Ville touristique par excellence, Paris pouvait encore récemment rougir de ses sanitaires critiqués pour leur manque d’entretien. Aujourd’hui métamorphosées par des entreprises spécialistes en la matière, ces nouvelles toilettes haut de gamme nous promettent monts et merveilles pour quelques dizaines de centimes d’euros.
« C’est de la qualité allemande. » Non, non, ce n’est pas la conclusion de la dernière publicité Volkswagen- qui serait bien en mal d’invoquer cet argument actuellement – mais la description que fait Frédéric Weiss des toilettes de la Gare de l’Est. Le responsable régional France de Sanifair, contacté par téléphone, ne tarie pas d’éloges pour ces sanitaires, adoptant presque l’enthousiasme un peu exagéré de cette vidéo publicitaire publiée sur la page d’accueil du site de l’entreprise.
Le prix à payer de la propreté
Nana m’accueille avec un sourire au comptoir, me rassurant sur ces tourniquets par lesquels le passage semble inévitable. Cela fera 1€. Bien sûr si notre porte-monnaie ne contient que des billets, elle se fera un plaisir de faire le change. En revanche pas question de se débarrasser des petites pièces rouges, « ici ce n’est pas une boulangerie ». Un homme a déjà failli à la première étape et doit rebrousser chemin.
1€, le prix peut paraître excessif pour une envie pressante. « En fait vous ne dépensez que 50 centimes, explique Frédéric Weiss, car le tourniquet vous rend un bon d’achat de 0,50 centimes à dépenser dans certaines boutiques de la gare ». Un raisonnement un peu rapide : s’il est vrai que système fonctionne relativement bien avec la boulangerie Paul juste à côté, le vendeur de The Phone House, un étage plus haut, admet ne voir ces coupons que très rarement.
Les photos sont interdites, mais la publicité est fidèle sur ce point : l’ambiance est au vert. Un clin d’œil à l’engagement écologique de l’entreprise qui utiliserait « certains produits » biodégradables et dont les urinoirs ne nécessiteraient que très peu d’eau ? Les employés laissent planer le doute.
Il faut admettre que la propreté est impeccable. Mary, responsable du site, interrompt d’ailleurs sa visite pour intervenir rapidement dans une cabine, où malgré le système de nettoyage automatique, une cliente a constaté de la saleté. Mais outre cette dimension hygiénique, fondamentale il est vrai, ces toilettes n’ont a priori rien de particulier (« la salle à langer » et la cabine pour personnes handicapées constituant la norme de nos jours).
Une expérience multisensorielle
Direction donc la voie 23 de Gare de Lyon, où 2theloo, grand concurrent de Sanifair sur ce marché, a misé sur la gamme du dessus : les « toilettes-boutiques« . Sur les 80 centimes que coûtent l’entrée, chez 2theloo vous recevez 70 centimes de réduction sur toute sa boutique. Impossible d’éviter ces présentoirs garnis de gadgets en tout genre : savons, papiers toilettes à motifs, éléments de décoration de salle de bain, serviettes hygiéniques mais aussi peluches pour enfants, porte-clés, tatouages éphémères pour les mains, boissons énergétiques et bouteilles de « 2theleau »…
L’entreprise propose une véritable expérience sensorielle. L’éclairage, le design (la décoration des murs évoque un univers différent dans chaque cabine), la musique d’ambiance sur laquelle danser sans que personne ne le soupçonne, et le parfum diffusé à la moindre odeur nauséabonde estompent rapidement le tarif d’entrée. D’autant que l’agent sur place vous accueille avec un enthousiasme exagéré mais contagieux. Difficile de ressortir de cet endroit sans arborer un sourire.
C’est sûrement pour l’excellence de ces services que 2theloo connaît un tel succès à Paris. Une vingtaine de sites sont aujourd’hui gérés par l’entreprise, la plupart dans des gares et des hauts lieux touristiques. Certains soupçonnent par ailleurs un possible rachat de Sanifair Gare de l’Est et des toilettes de la Gare Montparnasse dans les mois à venir.
Pourtant la stratégie d’extension de 2theloo est sujette à certaines polémiques. La reprise des sanitaires de Notre Dame et du Sacré-Cœur, a récemment occupée la une des médias car l’entreprise néerlandaise ne souhaitait pas reprendre les employées y travaillant depuis de nombreuses années. De même, la raréfaction des toilettes gratuites est problématique pour beaucoup de personnes ne pouvant se permettre de payer entre 0,5 et 1€ à chaque passage. Les 400 sanisettes mises en place par la Mairie de Paris ne sauraient être en nombre suffisant.
Marine Giraud
@mrngiraud