Pour battre Le Pen en 2022, Macron doit relancer les réformes

Pour battre Le Pen en 2022, Macron doit relancer les réformes

S’il est probable – pour l’heure – qu’Emmanuel Macron se retrouve face à la patronne du Rassemblement national en 2022, il y a une différence de taille avec 2017, prévient le FT : cette fois-ci, Emmanuel Macron sera “un président sortant sans projet politique clair, alors que Marine Le Pen tient un discours de plus en plus modéré”.

Il a toujours été difficile de ranger Emmanuel Macron dans une catégorie politique. Il s’est hissé à la tête de l’État français en franc-tireur, sans être ni de droite ni de gauche, en empruntant aux deux camps. Progressiste sur les questions sociétales et critique du “trop d’État”, Macron n’a jamais été le vrai libéral tel que le voyaient ou voulaient le voir les étrangers.

Aujourd’hui, alors que la quatrième année du mandat d’Emmanuel Macron touche à sa fin, il est plus difficile que jamais de définir le macronisme. Mais la question de savoir quelles idées défend Macron est plus pressante que jamais. Dans un peu plus d’un an, la France va être plongée dans une nouvelle campagne présidentielle clivante.

Selon toute vraisemblance, le deuxième tour devrait une fois encore mettre aux prises Emmanuel Macron et Marine Le Pen, la dirigeante de l’extrême droite. Tandis que l’élection de novembre a été un tournant pour la démocratie américaine, le scrutin de l’année prochaine va déterminer le sort de la Ve République et sans doute de la survie de l’Union européenne (UE), si une ultranationaliste comme Le Pen investit l’Élysée.

Le probable match retour contre Marine Le Pen

Ce match retour va être serré. Une enquête de Harris Interactive publiée par L’Opinion la semaine dernière indique que Macron ne l’emporterait que de 53 % en mai 2022, contre 47 % pour son adversaire.

Le président s’est remis de l’impopularité record dans laquelle il était tombé pendant la crise des “gilets jaunes”, à la fin de 2018. Sa cote de popularité n’était plus que de 31 %, aujourd’hui elle est remontée à 48 %. Un rebond impressionnant. En outre, Macron est bien plus populaire que ne l’étaient ses prédécesseurs François Hollande et Nicolas Sarkozy à un an de [la fin de leur mandat].

La grande force électorale de Macron reste la faiblesse des partis traditionnels. Aucun adversaire potentiel, que ce soit au Parti socialiste, parmi les Républicains ou du côté des écologistes, ne paraît en mesure de lui ravir sa place au second tour — même si, en ces temps troublés, il ne faut rien exclure.

Virage à droite

Macron se prépare donc à un nouveau duel avec Marine Le Pen. Cette configuration lui a réussi en 2017. Sa conception de la France en tant que pays proeuropéen, ouvert, optimiste, ambitieux, et son positionnement d’anticonformiste capable de bousculer les habitudes et de faire avancer les choses lui ont attiré des voix de tout l’échiquier politique. Face à cela, le nationalisme hargneux de Marine Le Pen ne faisait pas le poids. Mais cette fois, Macron sera un président sortant sans projet politique clair, alors même que son adversaire tient un discours plus modéré.

Ces derniers mois, le gouvernement a effectué un net virage à droite, adoptant un dispositif sécuritaire [la loi de sécurité globale] et défendant les valeurs laïques contre le “séparatisme islamiste”. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a même reproché à la dirigeante du Rassemblement national une certaine mollesse.

Des ministres se sont lancés dans des combats idéologiques, notamment sur des sujets comme le végétarisme dans les cantines scolaires ou “l’islamo-gauchisme” dans les universités. But de l’opération : dissuader les conservateurs modérés de voter pour l’extrême droite, au risque de perdre des électeurs plus à gauche, qui pourraient s’abstenir massivement au lieu de voter pour Macron au deuxième tour.

Se réinventer, mais comment ?

Entre-temps, le programme économique du président a été bouleversé par la pandémie. Ses projets réformistes avaient déjà fait les frais des manifestations des “gilets jaunes”, et les dividendes de ses premières mesures de libéralisation avaient été éclipsés par la crise. Son vaste plan d’aide aux travailleurs et aux entreprises a obligé Macron à mettre de côté ses engagements de réduction de dépenses. “Quoi qu’il en coûte”, a-t-il déclaré [dans son allocution du 12 mars 2020]. À l’en croire, cette crise était une chance de “[se] réinventer, [lui] le premier”. Mais se réinventer sous quelle forme ? Macron ne semble pas le savoir. Malgré toutes les aides consenties par son gouvernement, il est toujours perçu comme le président des riches.

Macron n’a pas entièrement renoncé à ses ambitions réformistes. La suppression de l’impôt sur la fortune, tout un symbole, avait pour but d’encourager l’investissement et n’est pas remise en cause. Une réforme de l’assurance-chômage est toujours à l’ordre du jour. Cette année, les incitations fiscales comprennent une forte réduction de l’impôt sur les entreprises, ce qui constitue une importante mesure de stimulation de l’offre.

Ces engagements s’accompagnent désormais d’une foi renouvelée dans l’État providence — même si, lors de la pandémie, ce dernier n’a pas toujours été à la hauteur des attentes des Français. Le dirigisme* revient à la mode. La relocalisation est le nouveau mantra. Les rachats d’entreprise par des sociétés étrangères paraissent inacceptables. Le pouvoir politique doit reprendre la main sur l’économie, assure le ministre des Finances, Bruno Le Maire. Mais ces promesses de protection seront-elles encore convaincantes quand l’aide liée à la pandémie sera inévitablement réduite dans les mois qui viennent ?

La foi dans les forces éternelles de la nation

S’il est un domaine où Macron n’a pas varié, c’est dans ses convictions proeuropéennes. La création d’un fonds de relance financé par l’UE était une grande réussite. La présidence française de l’UE dans les six premiers mois de l’année prochaine sera l’occasion de promouvoir des initiatives auxquelles Paris est très attaché : une refonte des règles budgétaires pour mettre fin aux préjugés antiaustérité ; des lois pour juguler les géants des hautes technologies ; enfin, des taxes sur les importations depuis les pays à la traîne en matière de climat. Macron entend ainsi montrer que l’Europe peut façonner la mondialisation à l’image de la France, tout en privilégiant “l’autonomie stratégique”, cette idée selon laquelle l’UE doit prendre son destin en main et ne plus être sous la dépendance des États-Unis.

Ce virage néogaulliste sera-t-il le renouveau promis par Macron ? Depuis qu’il a posé avec un exemplaire des Mémoires de guerre du général pour son portrait présidentiel, Macron invoque les mânes de De Gaulle pour affirmer l’autorité de sa présidence. Et la tendance s’accentue. Plus que jamais, le président aspire à une Europe non alignée, il croit aux forces éternelles de la nation, compte sur la sagesse de l’État : après avoir été le chantre d’un avenir sur lequel il misait sans réserve, Macron semble nous ramener de nombreuses années en arrière.

* En français dans le texte.

Ben Hall

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