Le prix Pritzker aux Français Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal : la flamboyance attendra

Le prix Pritzker aux Français Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal : la flamboyance attendra

Les deux Français ont reçu le 16 mars le prix Pritzker d’architecture, l’équivalent du prix Nobel de la discipline. Une récompense méritée, selon la presse internationale, qui salue leur approche humaniste et écologique.

“Autrefois réservé à de flamboyants architectes, créateurs d’édifices emblématiques, le prix Pritzker vient d’être attribué à Lacaton & Vassal, dont le cri de ralliement est : ‘Ne jamais démolir, ne jamais enlever – toujours ajouter, transformer et réutiliser’”, écrit le critique Oliver Wainwright dans The Guardian. Le 16 mars, le duo français Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal s’est vu décerner le prix Pritzker, la récompense la plus prestigieuse en matière d’architecture. Le quotidien britannique est l’un des nombreux titres de la presse étrangère à relayer et commenter la nouvelle.

Installé à Montreuil, le tandem est l’auteur de quelques bâtiments célèbres : le Palais de Tokyo (Paris), la Frac de Dunkerque, l’école d’architecture de Nantes. Mais, signe que le jury du prix Pritzker est en train de tourner la page des starchitectes, c’est davantage pour leur philosophie de l’architecture, imprégnant quantité de réalisations moins spectaculaires quoique remarquées, qu’Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal ont été distingués. “Ils n’ont jamais démoli un bâtiment pour en construire un autre”, souligne la journaliste Robin Pogrebin dans The New York Times.

Des architectes de la libération

Le quotidien américain cite en exemple les logements sociaux que les deux architectes ont réhabilités, avec Frédéric Druot, en 2011, dans la tour Bois-le-Prêtre, dans le XVIIe arrondissement de Paris, “en agrandissant les surfaces pour proposer des pièces plus vastes, des balcons et des jardins d’hiver”. En 2017, avec Frédéric Druot et Christophe Hutin, ils ont de même “réussi à transformer et agrandir 350 appartements dans le quartier bordelais du Grand Parc sans que les résidents soient obligés de quitter leur logis”.

Dans un petit billet joliment tourné, Gerhard Matzig, le critique d’architecture de la Süddeutsche Zeitung, salue l’approche “libératrice” et “humaniste” d’Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal, particulièrement salutaire en cette époque de flambée immobilière dans les grandes villes. La crise sanitaire, qui a obligé les gens à vivre confinés “dans des unités d’habitation standardisées, mal construites et calibrées au millimètre près”, ne fait que renforcer la pertinence de leur travail, assure le journaliste bavarois :

Ils ne construisent pas des logements sociaux, mais des logements à prix accessible conçus non comme des espaces de survie, mais des espaces de vie.”

De même, à une époque où il est de bon ton de raser tout sous prétexte de construire des bâtiments moins énergivores, sans tenir compte du coût énergétique de la démolition-reconstruction, l’obstination du duo à “préserver et convertir” doit être applaudie, ajoute le critique allemand :

Les bâtiments de Lacaton & Vassal offrent l’apparence d’une incroyable simplicité. Ils sont pourtant pleins de complexité et fourmillent de possibles. Ce que le duo construit est l’exact contraire du design. Cela relève davantage de l’art de l’espace. Et donc de l’architecture avec un grand A.”

Marie Bélœil

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