A Ivry-sur-Seine, un championnat de football pour intégrer les migrants

Des maillots colorés étendus sur les chaises. Des chaussettes aux teintes vives éparpillées sur les canapés de cuir capitonnés. Chaque samedi après-midi depuis le 27 février, l’espace détente du complexe sportif UrbanSoccer, porte d’Ivry, prend de curieux airs de laverie.

Affairée à trier des piles de vêtements fraîchement lavés, l’équipe de l’association Aurore prépare l’arrivée de dizaines de migrants et de Franciliens, venus partager leur passion commune du football. Les bras chargés de panières de linge, les bénévoles s’agitent. Les uns rassemblent les paires de chaussettes, les autres empilent les maillots par taille. On s’interpelle : « Tu penses que ça va sécher ? »,  « Il manque combien de shorts ? », « Je crois que les couleurs ont déteint… ». Pas de temps à perdre. C’est l’avant-match du Championnat de l’Intégration et de la Solidarité (CIS), qui réunit des équipes mixtes, composées chacune de cinq migrants hébergés en centre par Aurore, et de cinq Franciliens.

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Initiateurs de ce projet de championnat qu’ils organisent depuis le mois de septembre, Nathalie Avakian et Florent Bertinotti sont tous deux bénévoles chez Aurore. Elle, est avocate d’affaires. Lui, est directeur marketing. Pour les deux amis, lancer une action de solidarité en faveur des migrants était une évidence, comme ils l’ont expliqué dans une interview à Monomania, à l’occasion de la deuxième journée de championnat, le 5 mars dernier.


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Les Franciliens mobilisés

Peu avant quinze heures, les premiers joueurs arrivent pour récupérer leur tenue. Ishem, 29 ans, troque sa licence contre un maillot orange fluo. Le Parisien a le sourire, heureux de chausser les crampons pour la bonne cause.

Comme Ishem, de nombreux Franciliens ont répondu à l’appel lancé par Aurore sur les réseaux sociaux et relayé par la Maire de Paris. « Pour les hommes, on arrive à capacité totale, » s’enthousiasme Nathalie Avakian. Un tel succès n’étonne pourtant pas la bénévole : « Le foot, c’est quand même un sport assez facile d’accès et c’est très fédérateur », explique-t-elle. Du côté de la division féminine, l’engouement est moins prononcé : « Pour les femmes, ça a pris un peu plus de temps, mais ça commence à bien fonctionner », indique Nathalie Avakian.

 

Sur le terrain, la solidarité mène droit au but

A quinze heures, le coup d’envoi est donné.

Mohamat Abakar, un Soudanais de 24 ans, participe pour la première fois à l’opération. Arrivé en France en octobre dernier, il éprouve quelques difficultés à s’intégrer, mais compte bien profiter du championnat pour se faire des amis.

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Sur le terrain, Afghans et Guinéens, Français et Maliens portent les mêmes couleurs. Leurs différences s’effacent, comme l’observe Hamady MbODJ, responsable d’un centre d’hébergement d’urgence (CHU) dans le 14e arrondissement de Paris.

Communes à tous, la connaissance des règles du jeu et la passion pour le ballon rond abattent rapidement les barrières de la langue. « Le foot est une langue universelle », affirme Renaud, agent d’accueil dans un centre géré par Aurore. Vêtu du maillot jaune de l’équipe du Khartoum Saint-Germain, Renaud sourit en se remémorant la victoire de son équipe au Tournoi de la Solidarité, qui avait tenu lieu de lancement au CIS, le 20 décembre dernier.

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Les soucis laissés au vestiaire

Sur le banc de touche, Hamady MbODJ et Claire, assistante sociale au CHU Saint-Pétersbourg, encouragent les joueurs. Tous deux se félicitent de l’organisation du championnat, qui permet aux migrants de s’échapper de leurs dossiers de demande d’asile pour quelques heures. Porteur des couleurs de l’équipe des « Loups subsahariens », un joueur afghan sort du terrain. Le souffle court, il explique comment il tente d’oublier ses problèmes le temps d’un match. Depuis son arrivée en France en décembre, l’homme de 27 ans a du mal à ne pas penser à ses proches restés au pays.

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Bel et bien engagée, la première saison du CIS verra s’affronter dix équipes de division masculine jusqu’au 26 juin. Quatre équipes féminines joueront aussi à partir d’avril.

Soutenu par la Mairie de Paris, le club Paris FC et les joueurs du Black Stars, le CIS est financé à hauteur d’un tiers par le secteur public, un tiers par le secteur privé, et un tiers par les citoyens. Du moins, tel est l’objectif. Une campagne de financement participatif a été lancée sur la plateforme kisskissbankbank, afin de récolter 7000 euros pour couvrir les frais d’arbitrage et financer la location des terrains ainsi que l’achat des vêtements. Mais seuls 2791 euros avaient été récoltés le 14 mars au matin, soit deux jours avant la fermeture de la campagne.

Pas de quoi remettre en question la tenue du championnat cependant. « On a un souhait, c’est que le championnat soit pérenne et qu’il se renouvelle tous les ans », confie Nathalie Avakian.

 

Laura Welfringer

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