Win Htet Oo, un nageur du Myanmar, a décidé de ne pas participer aux Jeux olympiques de Tokyo pour protester contre le régime militaire de son pays. Il a expliqué qu’il refuse de se prêter à cet «exercice de propagande».

Le rêve de Win Htet Oo était de participer aux Jeux Olympiques. Cependant, ce nageur birman a abandonné la compétition à Tokyo. Une décision qui représente une protestation contre la junte militaire qui dirige son pays après le coup d’État du 1er février, affirmant que participer dans ces conditions serait de la «propagande» pour le régime.

En 2019, lors des Jeux d’Asie du Sud-Est, Win Htet Oo a fait un contre-la-montre qui lui a permis d’être sélectionné pour le 50 mètres de nage libre, pouvant potentiellement concourir pour Tokyo.

Mais il y a quelques semaines, alors que les athlètes du monde entier attendaient avec impatience de participer enfin à l’édition 2020, reportée d’un an, le nageur de 26 ans a annoncé sa démission.

« Accepter le MOC (Comité national olympique birman) tel qu’il est actuellement dirigé, c’est reconnaître la légitimité d’un régime meurtrier », a-t-il écrit le 10 avril sur Facebook. « Dans le défilé des nations, je ne marcherai pas sous une bannière imprégnée du sang de mon peuple. »

L’armée a pris le pouvoir en Birmanie le 1er février 2021, lors d’un coup d’État qui a renversé le gouvernement civil de l’ancienne lauréate du prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi. Depuis lors, le pays est plongé dans une crise profonde. Les militaires répriment avec violence les manifestations qui ont lieu presque quotidiennement, organisées pour exiger le retour de la démocratie.

Une femme passe devant une rue éclaboussée de peinture rouge lancée par des manifestants anti-coup d'État lors d'une manifestation à Yangon, au Myanmar, le 6 avril 2021.
Une femme passe devant une rue éclaboussée de peinture rouge lancée par des manifestants anti-coup d’État lors d’une manifestation à Yangon, au Myanmar, le 6 avril 2021. © AP Photo

Un vaste mouvement de désobéissance civile a également vu le jour, paralysant une grande partie de l’économie et des services publics du pays.

Pour Win Htet Oo, abandonner Tokyo était sa façon de participer à ce mouvement.

« Je voulais montrer aux Birmans que les athlètes pouvaient participer au mouvement de désobéissance civile », a-t-il déclaré à l’AFP, s’exprimant depuis Melbourne, en Australie, où il réside. « M’imaginer marchant en souriant derrière mon drapeau, comme si tout allait bien au Myanmar, m’a franchement dégoûté (…) Cela aurait été un exercice de propagande. »

Une demande de compétition sous un drapeau neutre rejetée

La communauté internationale a largement condamné les actions de la junte et de grandes puissances telles que les États-Unis, l’Union européenne et la Grande-Bretagne ont imposé des sanctions contre des militaires de haut rang.

En mars, Win Htet Oo a écrit au Comité international olympique (CIO) pour demander à concourir en tant qu ‘«athlète olympique indépendant» en raison de la violence persistante dans son pays, mais sa demande a été rejetée.

« J’essaie de faire savoir au CIO et à la population en général que le MOC n’est pas un comité olympique légitime et qu’il porte atteinte aux valeurs olympiques », a-t-il déploré.

Le CIO a déclaré à l’AFP que « à notre connaissance », Win Htet Oo n’avait pas encore été sélectionné par l’équipe du Myanmar.

Pour Win Htet Oo, manquer Tokyo 2020, c’est renoncer à un rêve d’enfance, celui qui l’a motivé à s’installer à Melbourne en 2017 pour accélérer sa formation.

Des millions de jeunes au Myanmar ont vu leurs rêves et leurs aspirations s’estomper

Aujourd’hui, il travaille comme professeur de natation dans un immense complexe sportif, où il regarde les athlètes australiens s’entraîner pour les Jeux olympiques et nager longtemps pendant leurs pauses.

Win Htet Oo affirme qu’elle n’a «aucun regret». « Pour moi, ce n’est que le rêve d’une personne d’aller aux Jeux olympiques, mais au Myanmar, il y a des millions de jeunes qui ont vu leurs rêves et leurs aspirations s’estomper », a-t-il déclaré.

Outre les Jeux Olympiques, son autre rêve serait de contribuer à la paix dans les zones de conflit de son pays, en revenant et en popularisant le sport auprès des jeunes.

Alors que le pays se dirige vers «un avenir sombre», Win Htet Oo dit qu’il se sent obligé de se joindre à la mêlée, au grand désarroi de sa famille en Australie.

« Dès que les restrictions de voyage seront levées, je veux retourner au Myanmar pour continuer le combat, si possible », a-t-il dit. « C’est ce à quoi je pense tous les jours. »

Avec l’AFP

Cet article a été adapté de son original en français

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