Le parti d’extrême droite veut croire qu’il apparaît comme la seule alternative solide à la candidature d’Emmanuel Macron, écrit le quotidien Le Soir.
“On arrive.” Depuis la publication par nos confrères du Parisien d’un sondage donnant Marine Le Pen à 48 % des intentions de vote contre 52 % pour Emmanuel Macron en cas de face à face au second tour de la présidentielle, le Rassemblement national se sent pousser des ailes. Du moins, en façade.
Si Marine Le Pen s’est réjouie que les Français aient “compris que les deux grandes options politiques, comme en 2017, c’est le choix entre le mondialisme et la nation”, et a de nouveau invité “tous ceux qui ne souhaitent pas qu’Emmanuel Macron gagne” à “venir travailler avec [elle]”, elle sait qu’il lui sera difficile d’aller gratter les derniers points qui la séparent d’Emmanuel Macron.
Mais le parti d’extrême droite pourrait compter sur plusieurs facteurs pour attirer de nouveaux électeurs, détaille Jean-Yves Camus, directeur de l’Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès : “La droite est face à un énorme problème puisqu’elle n’a pas de candidat crédible. Marine Le Pen compte donc sur ces militants LR en déshérence. Les questions de sécurité, de migrations continuent à tirer certains électeurs de droite vers l’extrême droite. Et il ne faut pas oublier qu’il y a une réserve de voix possible chez tous ceux qui vont lâcher Emmanuel Macron en raison de sa gestion de la crise sanitaire”.
Pour l’expert, il ne faut pas minimiser l’impact économique et social de la pandémie et des confinements sur les électeurs français, qui pourraient être tentés par le vote frontiste.
Si le socle électoral de Marine Le Pen est très solide et si les conséquences de la crise sanitaire peuvent lui permettre de convaincre de nouveaux électeurs, la prochaine échéance électorale (les élections régionales prévues pour juin 2021) n’est franchement pas gagnée pour le RN. Après un résultat décevant aux dernières élections municipales, les régionales s’annoncent compliquées pour le parti frontiste : les alliances avec la droite, qui pourraient permettre au RN de prendre du poids, restent un problème majeur. “Le cordon institutionnel est solide, explique Jean-Yves Camus. Mis à part les transfuges des Républicains vers le RN comme Thierry Mariani, il n’y a aucun dirigeant LR qui a déjà exprimé une volonté de signer un accord avec l’extrême droite.”
D’autres éléments peuvent gêner la campagne de Marine Le Pen : les difficultés financières du parti (un déficit de 28 millions d’euros aux dernières nouvelles) et le turbulent groupuscule Génération identitaire dont les liens avec le RN pourraient embarrasser. “Marine Le Pen mène un exercice assez réussi de prise de distance. Elle ne peut pas se permettre de voir l’image du RN associée totalement au mouvement identitaire”, estime Jean-Yves Camus.
Et reste encore un point qui agite l’extrême droite française : Marine Le Pen est-elle la candidate idéale pour affronter Emmanuel Macron en 2022 ? Elle est en tout cas la seule. Si un groupe au sein du parti fantasme sur la figure de Marion Maréchal, la principale intéressée n’a jamais laissé transparaître une quelconque ambition pour 2022. Par ailleurs, Marine Le Pen, qui devrait abandonner la présidence du parti pour se concentrer sur la présidentielle et tenter de se décoller de l’étiquette extrême droite, aurait déjà désigné son remplaçant : le jeune Jordan Bardella.