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Éric Zemmour tenté de devenir président de la République

France : Éric Zemmour tenté par la présidentielle

Des soutiens du polémiste condamné pour incitation à la haine lancent un site pour soutenir sa candidature. Il ne dément pas réfléchir à l’Élysée. Ce qui pourrait gêner Marine Le Pen.

Ce n’est encore que l’ébauche d’une plateforme numérique. Un site, baptisé “JesignepourZemmour” qui invite ses partisans à se tenir informés de son actualité. Mais ajouté à la récente couverture de L’Express (“La tentation présidentielle”) ainsi qu’à celle du magazine de la droite dure Valeurs actuelles (“La tentation Zemmour”), le doute n’est plus permis. L’auteur du Suicide français (Albin Michel), vendu en 2014 à près de 500 000 exemplaires et condamné pour provocation à la haine songe sérieusement à se présenter à la présidentielle de l’an prochain.

Interrogé récemment sur la chaîne Paris Première, Éric Zemmour ne s’est pas totalement dévoilé. “Ce n’est pas ici et aujourd’hui que je vais vous le dire”, répondait-il à une question sur ses ambitions. Mais sans nier qu’il se prépare.

Le fait est que le polémiste qui écrit toujours dans Le Figaro et booste surtout l’audience de CNews (900 000 spectateurs pour son émission Face à l’info tous les soirs) consulte et teste l’hypothèse de sa mise sur orbite présidentielle dans les milieux d’extrême droite. Le maire d’Orange, Jacques Bompard, le soutient. Tout comme celui de Béziers, Robert Ménard, qui rêve d’une droite “hors les murs”. Marion Maréchal-Le Pen l’observe aussi.

Un sondage Ifop le crédite d’un potentiel électoral de 13 %. “Non négligeable”, selon l’institut, même si son directeur général adjoint Frédéric Dabi met en garde :

L’audience médiatique ne construit pas forcément une candidature présidentielle”.

Au RN, même pas peur ?

Au Rassemblement national (RN), on est aux aguets, même si Marine Le Pen minimise le danger. “Il y a vouloir et pouvoir. Moi quand j’étais jeune, je voulais être Miss France, a-t-elle confié à ses proches selon l’enquête de L’Express. Mais Zemmour ne s’en cache pas. Il trouve “nulle” et “trop à gauche” la présidente du RN. Et claironne déjà ses idées qui pourraient se muer en programme : l’arrêt de l’immigration, la fin du droit du sol, la préférence nationale pour les allocations familiales, notamment.

Lors des européennes, le parti d’extrême droite lui avait proposé une place sur sa liste. Zemmour avait refusé. De place, Zemmour ne veut que la première.

Au point, s’il devait aller jusqu’au bout de la démarche, de gêner Marine Le Pen ? “Forcément, car ils sont sur le même électorat”, explique Sylvain Crépon, politologue à l’université de Tours et spécialiste de l’extrême droite. “Ils défendent la même thématique identitaire qui va chercher à plaire aux petites classes moyennes. Même si Zemmour attire avec ses livres des lecteurs plus cultivés et draine avec son émission des téléspectateurs plus âgés et plus diplômés, ceux-là auront tendance à se rabattre sur un candidat conservateur classique quand il s’agira de voter.” Quant à l’avantage que Marine Le Pen pourrait tirer de lui dans un éventuel second tour face à Macron, le politiste n’y croit pas davantage :

Serait-il capable d’aller chercher au-delà de l’électorat traditionnel de Marine Le Pen pour lui permettre de rassembler davantage ? Vraisemblablement pas.”

Le politologue Luc Rouban, membre du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) est encore plus sceptique. “L’histoire est pleine de ces candidats de la droite radicale qui, comme Asselineau ou Cheminade, ont tenté leur chance lors d’une présidentielle”, dit-il. “Au maximum, ils ont fait 3 %”, poursuit l’analyste. Qui relève malgré tout une demande d’autorité des Français, dans un contexte où la candidature du général Pierre de Villiers, ancien chef d’État-major des armées, suscite, elle aussi, un certain intérêt. “Mais cette demande d’autorité n’est pas une demande d’autoritarisme”, nuance l’expert.

À ses yeux, il manquerait aussi au profil d’Éric Zemmour des côtés essentiels : “une compétence économique, une stature internationale et un ancrage local”. À l’en croire, Zemmour ne serait ainsi pas en capacité de bouleverser la donne présidentielle. La question ne serait pas de savoir si Marine Le Pen passerait le cap du premier tour, mais seulement de savoir à qui elle serait confrontée au second…

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