L’enquête du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) connu sous le nom de « Pandora Papers » s’est concentrée sur les finances secrètes d’environ 300 fonctionnaires de plus de 90 pays. Mais qu’est-ce qui ne va pas avec les paradis fiscaux ? On vous l’explique.
Des mêmes créateurs il y a cinq ans, la fuite connue sous le nom de « Panama Papers » atteint maintenant la scène internationale « Pandora Papers ». Deux enquêtes différentes, mais avec un objectif et un résultat similaires : exposer comment les riches et les puissants cachent de l’argent d’une manière que les autorités ne peuvent pas détecter.
Les « Panama Papers » ont découvert en 2016 plus de 11 millions de documents du cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca pour montrer que des personnalités du monde entier ont fait appel aux services de ce cabinet, aujourd’hui disparu, pour créer des sociétés offshore prétendument pour échapper à l’impôt.
Dans cette nouvelle enquête, les comptes des présidents et anciens présidents, ministres, juges, maires, hommes politiques, hommes d’affaires et même artistes, ont été pendant des mois sous le contrôle du Consortium international des journalistes d’investigation, qui a eu accès aux données confidentielles de 14 spécialistes entreprises dans les paradis fiscaux.
Les finances de 35 chefs d’État et de 130 milliardaires ont été mises à nu. Mais qu’est-ce qu’une société « offshore » ? Comment fonctionnent les paradis fiscaux ? Est-il légal de créer une société dans un paradis fiscal ? Quelle est la différence avec l’optimisation fiscale ?
Qu’est-ce qu’une entreprise « offshore » ?
Créée de nombreuses fois avec un simple email et installée dans un pays dépourvu d’une supervision bancaire adéquate, une entreprise « offshore » a un objectif principal, qui varie selon qui la fait : gagner de l’argent ou se soustraire à l’impôt.
Ces firmes « fantômes » sont constituées dans un paradis fiscal, parfois aidées par un système d’hommes-écrans, avec lesquels l’investisseur évite de laisser des traces de sa véritable identité.
Avec la création d’un compte bancaire, des produits de toutes sortes comme de l’immobilier, des jets privés ou encore des yachts peuvent être achetés dans la plus grande discrétion.
NOUVEAU: #PandoraPapers révèle le fonctionnement interne d’une économie souterraine qui profite aux riches et aux bien connectés au détriment de tous les autres.
Présenté par l’ICIJ et plus de 600 journalistes, la plus grande collaboration de l’histoire du journalisme. https://t.co/qXMuUcqPc4
– ICIJ (@ICIJorg) 3 octobre 2021
Qu’est-ce qu’un paradis fiscal ?
Les paradis fiscaux existent partout dans le monde et se caractérisent par une fiscalité faible ou nulle et un encadrement faible, ce qui séduit ceux qui cherchent à optimiser au maximum leurs dépenses fiscales.
Certains des plus connus sont le Panama, les îles Vierges britanniques ou le Belize. Il existe également des territoires d’État tels que Hong Kong et Singapour ou des pays européens, avec la Suisse, Chypre et le Luxembourg en tête. Aux États-Unis, le Dakota du Sud, le Nevada et le Delaware sont considérés comme des paradis fiscaux.
L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) estime qu’au moins 27 % de la richesse de l’Amérique latine est détenue à l’étranger, une proportion supérieure à la moyenne de l’Asie (4 %), de l’Europe (11 %) ou des États-Unis (4 %).
Dans un rapport publié cette année, la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC) cite l’économiste Gabriel Zucman pour souligner qu’en 2014, environ 7 600 milliards de dollars ont été investis dans les paradis fiscaux, ce qui équivaut à 8 % de la richesse mondiale des ménages.
Dans le cas de l’Amérique latine, l’expert estime que pour cette année-là il y avait 700 000 millions de dollars dans les paradis fiscaux, ce qui entraîne une perte de revenus due à l’évasion fiscale d’environ 21 000 millions de dollars par an.
Une activité qui n’est pas illégale (non éthique)
L’utilisation de sociétés offshore n’est pas illégale et n’est pas en soi la preuve d’un acte répréhensible. Cependant, les organes de presse qui ont participé à l’enquête ont déclaré que ces transactions pourraient être utilisées pour cacher des richesses aux percepteurs d’impôts et à d’autres autorités.
En fait, la subtilité de ces opérations flirte en permanence avec la légalité, dans ce qu’on appelle l’optimisation fiscale, bien différente du blanchiment et de l’évasion fiscale.
Certaines des personnes nommées dans cette enquête sont sorties pour se défendre, en utilisant précisément cet argument. Par exemple, la chanteuse colombienne Shakira a assuré que les entreprises qu’elle a ouvertes dans les îles Vierges britanniques, révélées par l’enquête, étaient « dûment déclarées » au Trésor espagnol, elles sont donc « totalement transparentes ».
Ils ne pensent pas la même chose que Susana Ruiz, directrice de la politique fiscale d’Oxfam International, a cité ce lundi sur le site Internet de l’organisation : « Les paradis fiscaux coûtent aux gouvernements du monde entier 427 000 millions de dollars chaque année.
Que font les autorités ?
Le débat le plus houleux cette année au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a été précisément l’imposition d’une taxe de 15 % aux multinationales.
L’objectif est de décourager l’utilisation des paradis fiscaux, ainsi que d’adapter la manière dont leurs bénéfices juteux sont alloués pour s’assurer qu’ils sont imposés là où ils opèrent réellement et non là où ils sont constitués.
L’ICIJ a trouvé des liens entre près de 1 000 entreprises dans des paradis offshore et 336 politiciens et fonctionnaires de haut niveau. Plus des deux tiers des entreprises étaient établies dans les îles Vierges britanniques.
Avec Reuters, EFE, AP