Salons de massage chinois : les nouvelles maisons closes

Mardi dernier, la Brigade de Répression du Proxénétisme (BRP) a démantelé un réseau de prostitution chinoise qui sévissait à Paris et en Seine-Saint-Denis. Au total, ce sont 7 femmes et un homme qui ont été mis en examen samedi pour proxénétisme aggravé et emploi d’étrangers sans titre de travail.

Les 7 femmes arrêtées, propriétaires de 5 salons de massage, faisaient travailler 12 masseuses en situation irrégulière. Ces dernières pratiquaient, dans le cadre de leur travail, ce qui est communément appelé « des finitions ». Les prestations sexuelles s’élevaient en moyenne de 30 à 100 euros. Un beau pécule pour ces propriétaires, chaque salon pouvant rapporter jusqu’à 20 000 euros selon la préfecture de police.

Bien que l’arrestation de 8 personnes et la fermeture de 5 salons apparaissent comme une « belle prise », il ne s’agit en réalité pour la Brigade Mondaine que d’une petite satisfaction. La prostitution chinoise a en effet explosé depuis quelques années à Paris dans un lieu bien connu des services de police : les salons de massage.

Salons de massage chinois : nouveaux lupanars parisiens

Selon l’OCRTEH ( Office Central pour la Repression de la Traite des Etres Humains), 90% des prostituées en France sont de nationalités étrangères.  Majoritairement, ces femmes sont originaires du Brésil, de Roumanie, du Nigeria, de Bulgarie et … de Chine.

De fait, la prostitution chinoise a explosé depuis une dizaine d’années avec le rachat par des propriétaires chinois de la grande majorité des salons thaïlandais. Selon la BRP, sur les 600 salons de massage référencés à Paris, 300 sont susceptibles d’être des lieux de prostitution. Depuis 5 ans, beaucoup de salons de massage ont également été créés : au total, ils se sont vus multiplier par 5 à Paris. Une situation qui rend très difficile le travail des policiers de la Brigade Mondaine, les salons de massage étant immatriculés au registre du commerce et ne pouvant donc être contrôlés sans mandat. Pour preuve, sur les 300 salons suspectés d’abriter une activité prostitutionnelle, seuls 26 ont été fermés en 2014.

À cela, il faut également ajouter la difficulté de « remonter à la source » (l’argent des massages sexuels pratiqués dans les salons ayant souvent pour destination la Chine elle-même ). Il arrive même souvent qu’une arrestation se solde par une remise en liberté quasi concomitante à l’arrestation, faute de preuve. C’est ce qui est d’ailleurs arrivé récemment à Belleville : une femme chinoise, prostituée et convoyeuse de fonds (ayant réussi à faire transférer 177 000 euros en 16 mois) s’est vue relâcher une fois sa garde à vue terminée. Une situation qui agace les hommes de la BRP en total impuissance face à cette nouvelle forme de prostitution.

Le nouveau visage des maisons closes.

Depuis la loi Marthe Richard de 1946, les maisons closes sont interdites en France. Il en est de même pour le racolage. Pour passer outre ces lois, les salons de massage apparaissent comme une alternative idéale pour pratiquer une activité prostitutionnelle en toute discrétion. D’ailleurs, des maisons closes d’antan, le système a peu changé : une mère maquerelle, appelée mamasan, gère des filles en l’échange d’une protection.

Ce besoin de protection explique l’augmentation exponentielle des salons de massage depuis quelques années. Suite à la fermeture massive d’usines dans le nord-est de la Chine, nombreuses sont celles qui sont venues à Paris pour pratiquer la prostitution comme travail alimentaire. Mais la prostitution de rue effraie particulièrement : contrôles fréquents, viols, kidnappings, vols, violences, etc… Il vaut mieux travailler à l’intérieur pour plus de sécurité, d’autant que souvent ces femmes, fraichement arrivées, n’ont pas de papiers. Travailler à l’abri des regards permet donc d’éviter les hommes de la BRP qui ont bien du mal à mettre un terme à ces activités.

De fait, bien que les hommes de la BRP aient mis en place tout un système d’écoute dans plusieurs salons, il leur est interdit d’y intervenir sans mandat, tout comme il leur est interdit de s’y infiltrer. Les salons de massage sont avant tout un commerce et la suspicion ne permet pas l’intervention. Ironie du sort, les raisons qui interdisent aux hommes de la BRP de pénétrer dans les salons sont les mêmes qui permettent aux clients d’aller s’y offrir le « body-body » : avec comme façade celle d’un salon de massage, ces maisons closes attirent les clients qui veulent rester discrets quant à leurs lubies. Qui irait suspecter le père de famille rentrant dans un salon, sous prétexte d’un mal de dos, d’aller en réalité se payer un massage naturiste (le »body-body ») ?

Ce massage naturiste est d’ailleurs une autre particularité de la prostitution dans les salons de massage. Contrairement à la prostitution de rue, rien n’est « préparé » à l’avance. La masseuse et le client sont nus lors du massage et après … tout se passe en fonction des envies du client. Une difficulté supplémentaire pour la BRP qui ne peut s’assurer à chaque fois que des actes de prostitution ont bien eu lieu. Pour agir, il suffirait pourtant d’une simple dénonciation. Mais entre la prostituée qui craint de se faire expulser faute de papiers, le client qui peut en profiter en toute discrétion et les commerçants de proximité qui voient leur chiffre d’affaires grimper grâce à ces mêmes clients, tous ferment les yeux : l’homme prudent se taisant quand il a trop à dire.

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