Londres (AFP) – Mo Farah, roi des pistes d’athlétisme, anobli par la reine d’Angleterre pour ses exploits olympiques, a révélé dans un documentaire être arrivé illégalement en Grande-Bretagne sous une fausse identité, pour y être contraint de travailler comme domestique pour une famille.

« La vérité est que je ne suis pas celui que vous pensez. La plupart des gens me connaissent sous le nom de Mo Farah, mais ce n’est pas la vérité. J’ai été séparé de ma mère et amené illégalement au Royaume-Uni sous le nom de quelqu’un d’autre. Un garçon nommé Mohamed Farah » , explique le quadruple champion olympique dans une interview qui sera diffusée le mercredi 13 juillet sur la ‘BBC’.

Farah, aujourd’hui âgé de 39 ans, raconte dans cette interview avoir reçu le nom de Mohamed Farah d’une femme qui l’a fait venir au Royaume-Uni, expliquant qu’il rejoindrait des parents, de Djibouti, un pays d’Afrique de l’Est, quand j’ai avait neuf ans.

L’athlète, qui a réalisé une double victoire sur 5 000 m/10 000 mètres aux JO de Londres en 2012 et à Rio en 2016, révèle que son vrai nom est Hussein Abdi Kahin. Son père a été tué en Somalie alors qu’il avait quatre ans.

Sa mère et ses deux frères vivent dans la région séparatiste du Somaliland, non reconnue par la communauté internationale.

« Tu ne dis rien »

« La vérité est que je suis né au Somaliland, au nord de la Somalie, sous le nom de Hussein Abdi Kahin. Malgré ce que j’ai dit dans le passé, mes parents n’ont jamais vécu au Royaume-Uni », ajoute Farah.


L'athlète Mo Farah participe à l'épreuve de 3 000 m des championnats du Royaume-Uni le 11 février 2007 à Sheffield
L’athlète Mo Farah participe à l’épreuve de 3 000 m des championnats du Royaume-Uni le 11 février 2007 à Sheffield Andrew YatesAFP/fichiers

Jusqu’à présent, il avait déclaré être né à Mogadiscio, la capitale de la Somalie, et être venu en Grande-Bretagne en 1993 à l’âge de 10 ans avec sa mère et deux de ses frères pour rejoindre son père informaticien.

A son arrivée dans le pays, la femme qui l’accompagnait a pris le papier qui contenait l’adresse de ses proches, « l’a déchiré et l’a jeté à la poubelle », raconte Farah. « A ce moment-là, j’ai réalisé que j’aurais des problèmes. »

Farah, le premier Britannique à remporter quatre titres olympiques en athlétisme, raconte également avoir été obligé de nettoyer la maison et de s’occuper d’autres enfants d’une famille britannique s’il voulait « avoir quelque chose à manger ».

« Si tu veux revoir ta famille un jour, ne dis rien », lui ont-ils dit.

« Plusieurs fois, je m’enfermais dans la salle de bain et je pleurais », a-t-il confié.

Confiance à un enseignant

Un jour, il finit par révéler la vérité à son professeur d’éducation physique, Alan Watkinson, qui avait remarqué ses sautes d’humeur lorsqu’il était sur la piste. Il est ensuite allé vivre chez la mère d’un « ami » qui « s’est vraiment occupé » de lui.

« Le seul langage qu’il semblait comprendre était celui de l’éducation physique et du sport », explique Alan Watkinson. « La seule chose que je pouvais faire pour sortir de cette situation était de sortir et de courir », dit Farah.

Le professeur a ensuite demandé la citoyenneté britannique pour l’athlète, qui l’a finalement obtenue le 25 juillet 2000.

Les avocats avaient prévenu Mo Farah qu’il risquait de se voir retirer sa nationalité britannique avec ses révélations de « fausse déclaration ».

Mais le champion olympique ne sera pas jugé au Royaume-Uni, a indiqué mardi le Home Office britannique.

« Aucune action en justice ne sera intentée contre Sir Mo Farah et suggérer le contraire est faux », a confirmé à l’AFP un porte-parole du ministère de l’Intérieur.

Farah est retourné en Somalie en 2003 et a ensuite créé une fondation avec sa femme pour construire des puits et fournir de la nourriture et une aide médicale en Afrique.

« Je me suis rendu compte que je ne pouvais pas vivre ici, que si j’étais resté, je ne serais pas l’athlète que je suis », expliquait-il en 2007, un an après son podium international sur piste (argent du 5 000 mètres à les Championnats d’Europe).

Six fois champion du monde, il est devenu une grande vedette en Grande-Bretagne en inscrivant son doublé aux Jeux de Londres en 2012, qu’il a répété quatre ans plus tard à Rio, puis il s’est tourné vers la course sur route, mais avec moins de succès, malgré une victoire au célèbre marathon de Chicago en 2018.

L’athlète explique que ce sont ses quatre enfants qui l’ont poussé à révéler la vérité sur son passé.


L'athlète britannique Mo Farah, avec les deux médailles d'or obtenues aux Jeux olympiques de Rio de Janeiro, en 5 000 et 10 000 mètres, le 20 août 2016
L’athlète britannique Mo Farah, avec les deux médailles d’or obtenues aux Jeux olympiques de Rio de Janeiro, en 5 000 et 10 000 mètres, le 20 août 2016 Eric Feferberg AFP/Archives

« Je l’ai caché si longtemps, c’était difficile, parce que tu ne veux pas l’affronter et souvent mes enfants me posaient des questions (…). Et tu as toujours réponse à tout, mais tu ne l’as pas pour cela », explique-t-il.

« C’est la principale raison pour laquelle je raconte mon histoire maintenant, parce que je veux me sentir comme une personne normale et non comme quelqu’un qui cache quelque chose », dit-il.

Farah, qui a nommé son fils Hussein comme un clin d’œil à sa véritable identité, conclut que « je pense souvent à l’autre Mohamed Farah, le garçon dont j’ai pris l’identité dans cet avion, et j’espère qu’il va bien ».

A lire également