Après 10 mois d’audience, la sentence tant attendue du procès historique des attentats du 13 novembre à Paris a été prononcée. Salah Abdeslam, seul membre survivant des commandos islamistes, a été reconnu coupable de « participation à une association criminelle terroriste » et condamné à la prison à vie sans possibilité de libération anticipée.

Dans une salle d’audience bondée, et après 10 mois d’attente, 20 accusés ont été reconnus coupables de tous les chefs d’accusation sauf un, Farid Kharkhach, qui n’avait aucune connaissance du complot. C’est ce qu’a annoncé mercredi le président du tribunal de grande instance de Paris, Jean-Louis Périès, qui a lu le verdict.

Salah Abdeslam, principal accusé dans ce procès pour être le seul rescapé de la cellule terroriste, a été condamné à la réclusion à perpétuité sans possibilité de libération anticipée pour participation à une « association de malfaiteurs terroristes » et pour « meurtre organisé en lien avec une entreprise terroriste ». « .

Mohamed Abrini, un militant belgo-marocain de l’autoproclamé État islamique, a également été condamné à la réclusion à perpétuité, mais avec 22 ans de sûreté, pour « complicité d’assassinat terroriste ». Abrini accompagne les commandos à Paris avant de rentrer en Belgique la veille des attentats du 13 novembre. On suppose qu' »il a renoncé au dernier moment en bouleversant les plans initiaux », a expliqué le président du tribunal.

Oussama Krayem, Sofien Ayari et Mohamed Bakkali ont été condamnés à 30 ans de prison avec une période de sécurité des deux tiers.

Les autres coupables (toujours en vie) ont été condamnés entre 2 et 20 ans de prison.

Le tribunal a également prononcé des peines de prison à perpétuité contre les 6 coaccusés de Salah Abdeslam qui sont présumés morts.



Salah Abdeslam, coupable de meurtre

Salah Abdeslam a écopé de la peine la plus lourde du Code pénal français, ce qui rend sa libération quasiment impossible. Ce n’est qu’après 30 ans de prison qu’Abdeslam pourra demander au tribunal d’exécution de revenir sur cette impossibilité.

Ce n’est que la cinquième fois que la justice française prononce une peine à perpétuité réelle contre un prévenu, les quatre précédentes condamnations ont été prononcées pour des crimes de meurtre ou d’atteintes sexuelles sur mineurs.

Abdeslam avait confié lors du procès que sa mission était de se faire exploser dans un bar du 18e arrondissement de Paris mais qu’après être entré dans les lieux et avoir vu les clients il avait renoncé à le faire par « humanité ».


Croquis de salle d'audience du coaccusé Salah Abdeslam, réalisé le 13 avril 2022, lors du procès pour les attentats du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis.  Croquis de l'audition du coaccusé Salah Abdeslam, réalisée le 13 avril 2022, pour le procès des attentats du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis.
Croquis de salle d’audience du coaccusé Salah Abdeslam, réalisé le 13 avril 2022, lors du procès pour les attentats du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis. Croquis de l’audition du coaccusé Salah Abdeslam, réalisée le 13 avril 2022, pour le procès des attentats du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis. © AFP – Benoît Peyrucq

« S’ils me condamnent pour meurtre, ils commettent une injustice », a déclaré lundi Salah Abdeslam, soutenu par ses avocats qui le décrivent comme un « exécuteur transfuge » qui « n’a pas tué ».

Cependant, les juges n’ont pas cru à cette version des faits car le tribunal a reconnu que le gilet explosif qu’il portait n’était pas fonctionnel.

Salah Abdeslam est emprisonné depuis 6 ans sans voir presque personne et a beaucoup changé pendant les 10 mois de procès. Lui qui s’est d’abord présenté comme un combattant de l’État islamique et a usé de son droit au silence, s’est mis à parler petit à petit au cours des séances, jusqu’à finalement pleurer et demander pardon aux victimes.

« Je vous demande pardon. Je sais que la haine demeure, mais je vous demande aujourd’hui de me haïr avec modération », a-t-il déclaré lors d’une séance.

Des actes terroristes qui ont fait 131 morts

Le 13 novembre 2015, les attentats les plus meurtriers de l’histoire de France ont eu lieu. Il s’agissait d’actes coordonnés dans divers lieux de la capitale et de ses environs.

A Saint-Denis, trois kamikazes se sont fait exploser devant le Stade de France lors du match France-Allemagne, faisant un mort et plusieurs blessés.

Un autre groupe de terroristes a tiré sur des personnes dans des bars et des restaurants des 10e et 11e arrondissements de Paris, où 39 personnes ont été tuées.

Une troisième cellule de trois terroristes est entrée dans la salle de concert du Bataclan, lors d’une performance du groupe de rock Eagles of Death Metal, et a tiré dans le public, tuant 89 personnes à l’intérieur et à l’extérieur de la salle.

Au total, 131 personnes ont perdu la vie et 350 ont été blessées. Les attentats ont été revendiqués par le groupe autoproclamé État islamique.



Un procès d’une ampleur impressionnante et historique

Le procès historique est terminé, même si les accusés ont 10 jours pour faire appel de la décision de la Cour. Au total, l’affaire a réuni 19 prévenus, 2 500 victimes constituées parties civiles, dont 400 qui ont pris la parole lors du procès et leurs 350 avocats ; ainsi que de nombreux journalistes du monde entier. L’ampleur du procès a rendu nécessaire la construction d’une salle séparée dans le Palais de justice pour accueillir quelque 500 personnes et des chambres attenantes ont également été aménagées pour accueillir les victimes, les prévenus, les magistrats et les professionnels de l’information.

C’était aussi historique pour le temps passé à permettre aux victimes de témoigner en détail de leur calvaire et de leurs luttes pour le surmonter, tandis que les familles des personnes tuées racontaient à quel point il était difficile de passer à autre chose.

« Estoy satisfecho con las sentencias y creo que, como muchos, es justo, no hay que exagerar, pedir más pero creo que ahí está, se hizo, respetando las leyes y eso es bueno, » confió Thierry, superviviente del Bataclan, después de la session.

Cependant, des parties d’ombre resteront dans le procès, comme si Salah Abdeslam a décidé de ne pas se faire exploser ou s’il n’a pas pu le faire en raison d’un problème technique. Le choix des lieux des attentats et le moment de ceux-ci n’ont pas non plus pu être expliqués.



Le besoin de justice

Il s’agit d’un procès exceptionnel, car très peu d’affaires impliquant des actes terroristes de cette ampleur ont eu lieu dans d’autres pays. Par exemple, aux États-Unis, la guerre du 11 septembre a été lancée en 2012, mais elle n’a que très peu avancé.

C’était aussi l’occasion de voir comment les accusés djihadistes se comportaient lors d’un procès, certains restant absolument silencieux et d’autres prenant enfin la parole.

Tout au long de la journée, experts et analystes français ont rappelé l’importance de la Justice pour construire un discours de mémoire nationale et aller de l’avant.

« La première réaction, c’est qu’on a le sentiment, après le verdict, qu’on tourne la page. On a eu un long procès, on a ouvert toutes les portes, les magistrats ont remis l’église au milieu de la ville, comme on dit. Je veux dire, ils ont écouté ce qui a été expliqué, ils ont écouté la défense, ils ont écouté l’accusation, ils ont pris une décision qui est une décision motivée », a expliqué Gérard Chemla, avocat agissant au nom des victimes.

Il est maintenant temps de passer à autre chose pour les victimes de ce 13 novembre 2015. « Il y a aussi un peu de peur », le procès « a rempli nos vies ces 10 derniers mois et qu’est-ce qui va le remplacer ? Mais on a surmonté un attentat terroriste, ce sera plus facile de surmonter le vide après le procès », confiait Arthur Denouveaux, lui aussi rescapé de l’attentat de la salle de concert.

Avec l’AFP, Reuters et les médias locaux

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