Cent ans après sa naissance, Astor Piazzolla plus adulé que jamais

Cent ans après sa naissance, Astor Piazzolla plus adulé que jamais

Le grand Astor fait aujourd’hui figure de trésor national en Argentine. Mais ce ne fut pas toujours le cas, rappelle le quotidien El País : de son vivant, le musicien était chahuté, accusé – sacrilège ! – de ne pas respecter les règles du tango.

Pourquoi le génial compositeur et bandonéoniste argentin Astor Piazzolla avait-il la réputation d’avoir mauvais caractère ? À l’occasion du centenaire de sa naissance, ce jeudi 11 mars, El País interroge Laura Escalada, la veuve de Piazzolla. “Mais non, c’était un homme très doux, tendre, d’une grande timidité […]. Nous sortons tous les griffes quand on nous attaque.”

Car, dans son pays natal, le musicien (qui fut à l’origine d’innovations et de jeux sur les codes classiques de son art) était accusé de crime de lèse-tango. “Il se faisait insulter dans la rue. Un jour, un taxi l’a même accusé d’être l’assassin du tango, et il a refusé de le faire monter à bord”, se souvient son épouse. Aujourd’hui, pourtant, Piazzolla est considéré comme un monument national, au même titre que Carlos Gardel.

Son enfance est celle d’un gamin des rues, rappelle El País. Il naît à Mar del Plata dans une famille désargentée qui bientôt émigre aux États-Unis. “Son père, accordéoniste, lui avait acheté un bandonéon d’occasion au mont-de-piété. Astor apprend seul, ou presque, à manier cette espèce d’orgue de cathédrale miniaturisé – 10 kilos qui allaient lui pendre au cou pour le restant de ses jours.”

À New York, en 1935, il croise justement le chemin (pratiquement en entrant chez lui par effraction, par l’escalier de secours extérieur) de “Gardel, une divinité gominée”. Gardel sera son mentor – aux côtés de l’esprit de Bach – et le jeune Piazzolla son traducteur anglophone. Les deux artistes feront un tour des Amériques.

Succès tardif

En 1943, Piazzolla épouse Odette María Wolff, un premier mariage dont naîtront deux enfants. À cette époque, il forge son propre style, qui n’est pas au goût de tout le monde. “On disait que ses tangos étaient impossibles à danser. Trop compliqués. […] Il enregistrait, son orchestre se produisait dans des cafés, mais la vieille garde du tango le snobait.”

C’est en 1974 qu’il atteint le faîte de son projet bousculant la musique populaire de la capitale argentine, poursuit El País. La mélodie de Libertango (l’album complet dont elle fait partie est à écouter ci-dessous), désormais indissociable de l’artiste, passe alors un peu inaperçue. Deux ans plus tard, il se marie avec Laura Escalada.

Il faut attendre les années 1980 “et qu’il ait composé plus de 2 000 morceaux” pour que vienne, “enfin, la reconnaissance en Argentine”. Le musicien n’aura eu que peu de temps pour en profiter, souligne El País. “Le 4 août 1990, à Paris sur l’île Saint-Louis, c’est le début de la fin : il ne se remettra jamais de l’attaque cérébrale dont il a été victime ce jour-là.” Piazzolla meurt deux ans plus tard.

“En 1995, Laura Escalada a créé la Fondation Astor Piazzolla.” Plus récemment, en 2018, elle est rejointe dans ce travail de préservation de l’héritage artistique du musicien par leur petit-fils, Daniel Villaflor Piazzolla, qui explique : “Petit à petit, Laura a cessé d’être la femme d’Astor pour devenir ma grand-mère.” Un concert d’hommage doit être organisé à la fin de cette année 2021 pour le centenaire de la naissance du grand Astor.

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