Considéré, il n’y a pas si longtemps encore, comme une innovation barbare d’origine américaine, le déjeuner devant l’écran est désormais permis en France. Quelle déception pour ceux qui considèrent l’Hexagone comme le défenseur des valeurs civilisées, notamment en matière alimentaire, écrit le Times.
On aurait du mal à imaginer meilleur symbole des répercussions de la pandémie sur le monde du travail. La France va supprimer une disposition de son Code du travail qui interdisait aux salariés de déjeuner à leur bureau. Force est de reconnaître que beaucoup de Français ignoraient la règle.
Mais la décision de balayer cette survivance d’un passé où le droit à un vrai repas était censé protéger le travailleur contre les exigences déraisonnables de l’employeur va décevoir ceux pour qui la France est le pays défenseur des valeurs civilisées, notamment en matière alimentaire.
Bien entendu, cette interdiction de déjeuner au bureau étonnera au plus haut point la plupart des Britanniques. Ils y verront la preuve, une fois de plus, que la France adore la bureaucratie et les règlements mesquins.
En réalité, cette disposition n’est supprimée qu’en vue de réduire les risques de transmission du virus à la cantine et non à des fins d’amélioration du rendement, ni même au nom du droit de chacun à déjeuner où bon lui semble.
La tendance perdurera-t-elle après un an de télétravail ?
Pourtant, beaucoup vont éprouver la nostalgie d’un temps où les Britanniques n’avaient pas encore succombé à la tentation du sandwich vite avalé ou même, quelle horreur*, au curry à emporter consommé au bureau.
Il n’y a pas si longtemps, le fait de manger à son poste était encore considéré comme une innovation barbare, née de l’invasion de la City par les Américains dans les années 1980 et 1990, dans le sillage d’autres coutumes d’importation, comme le passage à la bouteille d’eau pour le déjeuner.
Comme dans beaucoup de domaines, la pandémie ne va peut-être faire qu’accélérer une tendance préexistante. Près de 15 % des Français qui travaillent dans des bureaux déjeunent déjà sur place. De fait, Pret A Manger, l’enseigne britannique qui propose des sandwichs chics, et dont l’apparition dans les années 1980 a coïncidé avec l’irrésistible ascension des déjeuners au bureau, a ouvert sa première boutique à Paris en 2012.
Reste à savoir combien de temps cette tendance va persister. Après un an de télétravail, qui ne voudra pas redécouvrir le plaisir d’une vraie pause déjeuner ?
* En français dans le texte.