En France, manger à son bureau sera bientôt autorisé par le Code du travail

En France, manger à son bureau sera bientôt autorisé par le Code du travail

Pour limiter les risques de contamination en entreprise, la ministre française du Travail, Élisabeth Borne, a annoncé qu’un décret autoriserait bientôt les employés à déjeuner à leur poste de travail, raconte le New York Times. Une pratique déjà courante mais interdite par la législation.

Le repas et le Code du travail comptent parmi les piliers de la culture française. La pandémie ébranle l’un et l’autre au point de leur faire subir un “changement radical”, note le New York Times. Pour limiter les risques de contamination en entreprise, la ministre du Travail Élisabeth Borne a annoncé que l’exécutif publierait bientôt un décret visant à modifier l’article R. 4428-19 du Code du travail, lequel interdit aux salariés de manger à leur poste de travail.

Cette pratique, courante, n’a pas attendu de décision gouvernementale pour s’imposer dans le quotidien de nombreux employés. Sa reconnaissance officielle bouleverse toutefois la tradition du repas français, pris à table et en compagnie, inscrit au Patrimoine culturel immatériel de l’Unesco depuis 2010. Aujourd’hui, un employeur qui laisserait son salarié déjeuner dans “les locaux affectés au travail” s’expose à une amende, et le salarié à une sanction disciplinaire.

Une atteinte à l’“art de vivre” à la française

L’annonce du gouvernement ébranle les habitudes alimentaires françaises, déjà bouleversées par le couvre-feu à 18 heures ou la fermeture des cafés et restaurants. “C’est un enchaînement sans fin d’outrages”, résume avec humour le quotidien new-yorkais, qui s’amuse du traitement réservé à la nouvelle décision gouvernementale par la presse française :

Le grand quotidien économique ‘Les Echos’ a illustré son article sur le sujet d’une photo choquante : une femme mange devant son ordinateur portable une salade de laitue et tomate à même un bol en plastique – elle esquisse même un sourire, laissant penser qu’elle y trouve son compte.”

Dans Le Figaro, la photographie d’une femme “nettement moins contente, le téléphone dans une main, la fourchette dans l’autre et les yeux devant un écran”, illustre encore l’amertume suscitée par la nouvelle.

Cette atteinte à l’“art de vivre” (en français dans le texte) à la française amuse les citoyens américains, habitués à manger sur le pouce. “Nous avons en France des conceptions du travail totalement différentes des vôtres, aux États-Unis”, explique Agnès Dutin, une ancienne traductrice :

Manger à son bureau est une catastrophe. Il faut une pause pour s’aérer l’esprit. Il est bon de bouger aussi. Quand vous revenez, vous portez un autre regard sur les choses.”

La transformation du Code du travail

Au-delà de la dimension culturelle du repas pensé comme un moment social, c’est une révolution plus générale que traduit cette mesure apparemment anecdotique. “La réforme du Code du travail, afin d’assouplir les procédures d’embauche et de licenciement en France et plus généralement d’alléger la réglementation, est l’un des grands chantiers de la présidence d’Emmanuel Macron”, rappelle le quotidien.

Issu des luttes sociales du XXe siècle, le Code du travail est l’un des éléments fondateurs de l’histoire française contemporaine, garant de la fonction protectrice de l’État. Mais cette construction législative complexe est régulièrement remise en cause par les penseurs libéraux. Le New York Times raille notamment “ce principe fondateur simpliste selon lequel tout gérant serait un capitaliste sans pitié enclin à exploiter les travailleurs par exemple en les faisant travailler à l’heure du déjeuner”.

Reste à savoir si le Covid-19 reléguera aussi facilement l’art de la table à de l’histoire ancienne. C’est en tout cas ce que suggère une vidéo parodique de Topito, partagée par le New York Times. Elle met en scène une visite guidée sur “les rites, les traditions et les coutumes de ce qu’on appelait autrefois les restaurants, cette activité sociale aujourd’hui totalement disparue”.

A lire également