La principale conséquence de la décision de la France de retirer ses troupes du Mali, qui a conduit d’autres pays européens à faire de même, sera le transfert de l’épicentre de la lutte contre le djihadisme au Sahel de ce pays, là où se pose le problème, vers d’autres au de la région, notamment le Niger et, dans une moindre mesure, ceux du Golfe de Guinée.

Dans le communiqué annonçant ce jeudi le départ des troupes françaises de ‘Barkhane’ ainsi que la force ‘Takuba’ composée de quinze pays européens et du Canada, les signataires expriment leur intention de « poursuivre leur action commune contre le terrorisme dans la région du Sahel , principalement au Niger et dans le golfe de Guinée ».

En ce sens, ils soulignent qu’afin de « contenir l’extension géographique potentielle des actions des groupes terroristes vers le sud et l’ouest de la région », ils sont prêts à étendre leur soutien « aux pays voisins du golfe de Guinée et l’Afrique de l’Ouest sur la base de leurs revendications.

Pourtant, le président français, Emmanuel Macron, s’est montré un peu plus explicite sur les plans futurs lors de la conférence de presse proposée pour expliquer la décision ce jeudi. « Avec l’accord des autorités nigériennes, les éléments européens seront repositionnés aux côtés des Forces armées nigériennes dans la région frontalière du Mali », a-t-il déclaré.

Cette zone, également frontalière du Burkina Faso, est devenue le principal foyer de l’activité jihadiste dans la région, puisque tant la filiale d’Al-Qaïda que le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM) y opèrent, tout comme l’État islamique au Grand Sahara. (ISGS).

POURQUOI LE NIGER ?

Le choix du Niger, où la France dispose actuellement de la plus grande base aérienne « Barkhane » et où se situe également le poste de commandement conjoint avec le G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad), est aussi motivé par le fait qu’il est le plus stable depuis que le Burkina Faso, bien qu’il soit actuellement le plus touché par la violence, a été le théâtre d’un coup d’État militaire le 24 janvier.

« Le Burkina Faso et le Niger sont tous les deux en première ligne, mais le Niger a jusqu’à présent été moins submergé par la menace terroriste et est donc considéré par Paris comme un allié plus sûr », résume l’expert nigérien Idrissa Abdourahmane, s’adressant à France24.

Le fait que le Niger ait un président démocratiquement élu, contrairement à ses voisins, pèse également sur la décision française. En avril dernier, Mohamed Bazoum a joué le rôle principal dans la première passation démocratique du pouvoir dans le pays après avoir succédé à Mahamadou Issoufou, qui pendant son mandat a fait du Niger un allié clé en matière de sécurité, non seulement pour la France mais aussi pour les États-Unis.

Bazoum a déjà confirmé qu’il y aura de nouvelles bases dans le pays près de la frontière malienne, une zone dont il a reconnu la sécurité comme une priorité, et a précisé que les forces de Takuba s’y installeront principalement, ce qu’il considère comme avantageux car « elles sont capacités de répondre à la menace posée par les terroristes.

Mais tout comme cela s’est produit au Mali d’abord, puis au Burkina Faso, le sentiment anti-français a également fait son apparition au Niger. Le 27 novembre, des manifestants opposés à la présence de ‘Barkhane’ ont bloqué un convoi militaire français à Tera (ouest), dans une manifestation qui a fait trois morts dans les altercations.

Bazoum a demandé à la France une enquête sur les faits, sans que l’on sache pour l’instant si celle-ci a eu lieu ni son résultat. Le même convoi, parti de Côte d’Ivoire et ayant pour destination finale Gao, au Mali, a également été bloqué par des manifestants à Kaya, dans le centre du Burkina Faso.

POSITION DÉLICATE DE BAZOUM

Ainsi, la position du président nigérien « est très délicate dans le contexte actuel, puisque les jihadistes pourraient décider de lui faire payer son engagement à Paris », prévient sur France24 Jean-Vincent Brisset, expert de l’IRIS.

Il avertit également qu' »une recrudescence des attentats pourrait contribuer à accroître le sentiment anti-français et donc potentiellement le risque d’un coup d’État ». Le Niger a déjà subi quatre coups d’État militaires depuis son indépendance en 1958.

Plus à l’est, le Tchad dispose également d’un poste de commandement « Barkhane » et depuis une base aérienne à N’Djamena, des tâches essentiellement logistiques ont été réalisées. Le pays est un allié clé dans la lutte contre le terrorisme dans la région, mais en avril dernier, un transfert de pouvoir controversé a eu lieu après que l’armée a soutenu Mahamat Idriss Déby pour succéder à son père, Idriss Déby, après sa mort au combat avec un groupe rebelle.

La France a toujours soutenu la nomination du fils du président historique, malgré le fait que l’opposition dans le pays ait dénoncé qu’elle était contraire à la Constitution. En ce sens, Mahamat Idriss Déby a déjà dit qu’on pouvait compter sur le Tchad et a même avancé qu’il envisageait « d’accroître son engagement militaire au sein de la MINUSMA ».

LE PLUS GRAND RÔLE DE LA CÔTE D’IVOIRE

L’autre pays qui devrait également jouer un rôle clé dans ce redéploiement des forces est la Côte d’Ivoire, dans la capitale de laquelle, Abidjan, la France dispose actuellement d’une base militaire de 900 hommes. Le président du pays, Alassane Ouattara, a déjà montré sa volonté de faire de la place pour plus de troupes.

« Si notre sécurité exige que nous lancions un appel aux alliés, aux pays amis, nous le ferons », a-t-il assuré dans un entretien à RFI et France24 la veille de l’annonce officielle, précisant que c’est quelque chose qui se fait déjà. discuté.

« Le départ de ‘Barkhane’ et de Takuba crée un vide. Nous allons être obligés d’augmenter nos forces de défense, d’augmenter la protection de nos frontières, d’acheter des armes, d’avoir une plus grande professionnalisation », a reconnu le président ivoirien.

Ouattara souligne que la lutte contre le terrorisme au Sahel et la sécurité sont « aussi une obligation » des pays de la région. « Les armées nationales doivent régler les problèmes sur notre territoire national », dit-il. « C’est notre philosophie et nous le ferons en prenant toutes les mesures possibles » et en dépensant ce qui doit être dépensé, dit-il.

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