Lors d’une session virtuelle du Forum économique mondial le 27 janvier, le président russe a dressé un tableau sombre des perspectives de la planète si un nouvel ordre mondial n’était pas institué. Ses préconisations ne sont pas sans rappeler la nécessité d’un “grand redémarrage” prôné par de nombreuses voix en Occident, observe la presse russe.
Ce 27 janvier, pour sa première participation depuis onze ans au Forum économique mondial de Davos (plus précisément à une session préliminaire du sommet qui doit avoir lieu au mois de mai), “Vladimir Poutine a fait de bien sombres pronostics concernant l’avenir de l’humanité”, écrit le tabloïd Moskovski Komsomolets. Le monde, selon le président russe, est “menacé par la guerre de tous contre tous, et la raison fondamentale de cette instabilité réside dans l’accumulation de problèmes socio-économiques”.
La situation économique actuelle est comparable à celle des années 1930, estime-t-il, or les instruments traditionnels pour stimuler l’économie, telle la distribution de crédits bon marché aux entreprises et aux citoyens, ne fonctionnent plus : “La bulle enfle et les inégalités s’accroissent.”
Un “grand redémarrage”
Pour réintégrer une “trajectoire positive”, il faut créer des emplois décemment rémunérés, construire des logements, développer la médecine et assurer un enseignement de qualité à la jeunesse, a affirmé le chef du Kremlin, prédisant :
Seuls les pays qui parviendront à progresser ne serait-ce que dans ces quatre domaines s’assureront un développement pérenne.”
Voici le “monde idéal” qu’a présenté à Davos le président russe, a titré la Nezavissimaïa Gazeta. Le quotidien note que les déclarations de Vladimir Poutine sur la nécessité d’un nouvel ordre mondial et la création de nouvelles institutions universelles font écho aux idées émises un peu plus tôt par le président du Forum économique mondial, Klaus Schwab.
La notion de “grand redémarrage” de ce dernier part du principe que la crise du Covid-19 et les bouleversements politiques, économiques et sociaux qu’elle a entraînés “modifient radicalement le contexte de prise de décisions” et ont ouvert une “fenêtre de possibilités” pour une transformation de l’ordre mondial.
Un retour à l’économie sociale de marché ?
Si la Nezavissimaïa Gazeta relève la notion de “capitalisme responsable” pour résumer les idées prônées par Schwab, le quotidien libéral russe Vedomosti souligne pour sa part les points communs entre Vladimir Poutine et Emmanuel Macron. Pour le président russe, le modèle néolibéral – qui favorise la croissance de l’économie en s’appuyant sur la dette privée dans un contexte de dérégulation et de faible imposition des riches et des entreprises – “n’est plus valide”. Quant au président français, il a récemment déclaré qu’il souhaitait remplacer le “consensus de Washington” – un corpus de mesures libérales datant des années 1980 – par un “consensus de Paris”, et que le capitalisme contemporain, “qui s’est financiarisé, […] ne permet plus de gérer les inégalités dans nos sociétés et au niveau international.”
Selon le titre, ce que préconise le président russe – et qui est cohérent avec le modèle économique du pays, où l’État a un poids considérable – peut se résumer ainsi : définir une politique industrielle et un financement de la croissance, se concentrer sur l’économie d’innovation, consolider la sphère du travail en diminuant le chômage, et réduire les inégalités. En gros, l’économie sociale de marché portée par le chancelier Konrad Adenauer dans les années 1950, résume Vedomosti.