« L’énergie verte » : marché juteux derrière la rénovation de l’incinérateur d’Ivry – Paris XIII

Ce lundi 9 novembre, la Fondation Veolia organisait une conférence sur le méthane, gaz qui pollue jusqu’à 20 fois plus que le carbone. Cette ressource énergétique, issue de la décomposition de déchets peut être lucrative. Elle a motivé la rénovation de l’incinérateur d’Ivry – Paris XIII et l’installation d’une unité de méthanisation qui produira du chauffage, pour un coût de 1,8 milliard d’euros.

A l’heure de la limitation du recours aux énergies fossiles polluantes, les fournisseurs d’énergie investissent le marché du renouvelable et de « l’énergie verte ». Quand la Fondation Veolia organise une journée de sensibilisation aux émissions de méthane et à leur réduction, c’est pour mettre en valeur son activité d’absorption de ce gaz et de sa valorisation afin de le transformer en chauffage. L’entreprise convoite en effet 60% du méthane présent sur la planète pour des profits faramineux.

Les déchets jouent un rôle central dans le marché de « l’énergie verte » et particulièrement les déchets dits biodégradables qui constituent 60% des ordures ménagères. La valorisation de ces ordures consiste à récupérer le gaz issu de la décomposition de bio-déchets et à l’utiliser comme source d’électricité ou pour chauffer les habitations.

La valorisation des déchets / Source : SYCTOM Paris http://www.syctom-paris.fr/pdf/doc/DMO.pdf
La valorisation des déchets / Source : SYCTOM Paris http://www.syctom-paris.fr/pdf/doc/DMO.pdf

C’est pour cela que les villes d’Ivry-sur-Seine et de Paris ont décidé, avec le Syndicat intercommunal de traitement des ordures ménagères (SYCTOM) de reconstruire l’incinérateur d’Ivry – Paris XIII arrivé en fin de vie. Le projet vise à transformer l’installation en centre de recyclage organique et de valorisation énergétique à l’horizon 2023.

Des déchets qui valent de l’or

Le biogaz constitue pour les 84 communes du SYCTOM – 5,5 millions d’habitants aujourd’hui – une alternative attrayante aux ressources fossiles et sa production s’intègre dans la logique d’économie circulaire encouragée par les politiques.

La proximité du centre de traitement des déchets d’Ivry – Paris XIII avec les consommateurs facilitera le raccordement de l’installation au réseau et l’acheminement de l’électricité aux habitations. Il s’agit d’une opportunité idéale pour les communes de combler leurs besoins énergétiques tout en satisfaisant les critères de diversification des sources d’énergie introduites par la loi de transition énergétique de 2015.

Création d’une dépendance énergétique

Le méthane ne constitue pourtant pas une ressource viable sur le long terme. Même si le SYCTOM prévoit une baisse de 20% de la capacité de traitement des déchets de l’installation – le volume actuel est de 730.000 tonnes par an  – la production d’ordures est amenée à baisser beaucoup plus à l’horizon 2025.

Or, cette baisse entrainera une diminution du rendement de l’unité de méthanisation qui ne pourra plus alimenter les habitations en chauffage ou électricité. Sans entraîner de « black-out » dans le réseau, cela réduira sa capacité et nécessitera l’achat d’énergie à d’autres fournisseurs pour des prix plus élevés.

En outre, l’unité de méthanisation, très coûteuse, a été commandée au conglomérat d’entreprises privées IP13 menées par Suez Environnement. Leur investissement et la maintenance de l’installation sont conditionnés à des profits et donc à un flux constant de déchets à traiter. Ces deux contraintes cumulées au prix exorbitant de la rénovation amènent de plus en plus de citoyens à se mobiliser contre le projet et à plébisciter des alternatives plus sûres et accessibles.

Le zéro déchet, une solution ?

Réunies au sein du Plan B’OM pour « baisse des ordures ménagères », les propositions des adeptes du zéro déchet misent sur la sensibilisation de la population. Alors que la construction du nouveau complexe de traitement des déchets s’achèvera en 2023, le plan propose de mettre à profit ces dix années pour instaurer de nouveaux comportements citoyens de réduction des déchets comme des poubelles de tri dans l’espace public. Le tout pour un coût beaucoup plus modeste de 200 millions d’euros.

Flore Berlingen, directrice de l’ONG Zero Waste France précise que dans le plan B’OM, l’incinérateur d’Ivry – Paris XIII continuerait à fonctionner jusqu’en 2023, date à laquelle il aura largement dépassé sa fin de vie. L’inconnue demeure cependant la capacité des individus à changer profondément leur mode de consommation et de gestion de leurs propres déchets en si peu de temps.

Le plan B’OM paru cette année arrive bien après le début de la concertation sur la rénovation du site d’Ivry – Paris XIII initiée en 2003. Le maire d’Ivry, commune modèle en matière de réduction des déchets, a toujours insisté pour que la reconstruction de l’incinérateur réponde aux exigences de sa politique locale. Dans un communiqué de onze priorités paru en 2010, il réussit d’ailleurs à obtenir que le SYCTOM s’engage à prévenir et réduire les déchets, conformément aux actions régionales existantes.

Il semblerait donc que la rénovation du centre de tri des déchets d’Ivry – Paris XIII soit une étape et non un objectif final de la politique de gestion des déchets en Ile-de-France. Tous les acteurs s’accordent à s’engager dans une voie de réduction des déchets mais il s’agit d’un processus long et qui nécessite un abandon progressif des structures existantes. Les deux cheminées de l’incinérateur parisien feront donc toujours partie du paysage urbain en 2023 mais la question de leur démolition n’est que mise en sursis.

Rebecca Zissmann
@rzissmann

Crédits photo de couverture : DR https://www.flickr.com/photos/alainalele/3497097098/

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