Le président français, Emmanuel Macron, entame ce jeudi une visite de trois jours en Algérie avec laquelle il cherche, avant tout, à sortir des malentendus de ces derniers temps et à nouer une nouvelle relation tournée vers l’avenir, à une époque où être en bons termes avec le pays d’Afrique du Nord semble essentiel en Europe compte tenu de son potentiel énergétique.

Cette visite sera la deuxième, après celle effectuée en décembre 2017 quelques mois après le début de son premier mandat, et vise « à contribuer à approfondir la relation bilatérale tournée vers l’avenir au profit de la population des deux pays, à renforcer Franco-Algérie face aux défis régionaux et poursuivre le travail d’apaisement de la mémoire », a expliqué l’Elysée à l’issue de la conversation entre Macron et le président algérien, Abdelmayid Tébune, samedi dernier.

Le déplacement du président français intervient à un moment particulièrement pertinent, dans les premiers mois de son second mandat et après cette année, le 60e anniversaire des accords d’Evian qui ont mis fin à plus de sept ans de guerre a été célébré en mars contre les forces françaises. et l’indépendance de l’Algérie le 5 juillet 1962.

De même, le contexte provoqué par la guerre en Ukraine a également suscité l’intérêt pour l’Algérie, comme l’un des principaux pays exportateurs de gaz au monde. En ce sens, plusieurs dirigeants ont défilé à Alger ces derniers mois, dont le Premier ministre italien par intérim, Mario Draghi, qui a accepté une augmentation des exportations de gaz pour son pays.

LE GAZ, AU PROGRAMME

Il faut espérer que l’énergie, compte tenu de l’intérêt des pays européens à garantir leur approvisionnement et à réduire leur dépendance vis-à-vis de la Russie, figurera parmi les sujets abordés par Macron lors de son déplacement, au cours duquel il est accompagné d’une vaste délégation comprenant quelques les hommes d’affaires.

La France reçoit du gaz algérien via le gazoduc Medgaz qui relie le pays du Maghreb à l’Espagne et est acheminé via deux gazoducs depuis le Pays basque et la Navarre. Le gouvernement français a refroidi la prétention de l’Espagne à récupérer le projet Midcat, un gazoduc entre les deux pays depuis la Catalogne et qui a le soutien de l’Allemagne, entre autres, qui permettrait à plus de gaz d’atteindre l’Europe depuis la péninsule.

Dans ce puzzle énergétique, il y a d’autres pièces clés à prendre en compte. En premier lieu, la rupture des relations diplomatiques entre l’Algérie et le Maroc il y a un an et la fermeture consécutive du gazoduc Maghreb-Europe (GME), qui acheminait le gaz algérien via le sol marocain vers l’Espagne, en novembre.

Deuxièmement, la crise diplomatique entre l’Espagne et l’Algérie à la suite de la décision du gouvernement de Pedro Sánchez de reconnaître le plan marocain d’autonomie au Sahara comme « la base la plus solide » pour une solution au conflit. Alger a rappelé son ambassadeur en mars et a ensuite suspendu le traité d’amitié, en plus de bloquer les relations commerciales.

Au milieu de ce scénario, le média Maghreb-Intelligence a souligné que Macron avait à son ordre du jour son intention de convaincre l’Algérie d’organiser un « mini-sommet » avec le Maroc, la France et l’Espagne afin de résoudre toutes les questions en suspens, si bien , cette information n’a pas été confirmée officiellement et il faudra attendre pour voir les résultats de la visite.

RELATION TENDUE AVEC RABAT

Pourtant, l’objectif que se serait fixé Macron ne semble pas facile, puisque la relation entre Paris et Rabat n’est pas au mieux, malgré le fait que la France a traditionnellement été le pays européen le plus aligné sur les thèses du royaume alaouite.

Preuve en est le message que Mohamed VI a lancé samedi et que la presse marocaine a interprété comme particulièrement dirigé contre le gouvernement français. Le monarque a revendiqué dans un discours à la nation le caractère marocain du Sahara, célébrant le fait que de plus en plus de pays soutiennent le plan d’autonomie proposé par Rabat en 2007 pour l’ancienne colonie espagnole.

En ce sens, Mohamed VI a souligné que l’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche n’a pas signifié un revirement de la décision de Donald Trump de reconnaître le Sahara comme marocain et a souligné la « position claire et responsable » de l’Espagne après le virage opéré par Sánchez en mars. Il a également célébré qu’une trentaine de pays ont déjà ouvert un consulat dans ce que le Maroc définit comme ses provinces du sud.

Ainsi, le monarque alaouite en a profité pour « transmettre un message clair à tout le monde » et que la presse locale a interprété qu’il s’adressait surtout à la France qui, bien qu’elle salue le plan d’autonomie, n’est pas allée aussi loin dans son positionnement que Espagne. , quelque chose qui semble déranger Rabat.

« Le dossier du Sahara constitue la lentille à travers laquelle le Maroc regarde le monde, et c’est le critère clair et simple avec lequel il mesure la sincérité des amitiés et l’efficacité des associations », a averti le roi du Maroc, qui s’exprimait pour la première fois en public de la nouvelle étape de la relation bilatérale avec l’Espagne après la grave crise provoquée par l’accueil du chef du Front Polisario, Brahim Ghali.

D’autre part, la crise entre l’Espagne et l’Algérie n’est pas encore en reste malgré les messages conciliants que le gouvernement espagnol s’est efforcé d’adresser à Alger, assurant vouloir entretenir les mêmes relations de bon voisinage qu’avec Rabat. .

Malgré tout, et comme le gouvernement l’a annoncé dès le départ, l’Algérie respecte ses contrats d’approvisionnement en gaz de l’Espagne qui, alors qu’elle recherche des fournisseurs alternatifs et a déjà les États-Unis comme fournisseur principal, une position que le pays maghrébin tenue traditionnellement.

LA FRANCE ET L’ALGERIE VEULENT TOURNER LA PAGE

Indépendamment de la situation régionale et des intérêts énergétiques, la visite de Macron est très pertinente en termes de relations bilatérales entre les deux pays. L’arrivée de Macron à l’Elysée a marqué une nouvelle étape dans la relation, après une visite à Alger alors qu’il était encore candidat, il a qualifié la colonisation de « crime contre l’humanité ».

Déjà président, il a posé d’autres gestes et s’est prononcé pour ne pas rester ancré dans le passé et regarder vers l’avenir. Cependant, octobre 2021 a marqué un tournant, d’abord en raison de la décision du président de réduire de 50% les visas accordés à l’Algérie en raison du manque de coopération dans le rapatriement des immigrés illégaux.

Deuxièmement, pour ses propos critiquant le système « politico-militaire » algérien et remettant en cause l’existence de l’Algérie avant la colonisation. En réponse, Alger a rappelé son ambassadeur à Paris pour des consultations, qui n’est revenu que trois mois plus tard, après que Macron eut exprimé ses regrets face à ce qui s’était passé.

Depuis quelques mois, la relation semble être revenue à la normale, alors la visite du président français serait la cerise sur le gâteau pour couronner cette réconciliation et entamer une relation tournée vers l’avenir. Preuve en est que Macron prévoit une rencontre avec de jeunes entrepreneurs à Alger et une autre avec des jeunes à Oran.

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