressivement –, la France et Macron vont se trouver dans l’embarras. Car ils auront perdu la première phase de ce qui risque fort d’être une très longue guerre.

* En français dans le texte.

John Lichfield

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