Les écoles en France sont fermées depuis le 16 mars. Pour les enseignants de première et deuxième année, une profession composée à 70% de femmes, qui n’empêche en aucun cas de cesser d’enseigner. Nous nous sommes entretenu avec plusieurs enseignants dont l’objectif est de maintenir une continuité pédagogique.

Pour Émilie, enseignante à Châtillon dans les Hautes-Seine, la première semaine de fermeture des écoles a été un peu « chaotique ». En tant que mère de jumeaux de 27 mois à la maison, elle a dû établir une gestion du temps très serrée afin de s’adapter.

« J’ai dû m’adapter à ce nouveau contexte pénible et qu’il était également juste pour mon partenaire », explique-t-il. Pour sa première année de 24 élèves, elle a organisé des cours virtuels pendant les siestes de ses enfants et tard le soir. Son objectif : « maintenir une routine de classe » pour ses élèves en train d’apprendre à lire et à écrire.

Comme les autres professeurs, Émilie a dû innover pour ses cours à distance. Encore plus avec la saturation des plateformes en ligne et des espaces de travail numériques.

« C’était stressant », confirme Angeline, professeur de sciences de la vie et de la terre (SVT) dans un lycée privé du Val-d’Oise. Pour son sujet, le travail pratique est essentiel, donc « faire face au manque d’interactivité n’était pas si facile ».

Il a donc choisi de tenir des séances par visioconférence, mais ayant entre 29 et 35 étudiants, il n’était pas facile de maintenir l’attention et le rythme. « C’est vraiment dans ces milieux que l’on se rend compte de l’importance de la relation entre l’enseignant et l’élève », explique cet enseignant qui pratique depuis plus de 30 ans.

Une relation qui est également essentielle pour Julie, enseignante depuis cinq ans dans un institut médico-éducatif (IME), un centre spécialisé dans la prise en charge des enfants handicapés mentaux. Pour leur groupe de 12 étudiants, il a fallu réagir rapidement pour assurer la continuité de l’accompagnement pédagogique. Ce n’est pas une tâche facile pour les jeunes dont l’apprentissage nécessite une adaptation systématique. « C’était brutal, j’ai dû faire beaucoup de jetons pour les parents. Nous leur demandons de nous remplacer et ce n’est vraiment pas facile », dit-il.

Rassurez les parents

Pour Julie, l’essence de son travail est de « rassurer les parents ». Pour cela, la communication par mail et par téléphone est constante. En effet, pour beaucoup, l’école à domicile est synonyme de stress. « L’une des mères m’a envoyé de nombreux courriels parce que sa fille lui a dit qu’elle ne comprenait pas quand elle a expliqué », explique Sophie, enseignante dans une école élémentaire, membre du Priority Education Network (REP).

« C’est une mère qui vit seule avec ses deux filles », explique-t-elle. Dans la plupart des cas, l’essentiel était d’essayer de ne pas surcharger les parents et de faire des revues. « Il m’a semblé fou de demander aux parents d’enseigner aux élèves de nouveaux concepts », explique Sophie.

Dans l’institution où il travaille, il a fallu prêter des outils numériques aux familles qui n’en avaient pas et expliquer également comment les utiliser. En France, une personne sur trois ne possède pas les compétences numériques de base. Et lorsque les cartes et les explications par téléphone ne suffisaient pas, les parents pouvaient se rendre à l’établissement pour recevoir une formation rapide.

« Notre directeur a envoyé des autorisations exceptionnelles autorisant les déplacements pendant les deux premières semaines. » Initiatives développées par chaque institution en fonction des besoins qui ont été présentés. « Parfois, nous allions chez les frères pour traduire et expliquer les slogans », raconte Sophie. Les enseignants d’un établissement de Montreuil ont fait « des fiches explicatives en 17 langues », explique Émilie.

« Le plus inquiétant, c’est le silence »

Bien que la plupart des étudiants semblent s’être habitués aux cours à distance, il y a encore des jeunes dont les professeurs n’ont pas pu avoir de nouvelles. Le ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer, a rapporté le 31 mars qu’il y avait entre « 5 et 8% » d’abandons scolaires depuis le début de l’accouchement. Un chiffre relativement faible qui n’indique cependant pas le vrai travail des étudiants.

Bien qu’Angéline admette avoir peu d’élèves ayant abandonné les cours, elle souligne que seulement un tiers de son cours assiste régulièrement. « Le problème est que nous n’avons pas eu de nouvelles de ceux qui ne sont pas revenus. Le plus inquiétant, c’est le silence ».

Cette même peur du silence a incité Émilie à faire plus qu’appeler les parents et envoyer des devoirs. Chaque semaine, il insiste pour parler aux étudiants. « Je veux qu’ils me disent comment ils vivent en détention. Je pense toujours au risque de violence domestique », avoue-t-il. Un risque bien réel selon les chiffres publiés le 9 avril par 119. Le numéro d’urgence pour les violences faites aux enfants a vérifié que le nombre d’appels a augmenté de 20% depuis le début de l’accouchement.

« Nous voyons ce que les jeunes vivent dans la maison »

Pour Émilie, enseignante dans un lycée professionnel de Vendée, cette expérience lui a appris « beaucoup » et notamment « comment les jeunes vivent à la maison ». Un avis que partage également l’autre Émilie, enseignante à Châtillon. « J’appelle à la fois les pères et les mères et généralement ils me transmettent aux mères », précise-t-il, précisant que seuls trois ou quatre des 24 parents sont responsables de l’enseignement à domicile.

Selon l’étude réalisée par Harris Interactive le 15 avril 2020, pour la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les hommes et les femmes, Marlène Schiappa, 58% des femmes considèrent qu’elles passent plus de temps que leur partenaire à effectuer des tâches domestiques et éducatives. En 2020, les femmes aussi aimeraient entreprendre et confier une partie des tâches ménagères aux hommes pour avoir plus de temps pour elles.

Maintenant que le président Emmanuel Macron a annoncé la réouverture des cours le 13 mai à partir du 11 mai, Angeline a des doutes.

« Au lycée où je travaille, j’ai des cours pour 37 élèves. Comment prétendez-vous qu’il existe une distance sociale ? ». « J’attends avec impatience les slogans académiques », raconte Émilie, faisant allusion à une « blague ».

Dimanche 19 avril, Édouard Philippe a annoncé que des informations précises seraient données « dans les deux prochaines semaines ». Ces enseignants doivent alors s’armer de patience.

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