Chantiers de Saint-Nazaire : une leçon de protectionnisme à la française

Chantiers de Saint-Nazaire : une leçon de protectionnisme à la française

Depuis 2017, bien qu’un accord ait été trouvé, le groupe italien Fincantieri n’arrive pas à finaliser le rachat des chantiers navals de Saint-Nazaire. Il est pourtant le seul repreneur à avoir formulé une offre. La faute au protectionnisme mal caché de l’État français, dénonce la revue géopolitique transalpine Limes.

Vendra, vendra pas. Voici presque quatre ans que le feuilleton du rachat des Chantiers de l’Atlantique par le groupe de construction navale italien Fincantieri secoue les relations entre Rome et Paris. Une opération industrielle d’envergure qui s’est progressivement transformée en affaire d’État, écrit la revue de géopolitique Limes, qui retrace les grandes étapes de cette histoire.

“Contrôlés par un groupe sud-coréen jusqu’en 2017, les Chantiers de l’Atlantique de Saint-Nazaire sont repris en mai 2017 par Fincantieri, rappelle le média transalpin, mais l’arrivée d’un nouveau gouvernement en France au printemps va changer la donne.” En effet, à peine débarqué à l’Élysée, le nouveau président de la République décide de remettre en question l’accord trouvé deux mois auparavant en nationalisant temporairement les chantiers de Saint-Nazaire.

“L’européiste Macron, ironise Limes, choisit alors de mettre en péril la survie du chantier naval français plutôt que de permettre à un rival italien, qui était le seul partenaire industriel disposé à investir, de s’affirmer.” Pour autant, cela ne met pas de point final au deal, puisque celui-ci est relancé quelques mois plus tard mais sous une nouvelle mouture, plus favorable à Paris, comme l’explique l’article :

Fincantieri obtient 50 % des chantiers de l’État français, contre 66 % dans le cadre de l’accord précédent. La majorité absolue des actionnaires est alors atteinte grâce au prêt de 1 % des parts par Paris pour une durée de douze ans. Ce dernier est conditionné au respect de certains engagements de la part du constructeur.”

À ce moment-là, estime la revue transalpine, “l’administration publique française a montré ses muscles à l’acheteur italien”. L’accord semble néanmoins (enfin) sur les rails, mais une nouvelle entrave va se manifester.

Lassitude des Italiens

En janvier 2019, c’est au tour de la Commission européenne de bloquer l’accord. “Sollicité par Paris, Bruxelles est invité à s’exprimer pour vérifier que l’opération de Fincantieri ne nuit pas à la libre concurrence sur le marché des paquebots de croisière”, indique Limes, qui rappelle qu’à ce jour la Commission ne s’est toujours pas exprimée de manière définitive sur le sujet.

À qui la faute ?

Selon Bruxelles, Fincantieri devait envoyer des documents qui n’ont jamais été reçus ; mais ce n’est pas l’avis du groupe italien, qui a exprimé sa lassitude en déclarant, fin 2020, qu’il ne pouvait “pas faire plus” et que “la décision [était] désormais de nature politique”.

Une partie importante de la classe politique française semble justement pousser à un abandon du projet, puisque plusieurs sénateurs se sont exprimés publiquement en ce sens début janvier.

Une relation économique asymétrique

Concrètement, après de nombreux reports, l’État français a donné jusqu’à fin janvier à Fincantieri pour présenter à la Commission européenne la documentation requise, faute de quoi l’accord devrait tomber à l’eau. Ce qui semble désormais l’issue la plus probable à cette longue histoire, regrette Limes :

Voilà qui démontre que, pour l’Hexagone, notre pays reste un terrain de chasse privilégié pour étendre son influence économique et géopolitique, alors que, de notre côté, il ne nous est pas permis de mettre les mains sur des trésors français comme les chantiers de Saint-Nazaire.”

Une asymétrie commerciale et diplomatique que le média transalpin illustre à travers les chiffres des investissements directs français en Italie, qui sont presque trois fois plus importants que ceux italiens en France.

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